Le suspense a pris fin. Beaucoup sont peut-être restés sur leur faim malgré une pléiade de mesures intéressantes dans divers secteurs.
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D’abord, il faut être réaliste : l’exercice budgétaire annuel d’un gouvernement ne peut plaire à tout le monde. Ensuite de bonne foi, il faut reconnaître que le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth veut mener le pays à bon port avec les moyens du bord.
Le temps n’est-il pas venu de démystifier le Budget annuel? Les politiciens ont, au fil des années, transformé l’exercice budgétaire en une sorte de grande attente, donnant l’impression à la masse que le rôle du Grand argentier est de jouer au Père Noël. Ainsi, tout ministre des Finances est obligé de suivre la voie des prédécesseurs. Celui qui osera déroger à la tradition subira les foudres des citoyens. Donc il faut absolument offrir quelque chose, même si ce n’est qu’une économie de 10 sous sur son pain quotidien ! Ou encore des mesures symboliques pour les incontournables planteurs, pêcheurs et éleveurs.
Le Budget 2017/2018 contient beaucoup de mesures. Trop même ! Seront-elles toutes réalisables dans un délai raisonnable ? La pression est énorme sur les fonctionnaires pour la mise en place et le suivi des mesures, plans, ‘schemes’, etc. Mais le Budget manque d’innovation.
Année après année, on tourne autour des mêmes éléments : subsides, exemptions, ‘schemes’, etc. La raison provient du fait que quel que soit le gouvernement ou le ministre des Finances du jour, c’est plus ou moins la même équipe technique qui est à la base du Budget. De plus, l’équipe parvient difficilement à se démarquer des Budgets précédents qui ont leur empreinte.
Trop de ‘schemes’ deviennent difficiles à gérer et nécessitent la mobilisation d’effectifs additionnels. Ce qui est contre-productif ! Certaines mesures doivent interpeller l’Equal Opportunies Commission ou encore la Competition Commission. Il faut songer à éviter des politiques discriminatoires qui sont contraires aux lois du marché. Par exemple, sur quels critères décider qui sont les opérateurs économiques qui bénéficieront d’un write off de leurs emprunts ? Les Tax Holidays qui s’appliquent uniquement aux compagnies créées, après juin 2017, ne confèrent pas un level playing field.
Imaginons une société, engagée dans une activité, qui emploie un bon nombre de personnes et qui doit s’acquitter de la taxe. Arrive un concurrent sous la Tax Holiday. N’est-ce pas une concurrence déloyale ? Le Business facilitation et les mesures incitatives ne doivent pas être un obstacle à la libre concurrence.
Le Budget fait la part belle à l’éradication de la pauvreté. À chaque fois que Pravind Jugnauth a été ministre des Finances, il a osé introduire des robustes mesures à l’intention des pauvres.
Mais le système de subside universel est-il approprié ? Le ministre sait-il que le gouvernement subventionne le gaz ménager utilisé par 5 000 riches résidents IRS/RES et 25 000 riches expatriés vivant à Maurice ? L’idéal serait d’éliminer toute forme de subside et d’utiliser les fonds sous forme d’income support ciblant les 100 000 familles aux bas salaires.
Le ministre a annoncé un plan pour la rénovation et l’embellissement des lieux de culte. Dans cette même optique, il serait opportun d’encourager les dirigeants socioculturels d’installer des panneaux solaires pour générer leur propre énergie. Il faut aussi les installer dans les établissements scolaires afin de réduire la consommation électrique.
Le Budget ne fait aucune mention de la notion de performance appraisal et de l’accountability dans le secteur public, surtout dans les cas de mauvaises décisions prises ou absence de décision. Prenons un simple exemple : l’état-major du ministère de la Santé se compose d’un Senior Chief Executive, de deux PS, de trois Deputy PS, de dix assistants PS, de quatre Director Health Services et le département Procurement and Supplies a trois managers. Malgré cet énorme effectif, le pays s’est retrouvé en rupture de stock de vaccins antigrippe à un moment si crucial. Manque de prévoyance, faute professionnelle ? Qui est responsable ?
Certaines mesures frisent l’irrationnel. Comme l’a souligné l’économiste Arvind Nilmadhub, pourquoi choisir Henrietta, une région humide, pour installer une ferme solaire? Autant se servir des terres marginales dans des zones sèches et arides ! Autre remarque pertinente : le changement trop fréquent des policies. Par exemple en 2015, il était annoncé que les membres de la diaspora mauricienne, qui retournent à Maurice, seront exemptés sur tous leurs revenus. Aujourd’hui, l’exemption est limitée au revenu généré par l’activité pour laquelle le membre s’est inscrit.
Ce qui retient l’attention, c’est l’investissement massif dans le secteur eau et énergie et les infrastructures publiques. Il faut bien évidemment remercier l’Inde.
Pour conclure, le Budget est un bel exercice de belles intentions. Mais comme dit l’anglais, « the proof of the pudding is in the eating »!
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