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Journée internationale des familles : la famille et les valeurs

Famille

Alors que nous célébrons en ce 15 mai la Journée internationale des familles, force est de constater qu’il y a un effritement des valeurs dans nombre de familles mauriciennes. Comment y remédier ? L’heure est à la réflexion.

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Marie-Michelle Lepredour.

Entourée de ses quatre enfants, ses huit petits enfants et ses deux arrières petits enfants, Marie-Michelle Lepredour est une grand-mère heureuse. Même si elle constate une certaine différence entre la génération d’antan et celle d’aujourd’hui, elle estime que l’importance que chaque individu accorde aux valeurs familiales diffère. « Auparavant nous avions peur de nos parents, nous les respections, nous étions bien élevés. Je ne dis pas que de nos jours ce n’est pas le cas, mais les jeunes d’aujourd’hui ont une autre conception de la vie.

Toutefois, je ne rejette pas toutes les fautes sur les parents, car il y en a qui font beaucoup d’effort pour bien éduquer et instruire leurs enfants, mais ces derniers sont quand même désobéissants. Je me suis retrouvée orpheline à l’âge de dix ans, mais cela ne m’a pas empêché de devenir quelqu’un de bien et de bien élever mes enfants. »
De son côté, Rowin Chung raconte comment il maintient ces valeurs au sein de sa famille nombreuse. « J’ai sept enfants et j’essaye tant bien que mal de les instruire aux différentes valeurs qui existent. Toutefois, ce n’est pas évident. Chacun a son propre caractère et sa façon de voir les choses. C’est d’autant plus difficile à cause des différences d’âge.

Il y a aussi l’influence des autres familles. Quand j’empêche par exemple ma fille de sortir en boîte bien qu’elle ait 18 ans, elle réplique en me disant que les parents de sa copine n’y trouvent aucun inconvénient. Quand on essaye de véhiculer certaines valeurs, on passe souvent pour des parents coincés ou vieux jeu. Cela empêche souvent une bonne communication et nuit à notre relation », regrette ce père de famille.

Virginie Bissessur : « Les valeurs familiales sont liées à la culture »

La psychologue clinicienne et interculturelle, Virginie Bissessur, affirme que les valeurs familiales sont importantes pour l’épanouissement de l’individu.

Quelle est l’importance des valeurs familiales ?
Les valeurs familiales sont là pour donner un cadre, des repères, un ‘guideline’ aux enfants qui grandissent. Ces valeurs vont les aider dans leurs prises de décisions, leurs choix de vie. Maintenant chaque enfant va avoir sa propre façon d’interpréter ces valeurs. Certains les reproduisent à l’identique, car elles leur conviennent. D’autres s’en détachent à l’adolescence pour créer, trouver leurs valeurs à eux. Cela permet de ne pas reproduire les erreurs du passé et d’évoluer sur certains concepts ou traditions. Les valeurs familiales sont liées à la culture, dans l’environnement dans lequel vous vivez et évoluent avec le temps.

Quels sont selon vous les meilleurs moyens de transmettre les valeurs familiales aux enfants ?
Une éducation bienveillante et attentive, un cadre stable et solide, permettent aux parents de transmettre leurs valeurs dans de bonnes conditions. Si les parents comprennent qu’ils sont des exemples pour leurs enfants qui grandissent, ils s’appliquent à eux-mêmes les principes qui leur tiennent à cœur de transmettre. Maintenant transmettre ne veut pas dire imposer et à partir de l’adolescence l’enfant commence à penser par lui-même. Bien que cette pensée soit parfois immature, il est important de les laisser s’exprimer, même si cela veut dire qu’ils vont nous contredire parfois. C’est en confrontant ses idées à celles des autres, que l’ado se construit parfois dans l’imitation, parfois dans l’opposition.

Quelle peuvent être les conséquences, si ces valeurs ne sont pas bien ou pas du tout transmises ?
Tout dépend de quelle valeur on parle, si cela a du sens pour l’enfant, il recevra ces valeurs. Si maintenant on parle de valeurs traditionnelles qui s’opposent à celles de la génération de l’enfant (ex : machisme vs. égalité des sexes), il y a peu de chance que l’enfant adhère sans se poser de questions parce que ce qu’il reçoit à la maison est contraire à ce qu’il vit avec ses amis, à l’école etc. Quand on a des familles très fermées sur elles-mêmes, très traditionnelles, cela met souvent les adolescents dans un dilemme impossible : il y a d’un côté la loyauté familiale et de l’autre les expériences qu’il vit dans la société. Ces phénomènes sont mal vécus par les adolescents comme leur famille.

Jasmine Emamdim : mesures pour éviter l’éclatement de la cellule familiale

Depuis le début de l’année, plusieurs cas de violences domestiques au sein de la famille ont déjà été enregistrés. « Nous avons eu 1 350 cas de problèmes familiaux dont 694 concernent la violence domestique », explique Jasmine Emamdim, acting senior Family Welfare and Planning officer. Elle soutient que les autres cas sont la conséquence de plusieurs facteurs : l’alcoolisme, le manque de communication entre les membres de la famille et le taux de divorce.

Le ministère de tutelle n’est pas insensible à cette situation et prend des mesures pour éviter l’éclatement de la cellule familiale. « Nous avons constaté cette dégradation des valeurs familiales et nous venons, au niveau du ministère avec le projet ‘Strengthening values for family life’. Nous travaillerons en collaboration avec le MIE et plusieurs acteurs de la société tels que les ONG, différentes institutions et ministères pour essayer de résoudre ce problème. Ce projet consiste à faire le ‘training of trainers’ sur plusieurs aspects des valeurs familiales. Ces personnes iront par la suite sur le terrain pour former la communauté », explique-t-elle.

Jonathan Ravat : « Il est fondamental de promouvoir et de protéger la famille »

C’est indéniable, la famille reste un pilier de la société. Jonathan Ravat du Conseil des Religions explique son importance. « La famille est la première mini-société qu’un être humain va connaître. Elle reste le premier vecteur d’épanouissement chez l’individu. C’est aussi ce qui maintient ses membres à faire face aux dures réalités de la vie comme la misère ou le chômage.

Nous voyons bien que les familles n’arrêtent pas d’investir dans l’éducation, mais c’est triste que la réalité les rattrape. Il est donc fondamental de promouvoir et de protéger la famille », précise-t-il. Selon lui, notre société est rongée par nombre de fléaux sociaux et l’accompagnement des familles vulnérables est indispensable. « Le premier danger est celui que nous voyons. C’est-à-dire les différents fléaux sociaux. Puis il y a ceux que nous ne distinguons pas au premier abord : des dangers intangibles. Il faudrait accorder plus d’importance à la formation des parents et les équiper pour faire face aux réalités de notre société. »

Patricia Adèle : « Manque de valeurs familiales dans notre système éducatif »

Sur le terrain, la dégradation des valeurs familiales est palpable, c’est en tout cas ce que note la secrétaire de Caritas, Patricia Adèle. « Nous voyons cette décadence dans les valeurs familiales quand nous lisons les journaux et les journaux télévisés. Il y a un manque de communication et de tolérance et cela conduit souvent à des drames familiaux. Les valeurs dans une famille, le respect et le sens de la responsabilité sont extrêmement importants.

C’est dommage que dans notre système éducatif nous n’accordons pas suffisamment de place à cet aspect », regrette Patricia Adèle. Selon elle, il faut donner les moyens aux parents de promouvoir ces valeurs. « Nous devons donner les outils aux parents pour qu’ils puissent inculquer les valeurs familiales à leurs enfants. À Caritas nous essayons d’inclure dans nos projets de formation les valeurs humaines pour que ces parents puissent mieux comprendre leurs responsabilités », explique-t-elle. Patricia Adèle souligne qu’il est important d’encadrer les familles.

« Nous oublions souvent que beaucoup de familles sont mono parentales, ou avec une mère célibataire, ou des parents trop jeunes. Bien souvent, ces personnes ont été eux-mêmes blessées et victimes d’un manque d’accompagnement et d’éducation. Aujourd’hui elles reproduisent ce qu’elles ont appris. Il y a certes un travail qui est fait, mais n’empêche que le taux de violence au sein des familles ne cessent d’augmenter. Il faut donc revoir notre accompagnement à la famille. »

Vidya Charan : « Nous sommes de plus en plus matérialistes et individualistes »

La venue d’un enfant pousse souvent à réfléchir en termes financiers, mais ce n’est pas le seul aspect à prendre en considération. C’est l’avis de Vidya Charan de la Mauritius Family Planning Association. « Nous avons tendance à évaluer sa venue en termes des dépenses. Certes c’est un aspect très important, mais ce n’est pas la seule chose qui compte. Il y a aussi l’amour et l’affection, le lien entre parent-enfant, le respect des autres et la tolérance qui doivent être inculqués.

Cet aspect permettra à l’enfant de devenir un bon citoyen et un être remplit d’humanisme », dit-elle. Pour Vidya Charan les gens sont devenus beaucoup trop matérialistes. « L’éducation c’est quoi ? Ce n’est pas uniquement le fait d’avoir un diplôme ou un degré. C’est aussi d’être un citoyen qui utilise ses compétences pour aider la famille, la société et le pays.

Mais nous voyons que de nos jours l’éducation signifie seulement l’aspect académique et cela rend les gens de plus en plus matérialiste et individualiste », regrette-elle. Pour y remédier Vidya Charan propose une réflexion sur le type de famille que nous voulons pour notre société.

« Nous sommes appelés à réfléchir sur quelle éducation nous voulons pour nos enfants. Nous mesurons trop souvent notre réussite dans la vie seulement par rapport aux choses que nous possédons et notre niveau académique. Toutefois cela ne suffit pas pour réussir dans la vie. »

 

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