Il sait ce qu’il veut. Il s’est fixé des objectifs et travaille dur pour les réaliser. Et l’un d’eux s’est concretisé quand il a été proclamé lauréat la semaine dernière. Luciano Azor veut désormais étudier le droit en Angleterre et, plus tard, se jeter dans l’arène politique. Cependant, le plus important pour lui, c’est d’offrir une vie stable et confortable à sa famille.
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Un sourire sage éclaire son visage. Il affiche une maturité qui frappe pour un jeune de son âge, lui qui respire surtout la confiance et l’humilité. C’est ainsi que nous avons rencontré Luciano Azor à son domicile à Résidence Mère-Teresa, à Triolet, vendredi après-midi. Le jeune homme de 19 ans revient sur son parcours quelque peu surprenant. « Je vis une vie très simple. Jamais je n’aurais pensé en arriver là un jour. Mais je suis fier de mon parcours », confie notre interlocuteur.
Au primaire, j’étais un ‘slow learner’. Je ne savais même pas écrire l’alphabet. Je ne pouvais pas assimiler ce que j’apprenais»
La vie n’a pas toujours été facile pour notre lauréat. Issu d’une famille humble, avec son père Andrew travaillant comme maçon et sa mère Farida, qui est cleaner, Luciano Azor a aussi un grand frère, Pascal, qui est aussi maçon. « Notre vie n’a pas été de tout repos, mais nous ne l’avons pas pris comme une fatalité pour nous apitoyer sur notre sort. Nous étions motivés pour sortir de notre misère au lieu de nous lamenter », relate Luciano Azor.
Ses parents travaillent toujours très durs pour s’assurer que leurs enfants ne manquent de rien. Aussi, avec beaucoup de sacrifices, ils ont pu procéder à l’agrandissement de la maison familiale, composée de deux pièces en tôles, en y ajoutant deux pièces en dur. Et pourtant, Luciano Azor affirme n’avoir jamais manqué de rien. Comprenant que ses parents ne pouvaient pas tout lui donner, il ne s’est jamais montré exigeant.
« Au primaire, j’étais un slow learner. Je ne savais même pas écrire l’alphabet. Je ne pouvais pas assimiler ce que j’apprenais. Ma mère avait été convoquée par mon prof, qui lui a dit que je ne savais pas écrire », se souvient le jeune homme. Ce sont sa mère Farida et sa tante qui l’aideront pour l’écriture. Pendant ses trois premières années à la Maheshwarnath Government School, Luciano Azor a obtenu des ‘E’ et même des ‘U’. C’est en Standard IV qu’il a commencé à faire des progrès, avec l’aide de son enseignant, Monsieur Kangallee. Et il est ainsi arrivé à décrocher 4 ‘A’ et 1 ‘A+’ au Certificate of Primary Education (CPE).
Il a, par la suite, intégré le collège d’État de Triolet. Pendant les premières années en secondaire, il s’est classé septième ou huitième en classe. « C’est à partir de la Form III que j’ai pris mon envol. Quand je regardais la proclamation des lauréats à la télé, j’ai entretenu ce rêve d’être, à mon tour, lauréat. Je voulais devenir la fierté de mes parents et faire honneur à mon collège », explique-t-il. Mais Luciano Azor ne pipe mot de ce rêve à quiconque. Comme un combattant silencieux et calme, il abat un travail monstre. Même si sa famille savait qu’il était intelligent, c’était une grande surprise pour elle d’apprendre qu’il avait été proclamé lauréat.
En Form V, il avait opté pour les sciences. Ce boursier du côté Arts avait obtenu six unités aux examens du School Certificate (SC). Il est devenu le premier étudiant du collège d’État de Triolet à avoir de tels résultats. Toutefois, ses choix de sujets pour le Higher School Certificate (HSC) ont été complètement différents. Il a abandonné les sciences pour les arts. « Je n’ai jamais vraiment aimé les sciences. J’ai choisi cette filière à cause de mes camarades et sur le conseil de certains enseignants. J’ai donc suivi le troupeau », s’exclame le jeune homme.
C’est un voyage aux états-Unis qui l’oriente sur ce qu’il veut réellement réaliser. Luciano Azor avait, en effet, été choisi pour suivre un cours de leadership. Il restera pendant trois semaines dans trois villes, notamment à Washington D.C., Chicago et Portland. « Ce séjour a changé ma perception. Les Américains sont ‘open’ et ont un différent état d’esprit. Cela m’a beaucoup inspiré. J’ai opté pour ce qui me passionne. Parallèlement, il y a un enseignant qui, ayant vu mon potentiel, me l’avait aussi conseillé », raconte le boursier.
Son séjour aux états-Unis l’a également aidé au niveau de son développement personnel et il a acquis des aptitudes, comme parler en public. Luciano Azor s’est classé huitième de la cuvée 2016 du HSC. Toutefois, l’habitant de Résidence Mère-Teresa n’est guère satisfait de sa prestation. L’ironie fait que les mathématiques, sujet dans lequel il a échoué en primaire est devenu son point fort. « J’ai senti que je n’avais pas tout donné et que je pouvais faire mieux. Quand je l’ai dit à mes parents, ma mère n’était pas très enthousiaste. Reprendre part aux examens du HSC était synonyme de dépenses. On a dû payer pour que je prenne part à ces épreuves. On a dû acheter de nouveaux livres », explique-t-il.
« Focalisé sur l‘objectif »
Aller toujours plus loin, toujours plus haut et être toujours plus fort. C’est cela qui a aidé le jeune homme à aller au bout de ses rêves. Il dit, à cet effet : « J’aime les défis et j’étais focalisé sur mon objectif d’être lauréat. C’est une condition pour exceller. » Luciano Azor redouble ainsi d’efforts. Si pour sa première tentative, il n’avait pris des leçons particulières que pour une matière, il en prendra pour toutes les matières lors de cette deuxième tentative. Trois enseignants lui ont donné des leçons gratuitement. « J’ai une pensée spéciale pour M. Ahmad, M. Chundunsingh et Mme Lutchmun. Ils ont cru en moi », affirme-t-il. Et quand il terminait tard ses leçons, c’est le frère de son papa qui allait le récupérer.
Il travaillait nuit et jour et avait le soutien indéfectible de ses parents et de son frère. « Des fois, je perdais la notion du temps en révisant. Le monde n’existait plus. Je voulais quelque chose et je courais pour l’avoir », lâche Luciano Azor. Il explique qu’il faut un mental de fer pour résister aux tentations. Et d’ajouter : « Je suis humain aussi, mais j’ai le mental. C’est la différence entre un lauréat et un étudiant qui préfère se sentir appartenir à un groupe. »
Luciano Azor confie, par ailleurs, que c’est l’environnement dans lequel il a grandi qui l’a motivé à apprendre. Il y a de nombreuses personnes, dit-il, qui n’ont pas d’objectifs dans la vie, ou bien elles n’ont pas d’opportunités et adoptent une attitude défaitiste. Il ne souhaite pas avoir une vie similaire. Selon lui, on peut toujours évoluer, si on a la volonté.
Désormais, Luciano Azor compte étudier le droit en Angleterre, plus précisément à Londres. Toutefois, il réfléchit toujours. « J’ai eu une bourse additionnelle. Et j’ai appris qu’il y a des lauréats qui ont fait face à des problèmes, car la somme obtenue de l’état ne couvre que les frais de scolarité. Je vais, bien sûr, travailler s’il le faut, mais je ne vais pas dévier de mon objectif », lance le lauréat.
Et dans 10 ans, Luciano Azor se voit avocat notable et connu. Il souhaite aussi faire de la politique et même devenir Premier ministre. Toutefois, les partis traditionnels ne l’intéressent guère. Il veut apporter une autre définition à la politique, voire une autre dimension. Le boursier veut également se mettre au service d’autrui, surtout des démunis. Il veut avant tout changer la société mauricienne.
Quant à ses parents, il souligne ne pas pouvoir les rembourser pour tout ce qu’ils ont fait pour lui. Luciano Azor se promet néanmoins une chose. Il va tout mettre en œuvre pour leur assurer une vie stable, avec tout le confort voulu. Il se dit fier de faire partie de cette famille. « Notre maison est certes petite. Nos conditions de vie ne sont pas extraordinaires, mais la convivialité et l’esprit de famille règnent », indique l’habitant de Résidence Mère-Teresa.
C’est à partir de la Form III que j’ai pris mon envol. Quand je regardais la proclamation des lauréats à la télé, j’ai entretenu ce rêve d’être à mon tour lauréat»
« C’est Dieu qui l’a voulu »
Et s’il est lauréat, Luciano Azor explique que c’est Dieu qui l’a voulu ainsi. « Je pense que Dieu contrôle tout. Sans lui, je ne suis rien. Si je suis lauréat, c’est qu’il l’a décidé », poursuit-il. Il soutient de ne pas oublier ses origines, d’où son humilité. Il dit savoir ce que représente faire des sacrifices ou ne pas avoir d’argent pour les dépenses quotidiennes, quand son père ne pouvait travailler à cause du mauvais temps. « Il fallait solliciter l’aide des autres. Je n’ai pas honte de le dire. »
Pour lui, il ne faut pas s’apitoyer sur son sort. Il faut demander de l’aide. Et il croit que les gens tendent la main vers ceux qui ont la volonté d’avancer. Le boursier croit que le manque de motivation est un vrai handicap qui explique bien des échecs. Au contraire, la motivation est une énergie puissante qui peut mener de succès en succès.
Luciano Azor précise aussi que tout le monde ne peut être lauréat, mais que tout un chacun a un rôle. « Chacun a ses qualités et c’est ensemble que nous formons une société. Aux parents, je dirai : ne mettez pas la pression sur vos enfants pour qu’ils soient lauréats. Il faut qu’ils se laissent guider par leur passion et il faut les aider à réaliser leurs rêves », conseille le lauréat.
Quant à sa maman Farida, elle est toujours aux anges. « Je me sens fière quand on me félicite. Je me sens grandie. Je dirai aux personnes se trouvant dans notre situation de ne pas se décourager. Vous qui êtes modestes comme nous, il faut persévérer », soutient la cleaner. Farida ne s’est pas permis des friandises ou autres gâteaux, mais a tout fait pour ses enfants. Elle souligne, de plus, qu’elle sera triste quand Luciano Azor s’envolera pour l’Angleterre, mais qu’elle ne peut que souhaiter son bonheur et sa réussite, car il a ses aspirations.
Luciano en bref
Ce que j’aime : la musique, la lecture
Ce que je joue : la guitare
Mes trésors : ma famille
Mes plats préférés : tout ce qui est italien
Mes sports : le jogging et le vélo
Mes plans : aller à la plage ou au resto, une journée au Jardin des Pamplemousses en famille ou une soirée bbq et musique
Mon livre préféré : A man for all seasons de Robert Bolt. Le personnage de Thomas Cromwell me ressemble beaucoup. Il a des principes qui sont « unshakable ».
Si je devais soutenir une équipe de foot, ce serait Manchester United
Devise : Croire en Dieu, en soi et en sa famille. Dieu est tout pour moi. Dieu est en moi, avec moi. Il est omniprésent. Je crois, d’ailleurs, si tu veux vraiment quelque chose, tout l’univers se mobilise pour te permettre de réaliser ton désir.
Message aux jeunes : Vos parents font des sacrifices pour que vous réussissiez votre vie. Ne vous laissez pas influencer par la pression des pairs. Ne vous laissez pas dévier de vos objectifs.
Après 50 ans d’Indépendance : Je souhaite un changement de mentalité des Mauriciens, qui sont souvent impulsifs. Il faut toujours peser le pour et le contre avant d’agir. Chaque personne doit assumer ses responsabilités. Et avant de critiquer, il faut montrer l’exemple et non pas l’inverse.
La réforme de l’éducation : l’approche holistique du 9-Year Schooling est louable, mais il faut mettre encore plus l’accent sur le côté extrascolaire.
Zoom sur la Résidence Mère-Teresa
Située à Triolet, Résidence Mère-Teresa est habitée par une soixantaine de familles. Jadis, les gens étaient pauvres. Monique Elisé, qui y vit depuis 55 ans, explique que la vie est moins difficile qu’auparavant. Elle révèle que la pauvreté était flagrante et que les personnes étaient pour la plupart des éleveurs de porcs. Ils ont fait face à beaucoup de problèmes.
Les maisons étaient en amiante. Fort heureusement, aujourd’hui les choses ont changé, explique cette habitante. La localité est devenue une cité ouvrière. Elle soutient que la plupart des habitants ont un travail saisonnier comme maçons. Il y a aussi des habitants qui sont fonctionnaires ou policiers. Monique Elisé souligne que c’est l’effort et la persévérance qui ont permis à de nombreuses familles de progresser. Elle indique aussi que l’éducation est la clé de la réussite, citant l’exemple de Luciano Azor, qui devient le premier lauréat de Résidence Mère-Teresa.
Nombreux sont, d’ailleurs, les habitants à décrire Luciano Azor comme un « enfant bien élevé » avec de bonnes qualités. Ce n’est pas Jacqueline Spéville, un autre habitant, qui nous dira le contraire. Elle déclare que c’est une grande fierté d’avoir un lauréat parmi eux. C’est une joie, lance notre interlocuteur. Même son de cloche chez Bertrand Baronnet. Pour lui, Luciano Azor a donné le meilleur de lui-même pour être lauréat.
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