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La vie après la prison - Réinsertion des ex-détenus : réel défi ou simple utopie ?

Comment réussir le pari de la réinsertion professionnelle des ex-détenus si les conditions ne s’y prêtent toujours pas ? Dominique Chan Low, psychologue dans le milieu carcéral au sein de l’ONG Kinouete, tente d’apporter des éléments de réponse.

« On comprend qu’il soit tenté de commettre des délits. Cela ne fait pas de lui un criminel. »

«Aussi longtemps que les ex-détenus seront confrontés à la pauvreté de leurs milieux ainsi qu’à l’absence d’écoute et d’accueil, le risque de récidive sera présent. » C’est ce qu’estime Dominique Chan Low, conseiller psychologue à l’association Kinouete depuis décembre 2012. Et le fils de l’historien Jocelyn Chan Low, qui a rencontré de nombreuses personnes à l’étranger qui sont engagées dans la réinsertion des ex-détenus, parle en connaissance de cause.

Pour le trentenaire, les milieux défavorisés constituent un terreau fertile aux délits menant à la prison. Ce qui l’inquiète, en revanche, c’est que depuis ces dernières années, la population carcérale s’est rajeunie.

Comment cerner cette problématique dans une société où la stigmatisation et l’exclusion constituent une barrière infranchissable dès que l’on s’éloigne des normes admises par une majorité ? « Le processus de la réinsertion commence certes entre les murs de la prison. Mais à sa sortie, un ex-détenu doit pouvoir retrouver sa famille, qui est à la fois un milieu protecteur et une source d’espoir pour lui, afin qu’il puisse trouver du travail », fait valoir Dominique Chan Low.

S’attaquer aux inégalités sociales

Le psychologue réclame la mise sur pied d’une véritable politique de réinsertion pour les ex-détenus. « On connaît déjà le profil classique du détenu. Il est souvent issu d’un milieu défavorisé. Il vit dans un quartier pauvre et a eu une scolarisation moyenne, ce qui réduit ses chances de trouver un travail stable et un salaire décent », explique-t-il.

Il ajoute que si l’épouse de l’ex-prisonnier a elle aussi ce profil, leurs enfants ont des chances d’avoir le même parcours scolaire qu’eux. « Lorsque vous examinez leurs conditions de vie et leurs attentes, ainsi que celles de leurs enfants, on comprend que le mari soit tenté de commettre des délits pour s’en sortir. Cela ne fait pas de lui un criminel. »

Selon Dominique Chan Low, si on le place avec des criminels endurcis incarcérés, il ne changera pas et récidivera.  Pour que la situation s’améliore, le psychologue est convaincu qu’il faut s’attaquer aux inégalités sociales. « C’est de plus en plus dur pour de nombreuses familles de vivre avec des revenus mensuels inférieurs à Rs 8 000. On peut dès lors comprendre la frustration qu’engendre une telle précarité. Elle peut conduire des enfants à commettre des petits larcins avant de finir devant la Child Protection Unit et être catalogués comme des children beyond control. »

Pour Dominique Chan Low, le soutien offert par l’État dans les centres d’accueil risque de ne rien apporter de concret si l’on ne donne pas d’accompagnement moral, émotionnel et pédagogique s’inscrivant dans la réalité de Maurice. « à titre d’exemple, si à 18 ans des filles se retrouvent dans une situation précaire, contrairement à d’autres du même âge, beaucoup finiront en prison. Elles seront tentées de récidiver pour avoir le même niveau de vie que d’autres plus chanceuses. Au final, la plupart tomberont dans l’enfer de la prostitution et de la drogue. »

Mais là où le bât blesse c’est au niveau du certificat de moralité. Il s’agit, selon le psychologue, d’un véritable « antipasseport » qui joue à la fois contre les petits délinquants et les grands criminels quand ils recherchent du travail à leur sortie de prison. Mais les détenus sont-ils sensibles aux conseils que leur prodiguent les organisations non gouvernementales engagées dans leur réinsertion ? « Les autorités carcérales et Kinouete ont signé un Memorandum of Understanding. Je pense que si notre travail n’était pas apprécié, elles nous auraient demandé de tout arrêter. »

Dominique Chan Low ne nie pas la somme de travail à abattre. « Les prisons comptent environ 2 500 détenus. Et bien que notre équipe de professionnels et de volontaires ne soit pas grande, nous réussissons à toucher 400 prisonniers chaque année. En 2015, il n’y a eu que trois récidives. C’est satisfaisant, même si nous sommes conscients du fait que ce ne soit pas suffisant », reconnaît-il.

 

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