Le rapport de la firme singapourienne NTan Corporate sur l'affaire BAI met en lumière des failles à plusieurs niveaux du système financier mauricien – des décideurs et hauts cadres des principales entités concernées, auditeurs de même que les régulateurs (BoM et FSC).
L'on se souvient que,dans un rapport sur l'affaire MCB/NPF en 2005, la même firme singapourienne avait dévoilé le mécanisme de cet énorme scandale en pointant du doigt des graves manquements au niveau du système de contrôle interne de la banque, ce qui a permis, selon le rapport, des transferts non autorisés des sommes faramineuses vers d'autres groupes de compagnies privées.Mais il n'y a pas que l'affaire BAI ou MCB/NPF ; beaucoup d'observateurs sont d'avis que si un audit approfondi était mené sur toutes les grandes entreprises locales, l'on découvrirait alors ce que l'ex-directrice du défunt ECO, Indira Manrakhan, avait appelé « un monstre de la corruption » en se référant au secteur privé lors d'une interview accordée à un hebdomadaire (Mauritius Times du 24 janvier 2003).
Mais il ne faut pas se leurrer. La corruption est une caractéristique inhérente au système du capital. Ce sont deux éléments du même ensemble. Et il va sans dire que lorsque croît la valeur de l'argent,le fléau tend toujours vers la consolidation.Ce phénomène entraîne aussi dans son sillage l'émergence d'autres fléaux,tels la précarité,les licenciements et le chômage.Ceux-ci, pour boucler la boucle, engendrent à leur tour des pratiques malveillantes telles les passe-droits,le favoritisme,le népotisme et le copinage.C’est la raison pour laquelle,sous le système actuel de développement économique dont le capital constitue justement le noyau, aucun combat et aucune loi, même pas des amendements constitutionnels fondamentaux, ne pourraient venir à bout de la corruption. Ce combat, qui relève plutôt d'une question de conscience, ne pourrait qu’atténuer l'ampleur du problème pendant un temps donné,sans pour autant l'éliminer de manière radicale.Car la corruption est semblable à une hydre qui repousse à chaque fois qu’un de ses tentacules est amputé ou un arbrisseau qui bourgeonne à nouveau au printemps après avoir été assommé par le froid de l'hiver.
Le rapport annuel de Transparency International sur la perception de la corruption, rendu public fin janvier, démontre que les deux-tiers des 168 pays évalués obtiennent une note inférieure à 50 points. C’est-à-dire qu’ils se situent du côté des plus corrompus. Dans cette catégorie figurent également les BRICS, des pays qui jouent pourtant un rôle prometteur dans l'économie mondiale.Le Brésil,par exemple,est embourbé dans le méga-scandale de corruption concernant le groupe pétrolier public Pétrobras, soupçonné d'avoir versé pendant des années des pots de vin aux responsables du Parti des Travailleurs au pouvoir. Ce scandale a, par ailleurs, suscité une crise politique profonde, menaçant même la présidente Dilma Rouseff de destitution.Le Brésil,donc,se trouve à la 76e place du classement. La Chine, deuxième économie mondiale actuellement mais en passe de ravir la première place aux États-Unis dans quelques années, est à la 83e place. La Russie, de son côté, traîne à la 119e place.
L’Afrique est perçue comme la région la plus corrompue de la planète.Néanmoins,Maurice s’est hissé à la 45e place l'an dernier, gagnant deux places comparé à 2014.Pourtant,la perception de la corruption chez nous ne faiblit pas,même après le changement de régime en décembre 2014.D'autant que la vaste opération de nettoyage déclenchée en janvier 2015 n'a fait que lever le voile sur de nombreuses affaires, les unes plus ahurissantes que les autres. À ce sujet, si un ancien Premier ministre, dont une des responsabilités principales est justement de gérer l'argent de l'État, n'a aucun problème de conscience par rapport à ses fonds et richesses accumulés durant ses mandats, pourquoi alors choisit- il de garder le silence sur leur provenance ?
D'autre part, la crise financière mondiale de 2008 a encore une fois démontré que la base de la dérive économique est constituée d'un système financiarisé dénué de tout sens de rationalisme,mais auquel sont étroitement liés le développement et l'épanouissement humain,l'existence même de l'humanité.Car il n'y a pas que des considérations économiques qui entrent en jeu mais aussi sociales,environnementales,etc.Ainsi,à un système économique chancelant, engendrant corruption, inégalités, tensions sociales,crises financières et écologiques,plus que jamais une alternative s'impose.Avant qu'il ne soit trop tard.
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