Le fonctionnement de l’Islamic Cultural Centre (ICC) sera revu de fond en comble, mais surtout la façon de procéder des organisateurs du «hadj», qui sont, aux dires de Samioullah Lauthan, «de vrais Alibaba» qui ne pensent qu’à se faire de l’argent sur la tête des pèlerins. Le président de l’ICC annonce une opération « rotin bazar » contre ce qu’il qualifie de « mafia ».
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Les chiffres officiels du nombre de morts ne seront jamais dévoilés par les autorités saoudiennes, car ce serait un blâme pour ce pays.
Vous êtes un die hard mauve et vous voilà propulsé président de l’Islamic Cultural Centre (ICC) du gouvernement Lepep. Paradoxale situation, vous en conviendrez…
Je n’ai pas été demandeur, le gouvernement me l’a proposé. Avant d’accepter, j’ai posé mes conditions : il me faut avoir les mains libres, qu’il n’y ait pas de chef religieux avec différentes écoles de pensée sur le board, bien qu’on sera en consultations avec eux pour les règles qui découlent du prophète. On veut éviter les querelles des écoles de pensée.
Vous vouliez d’un ICC laïc ?
Non, on veut donner à l’ICC une dimension sociale, religieuse et culturelle avec, surtout, aucune ingérence politique.
Dans un rapport que vous avez soumis officiellement en 1996, vous avez tapé fort sur des organisateurs du hadj. Pourquoi ?
J’ai dit, dans mon rapport déposé au Parlement, qu’il y avait effectivement des « alibaba », qui agissent comme une mafia. Je disais qu’il fallait casser le monopole de Rogers comme agence de voyages, pour créer la compétition.
La perception veut que ICC rime uniquement avec le hajj. Cela devrait-il changer ?
Je prends pour exemple des membres qui ont récemment été choisis pour siéger sur le board. Il y a des gestionnaires. Il n’est plus question que l’ICC soit associé uniquement avec le hadj. On m’a dit que l’ICC prépare le hadj durant six mois et passe les six mois restants à répondre aux critiques sur le hadj.
Il semble qu’il y a polémique sur l’organisation de l’umrah…
L’umrah était devenu "free for all", un commerce où certains organisateurs se faisaient de l’argent, alors que l’ICC Act fait mention que l’umrah tombe sous la responsabilité de l’ICC et non d’organisateurs privés. C’est pour cela qu’on a créé des sous-comités pour la bonne gouvernance, les arts et la culture et la formation des jeunes. On est aidé en cela par Imran Pondor, de la Société islamique de Maurice (Sim).
Venons-en à votre voyage en Arabie saoudite avec les pèlerins du hadj. Racontez-nous…
Cela a été une riche expérience. La plus grande épreuve de ma vie avec la disparition de nos compatriotes. Cela n’a pas été un pèlerinage comme les autres, car c’était l’événement le plus tragique de toute l’histoire du hadj. Lorsque je suis allé avec Fareed Jaunbocus, membre du board de l’ICC, vérifier la galerie des photos pour identifier nos disparus, il y avait déjà 2 215 victimes. Puis, il fallait consulter les registres et les morgues. En même temps, les photos passaient en boucle sur des écrans géants.
Choqué ?
Les victimes avaient le visage tuméfié et défiguré, les yeux sortis de leur orbite, la langue pendante... c’était affreux et triste (Il nous montre alors des photos insoutenables). Il y avait de quoi être choqué, les images donnaient des frissons. Au départ, on dénombrait 15 disparus mauriciens et il nous fallait les localiser. On a créé une cellule de crise et on était confiant. On a visité des hôpitaux, des morgues, des unités de soins intensifs. Je dois dire que nous avons reçu une grande aide de Mauriciens travaillant en Arabie saoudite, dont Toufeil Oozeerally et Yusuf Jubboo. C’est celui-ci qui a découvert Mme Jannoo dans un lointain hôpital qui n’était pas sur la liste officielle. On a eu aussi l’aide d’Iqbal Choomoo, d’Abdool Lalloo et de trois jeunes étudiants – Mohamed Teemul, Yasir Mohoboob et Oomar Karimbocus – et de deux médecins mauriciens.
Qu’est-ce qui a déclenché ce mouvement de foule ?
Il y a plusieurs versions, mais cela reste un mystère. Toutefois, du point de vue islamique, mourir à Makka est un cadeau béni de Dieu, si c’est écrit dans votre destin.
Certains parlent de la chaleur, de l’accident de la grue et d’un incendie qui ont causé une psychose, une peur qui a provoqué la panique. Serait-ce le cas ?
Il y a effectivement eu une psychose collective, un genre de traumatisme. Mais officiellement, il n’y a pas encore de rapport sur la cause de cette panique généralisée. Les chiffres officiels du nombre de morts ne seront jamais dévoilés par les autorités saoudiennes, car ce serait un blâme pour ce pays.
Justement, parlons des organisateurs mauriciens qui ont refusé de prendre on board les 120 pélerins supplémentaires. Pourquoi ce refus ?
Il y avait trop de risques financiers à prendre et les procédures administratives sont lourdes. il fallait réserver l’hôtel, payer la note, les 15 % de taxe aux autorités saoudiennes, consulter le ministère du Hadj pour avoir le feu vert, l’ambassade en Afrique du Sud. En sus des 120 pélerins supplémentaires, cinq avaient annulé leur départ. Ici, les Arabes disent cash down. Mon ami Fareed Jaunbacus allait foot the bill de sa poche pour garantir la venue de ces 120 pélerins, mais nous avons, au sein de l’ICC Mission, pris sur nous pour tout régler. L’année prochaine, pas question d’avoir des pélerins supplémentaires à la dernière minute. Le quota final restera final.
Il faisait une chaleur étouffante de 50 degrés et la clim ne fonctionnait pas…
On a dû aller voir les autorités pour que les climatiseurs en mauvais état fonctionnent dans les tentes des pélerins mauriciens. On n’a jamais baissé les bras, même si on a galéré. La qualité des repas, ainsi que leur quantité, laissaient à désirer et on a dû faire des représentations auprès des autorités, en leur montrant une assiette qui nous avait été servie et qu’on estimait inacceptable, pour que cela change.
Les autorités saoudiennes ne sont pas malléables, dit-on.
C’est un système archaïque, surtout qu’ils ne parlent pas l’anglais. Un exemple : pour un simple problème de bagages d’un Somalien, on a dû poireauter sept longues heures en bus. Sur les 30 toilettes attribuées aux Mauriciens, seules sept fonctionnaient.
Quelles leçons en tirer ?
Les opérateurs du hadj sont là pour le commerce, ils regroupent les pélerins, prennent leur argent et font du business.
L’ICC va revoir tout cela, il y aura une opération « rotin bazar ».
Déjà, pour le dernier pélerinage, si on juge qu’il y a eu faute grave de leur part, on va appliquer le couperet.
Et la présence du ministre Showkutally Soodhun ?
Il a fait ses efforts et à son niveau, il pourrait faire retracer la dernière disparue. Mais déjà, les autorités saoudiennes n’attendent plus l’identification des cadavres en décomposition avancée, elles enterrent certains morts.
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