La démission de Raj Dussoye entraînerait des changements dans l’organigramme du 2e groupe financier du pays. Alors qu’à Maurice, deux noms sont cités pour le poste de CEO de la SBM Bank (Mauritius), au Kenya, une nomination est officielle… ou presque.
La succession de Raj Dussoye est à la fois ouverte et proche de se concrétiser. Parce qu’au lendemain de sa démission, le vendredi 17 août, deux noms circulent pour occuper le poste de Chief Executive Officer de la SBM Bank (Mauritius). Une décision imminente est attendue afin de redonner confiance aux clients et investisseurs sur la gestion des affaires.
Ces deux personnes sont déjà des hauts-cadres au sein de la holding. La première est Kris Lutchmeenarraidoo, présentement Chief Executive Officer de la SBM (NBFC) Holdings Limited. Au vu de son expérience de la finance mauricienne, il semble être le candidat logique pour prendre les rênes de la banque mauricienne. (Voir déclaration plus loin). Cependant, il se chuchote qu’un autre cadre pourrait être installé pour une période temporaire en attendant un recrutement. Ce serait Parvateneni Venkateswara Rao qui occupe le poste de Head of Financial Markets. Sa promotion éviterait une chaise musicale à la tête des différentes entités.
Décision collective
Le départ de Raj Dussoye ne serait pas 'LE' point final à des sanctions au sein de la SBM Bank (Mauritius). Selon les normes bancaires édictées par la Banque de Maurice, un CEO ne peut, seul, approuver de tels montants, de surcroît à des enseignes internationales ayant aucune notoriété à Maurice. (Voir Mieux comprendre…) Bien que le CEO soit présent sur les comités décisionnaires ayant des membres externes, la décision finale est collective. Ce faisant, à la suite des enquêtes sur les transactions à risques, on devrait s’attendre à d’autres départs vu que la préparation des documents, les différentes étapes de vérification engagent différents départements.
La semaine a aussi vu des changements majeurs au Kenya, où le Group Chief Executive Officer de la SBM Holdings, Andrew Bainbridge, s’y trouve. La presse locale annonce la nomination de Moezz Mahmood Mir comme le Chief Executive Officer de la SBM Bank Kenya. Jotham Muthoka, qui a assuré l’intérim à ce poste devient son adjoint et cumulant les fonctions de Chief Business Development Officer.
L’avis de deux banquiers
Depuis que la nouvelle de la démission du CEO de la SBM (Mauritius) Ltd est tombée jeudi soir, les commentaires vont bon train dans le milieu bancaire. La SBM risque-t-elle d’être affectée ? Deux banquiers nous livrent leurs impressions. Le sujet étant sensible, ils ont préféré nous parler sous le couvert de l’anonymat.
« Il y a un prix à payer quand on prend des risques non-calculés »
« J’ai été surpris en apprenant la démission du CEO de la SBM. Le conseil d’administration doit avoir des raisons solides pour que ce dernier ait soumis sa lettre de démission », commente un haut cadre dans le secteur bancaire qui précise, toutefois, que le CEO d’une banque est responsable et accountable pour tout ce qui se passe au sein de la compagnie. Selon lui, cette décision va attirer « pas mal de critiques », surtout que la compagnie est listée en Bourse. « Toutefois, je ne pense pas que cette affaire va affecter le bon déroulement de la banque,d’autant qu’elle a des bases solides. Ceci dit, toute banque travaille sur des risques. S’ils ne sont pas calculés, il faut s’attendre à en payer le prix », ajoute notre interlocuteur.
« Le CEO n’est pas le seul à blamer »
« C’est fort triste ce qui arrive. Cet événement vient rappeler aux banques que le Cross-Border Banking est bien plus complexe que le Domestic Banking », explique un banquier, fort de ses nombreuses années d’expérience. Pour faire du Cross-Border Lending, les banques domestiques doivent avoir un cadre de gestion de risques très robuste, mais aussi des gens extrêmement compétents au sein de ce service. Pour notre interlocuteur, il est clair que la SBM « n’a pas eu un système de gestion de risques adéquat ». « On a l’impression que les personnes n’ont pas été formées correctement. Pour moi, le CEO n’est pas le seul à être blâmé. Les torts sont partagés. Le conseil d’administration a aussi sa part de responsabilité, car ces crédits ont été approuvés par le board du risk committee », conclut-il.
Mieux comprendre
L’action plonge de 13 %
Quand la confiance des investisseurs n’y est plus, c’est le cours de l’action qui en prend un sacré coup. La SBM Holdings l’a appris à des dépens ce mois-ci. Depuis le 31 juillet jusqu’au vendredi 17 août, le titre a perdu 70 sous, soit quelque 9,5%, pour terminer à Rs 6,70. Cependant, c’est à l’entame du mois de juin que les investisseurs ont commencé à exprimer leurs craintes, passant de Rs 7,70 à Rs 7,14 en quatre séances. Ces jours auraient coïncidé avec la découverte de l’étendu des risques pris par rapport au groupe kenyan Pabari. Le cours a évolué en dents de scie. L’annonce officielle du prêt jugé « frauduleux » à une entité de Dubayy n’a fait que tirer davantage le prix vers le bas. En deux mois et demi, donc, le titre aura chuté d’une roupie, soit 13 %.
Des milliards entre Kenya et Dubayy
Les scandales ont de quoi faire peur à tout banquier local. Les prêts consentis par la SBM (Mauritius) Limited au groupe Pabari du Kenya seraient de Rs 7 milliards, selon les récents articles de presse. De ce montant, que Rs 3,5 milliards disposent de garanties. Il a fallu négocier dur, allant jusqu’à avoir l’assurance du gouvernement kenyan, pour que la direction de la SBM puisse respirer. Une enquête interne a cloué au pilori le management. Une seconde enquête est en cours pour situer les responsabilités sur des facilités de Rs 928 millions (USD 27 millions) à une firme de Dubayy. Dans ce présent cas, la direction estime qu’il y a eu transaction frauduleuse. Davantage de têtes risquent de tomber dans cette opération de nettoyage qu’a enclenchée le conseil d’administration.
Une semaine de terribles chiffres
Le départ de Raj Dussoye, officialisé le vendredi 17 août, a bouclé une semaine de peines pour le 2e groupe financier du pays. Lundi soir, le conseil d’administration a validé un bilan financier semestriel où les profits ont chuté de Rs 1,15 milliard pour passer à…Rs 156 millions. Sur une base trimestrielle, soit les trois mois se terminant au 30 juin, le groupe a enregistré des pertes de Rs 590,6 millions contre un bénéfice après impôts de Rs 728,5 millions au trimestre similaire en 2017.
Pressenti pour être le nouveau CEO - Kris Lutchmeenaraidoo : «Rien d’officiel à ce stade»
Son nom est cité comme l’éventuel successeur de Raj Dussoye au poste de CEO de la SBM Bank (Mauritius) Ltd. Lui, c’est Kris Lutchmeenaraidoo, CEO de la SBM (NBFC) Holdings Ltd. Sollicité à cet effet, le principal concerné nous répond : « Il y a beaucoup de rumeurs à Maurice. À ce stade, il n’y a rien d’officiel à ce sujet. Si une décision est prise, le groupe publiera un communiqué de par le fait qu’il est listé sur la Bourse ». À une question sur les derniers événements à la SBM, il souligne : « Je ne peux commenter sur la banque, car je suis dans le département non-bancaire ».
Mauritius Bankers Association : «Une question interne à la SBM»
À la Mauritius Bankers’ Association, on ne souhaite pas commenter l’affaire dans la mesure où c’est une « question interne à la SBM ». « Les banques ont leur propre mécanisme de contrôle interne », soutient-on à la MBA, tout en précisant que le secteur bancaire est bien réglementé à Maurice.
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