Nos juges viennent encore une fois de désapprouver les magistrats de la cour intermédiaire en renversant leur jugement condamnant l’ancien Chef commissaire de Rodrigues Johnson Roussety à trois mois de prison sous une accusation de trafic d’influence, selon l’article 9 de la PoCA.
Dans un jugement fort éclairé, rendu le 26 janvier 2016, la Cour d’appel ne mâche pas ses mots, statuant notamment que les conclusions des deux magistrates comportent « de sérieux manquements » et découlent d’une « mauvaise lecture des preuves présentées ». Or, l’on ne plaisante pas avec la liberté d’un individu, la Constitution est claire à ce sujet. Dans toute démocratie digne de ce nom, la liberté constitue la règle et sa suppression, l’exception – une réalité que, malheureusement à Maurice, certains ont parfois tendance à négliger.
À tort ou à raison, notre judiciaire est souvent accusé d’être trop « prosecution-minded », étant donné que la grande majorité, pour ne pas dire la totalité de nos juges et magistrats sont issus du parquet. La récente affaire Aurore Gros-Coissy est un autre cas pouvant ajouter de l’eau au moulin de ces critiques. Cependant, en rectifiant le tir, le jugement en appel a démontré que la confiance en notre judiciaire demeure toujours intacte. Deux questions se posent : les magistrats des cours inférieures blâmés par les juges en appel apprennent-ils vraiment de leurs erreurs ? Vu le coût, parfois démesuré, de la justice à Maurice, combien d’accusés qui ne peuvent payer leurs cautions ou qui n’ont pas les moyens d’interjeter appel d’une condamnation croupissent-ils ces jours-ci en taule ?
Pravind Jugnauth, qui n’exclut pas un ultime round à Londres pour casser sa condamnation, est bien placé pour connaître le coût de la justice. Dans l’affaire qui le concerne justement, le jugement a été mis en délibéré. Le chef juge et le juge Caunhye prendront tout le temps requis pour étudier les nombreux arguments soulevés lors des plaidoiries avant de se prononcer. Il n’y a aucune urgence, vu que la condamnation du leader du MSM à une année d’emprisonnement – sentence convertie en travaux communautaires –, a été suspendu et n’entrave pas le député dans l’exercice de ses fonctions. Si Pravind Jugnauth obtient gain de cause, il aura bien évidemment tout le loisir de reprendre son poste ministériel, qui n’a pas été alloué à un nouveau membre du Cabinet. Cela, même si le DPP décide de saisir le Privy Council.
Mais si le jugement de la cour intermédiaire est confirmé par les juges, la situation se corsera pour Pravind Jugnauth, qui jouera sa dernière carte en faisant appel au Conseil privé. En attendant, sa traversée du désert ne ferait que se prolonger, une éventualité qui aura évidemment des répercussions sur le gouvernement. Même si Pravind Jugnauth bénéficierait toujours de la présomption d’innocence jusqu’à la fin de son procès, le Premier ministre serait néanmoins contraint de changer son fusil d’épaule et de revoir sa stratégie administrative et politique, bien qu’il ne soit pas leader de parti. Un remaniement ministériel serait alors nécessaire pour remplacer Pravind Jugnauth au Conseil des ministres, mais aussi pour envisager la relève au poste de chef du gouvernement, au cas où les conditions l’exigent à brève échéance.
Mais quoi qu’il en soit, s’il est vrai que le terme « conflict of interests » peut donner lieu à différentes interprétations, l’ambiguïté de l’article 13(2) de la PoCA ayant trait au terme « any proceedings » mérite d’être clarifiée.
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