People

Josiane Pict, une blanchisseuse dans Le Guide du Routard

La blanchisserie commerciale, qui compte sur le tourisme, vit au gré des saisons.

Publicité

Déjà peu nombreuses, celles implantées dans les régions balnéaires sont parfois confrontées à l’absence d’infrastructures indispensables à leur bon fonctionnement. Josiane Pict, directrice de la blanchisserie Jo & Chris, en fait état.

À Flic-en-Flac, à une enjambée de la plage, la blanchisserie Jo & Chris est connue de tous les habitants de la localité et des hôteliers. Pourtant, l’entreprise peine à décoller. Pourquoi ?
Josiane, mariée à un Suisse, Christian Pict, s’explique : « Notre gros problème, c’est que nous ne possédons pas de machines industrielles nous permettant d’accepter de grosses commandes dont le marché de l’hôtellerie. Dans l’immédiat, nos clients sont essentiellement des vacanciers, ce qui nous permet de garder l’entreprise à flot », fait ressortir Josiane.

Le parcours professionnel de celle-ci, originaire de Stanley, Rose-Hill, mérite qu’on s’y attarde. À 22 ans, elle part en Syrie pour travailler comme bonne dans une famille de Damas. « C’est une expérience restée gravée dans ma mémoire, tellement il faisait bon de vivre dans ce pays, en ces années-là, j’’y étais logée, nourrie et blanchie. J’avais appris l’arabe que je parlais couramment. On avait du mal à m’identifier et on me prenait pour une Soudanise. Personne ne connaissait Maurice. Aujourd’hui, encore, je peux comprendre cette langue, mais je ne pourrais pas engager conversation », se souvient-elle. Comme sa famille, restée à Maurice, est modeste, elle lui envoie presque tout son argent.

De son premier mariage avec un Mauricien naîtra une fille, mais peu de temps après, son mari décède. À Maurice, elle croise son deuxième époux, Christian Pick, un ingénieur en électricité dont le cousin, qui possédait une blanchisserie en Suisse, est marié à une Mauricienne. En 1994, Josiane et Christian partent en Suisse, où Josiane prend de l’emploi dans l’entreprise du cousin. Chaque année, le couple vient en vacances à Maurice et séjourne dans des localités balnéaires.

C’est durant l’une de leurs sorties que l’idée leur vient d’ouvrir une blanchisserie à Flic-en-Flac. Comme Josiane a appris les ficelles du métier, l’aventure les tente. Ainsi, lorsqu’ils décident de retourner à Maurice, ce sera pour se lancer dans cette entreprise, idéalement située à cause du marché touristique et l’absence de concurrent. Mais, dans la pratique, les choses seront plus compliquées.

Le Guide du Routard

Si le couple Pict réussit à trouver un emplacement au centre même de Flic-en-Flac, ce sera au niveau des procédures pour l’obtention du permis d’opération que se dressera le plus gros obstacle. « Au Conseil de District, on nous a demandé d’aménager un endroit ou un moyen pour l’évacuation des eaux usées, car nous souhaitions opérer une blanchisserie industrielle. Le traitement du dossier a duré six ans, alors que nous avions déjà investi quelque Rs 1,2 millions », raconte Josiane. Résultat : la petite entreprise ne peut pas tourner pleinement et le couple est en rupture de revenus. « Mon mari a dû repartir en Suisse pour travailler », explique-t-elle.

En 2007, la blanchisserie peut commencer à opérer, mais sans le permis industriel. « Heureusement, les équipements achetés nous permettent de prendre des commandes individuelles ». Même si le volume de linges reste moyen, Josiane met un point d’honneur à accomplir sa tache avec professionnalisme.

« Nous sommes dans le Guide du Routard, ce qui est à la fois un avantage mais aussi une recherche de perfection.  Nos clients sont des étrangers qui apportent des marques griffées. Avant de commencer le travail, je lis attentivement les précautions de lavage indiquées sur les étiquettes. Elles sont utiles pour toute blanchisseuse, car elles indiquent les méthodes de lavage, de rinçage, la température de l’eau et celle du fer à repasser. Je suis très pointilleuse à ce sujet, c’est pourquoi j’aime bien faire le travail toute seule ».

Mais durant la haute saison, Josiane n’a guère d’autre choix que d’embaucher des membres de sa famille pour satisfaire les commandes. Ainsi, à l’approche des fêtes de fin d’année, sa fille et sa mère la rejoindront à Flic-en-Flac. Quant à ses tarifs, le vêtement le plus cher à traiter reste la robe de mariée, qu’elle calcule à l’unité, alors que pour les autres commandes, elle évalue au poids. En temps normal, elle se prend parfois à rêver d’une grosse loterie qui lui permettrait d’agrandir les locaux et d’aménager un réservoir pour évacuer les eaux usées, ou louer régulièrement un camion-citerne. « C’est le seul moyen de palier à l’absence du système de tout-à-l’égout à Flic-en-Flac », dit-elle.

Quand à la succession à Jo & Chris, elle compte sur son fils Brad, 19 ans, qui suit des études en commerce à Ébène. « Il ne souhaite pas retourner en Suisse, il veut relancer les activités de la boîte. Mois, je vais rester derrière les machines, lui fera les démarchages, la communication et les comptes », sourit Josiane, dont le week-end est partagé entre la marche, la natation et les prières.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !