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Jessyca Joyekurun, directrice d’Expand Human Resources : «Le bilinguisme des Mauriciens est un atout en Afrique»

Jessyca Joyekurun, directrice d’Expand Human Resources.
Est-ce une aventure risquée que de monter des partenariats avec des hommes d’affaires africains ? Comment une petite entreprise mauricienne peut-elle réussir sur le continent voisin ? Jessyca Joyekurun tente l’expérience africaine depuis maintenant deux ans. «En Afrique, il faut parfois oublier les pratiques de bonne gouvernance et les normes lorsqu’on veut faire des affaires. Mais ma société veut justement promouvoir ces valeurs d’entreprise sur le continent ». La trentaine et un parcours scolaire passé par le collège Dr Maurice Curé, le collège Queen Elizabeth et l’université de Kent en Angleterre, où elle décroche une licence en droit, Jessyca Joyekurun, comme d’autres jeunes Mauriciens, a exercé de petits métiers durant ses études supérieurs. Au départ, elle souhaite s’établir en Angleterre, mais voilà que la crise des ‘subprimes’ vient lui ôter tout espoir. « Nous étions en 2009, l’Angleterre entrait dans un véritable cyclone économique et financier. Il n’y avait aucune perspective d’emploi. C’était désespérant », se souvient-elle. De retour à Maurice, elle décide de réorienter sa carrière. « Mes petits boulots en Angleterre m’avaient permis de comprendre les rapports des personnels et des départements en entreprises. J’ai voulu me lancer dans ce secteur », explique-t-elle. Elle postule partout et finit par décrocher un job à The Edge Consulting et passe un diplôme de postgraduate en ressources humaines par correspondance avec l’université du Pays de Galles. Après un an et demi à Edge, Jessyca Joyekurun enchaîne trois emplois en quatre ans, de Cim Global Business à Damco Logistics, une filiale de Mærsk, en passant par Orange Business Services (France Telecom). À Damco Logistics, elle est affectée au département des ressources humaines, où, confie-t-elle, elle doit composer avec un personnel de 20 à 60 ans. « Pour réussir, deux facteurs étaient indispensables : l’ouverture d’esprit et la politesse ».

Absence de classe moyenne

À Damco, des opportunités de partir s’offrent à elle, en termes de formation, d’abord en Afrique du Sud, puis la mise sur pied d’un système ressources humaines à Maurice, Madagascar et la Zambie.   Elle comprend aussi qu’elle lui faut tisser des contacts avec des compatriotes qui ont réussi en Afrique, notamment en Tanzanie, au Rwanda et à Djibouti. « Là, je me rends aussi compte que les médias ne disent pas toute la vérité sur ce continent. Moi, ce qui m’a frappée, c’est l’absence de classes moyennes… Soit, on est très riche, ou on est très pauvre ». En 2014, après avoir créé sa boîte deux ans plus tôt, Expand Human Resources, la jeune femme tente un premier partenariat en Tanzanie, où son frère, qui s’y est déjà rendu, lui conseille d’explorer le secteur de l’externalisation des ressources humaines. Mais les lois y sont contraignantes, car il faut trouver un partenaire africain et le fait d’être une femme entrepreneur est très mal vu. Grâce à un travail acharné, elle réussira à décrocher un contrat avec un client basé dans trois villes en Tanzanie, où elle ira même réaliser, seule, un audit de ressources humaines. Par la suite, grâce à un contact rencontré à l’université de Yale, où elle s’était rendue après avoir obtenu le Mandela Washington Fellowship, elle réussira à être invitée comme ‘VIP Speaker’ pour le Global Entrepreneurship Summit au Maroc en 2014. L’expérience africaine, lui aussi, apprend des vertes et des pas mûres sur les pratiques dans la vie de tous les jours. « Il a fallu faire jouer des connexions politiques et puis, ça marche à coups de pots-de-vin dans la vie de tous les jours. J’ai donné plus d’argent à des policiers sans scrupules afin qu’ils me laissent tranquille. La corruption reste le plus grand fléau en Afrique, c’est cette réalité qui effraie certains investisseurs », précise-t-elle. Présente également en Ouganda, sa société doit parfois faire face à un type de racisme à rebours, une attitude qui puise ses origines dans l’histoire coloniale du pays. « En Afrique, dit-elle, chaque pays a ses vérités, le continent est loin d’être un bloc monolithique. Il faut apprendre à composer avec ces réalités, sinon on renonce rapidement à y faire des affaires. J’ai même été dans des restaurants où les Blancs et les Noirs ne sont pas dans le même espace ». L’implantation en Tanzanie et en Ouganda a nécessité au préalable l’étude des juridictions du travail dans ces deux pays. « Nous avons dû remettre le couvert à plat… Heureusement, notre société a pu mettre la main sur des personnes compétentes dans ces pays », se réjouit-elle. Les perspectives d’expansion en Afrique pour sa société sont concrètes, en raison des contraintes imposées par la communauté des affaires internationales en termes de rigueur dans la gestion, de transparence et de redevabilité. « C’est ce que nous faisons en ce moment, et le bilinguisme des Mauriciens est un atout en Afrique. À Maurice, il existe des personnes qualifiées dans beaucoup de domaines, mais lorsqu’il s’agit de travailler en Afrique, il faut surmonter l’obstacle culturel, le reste sera moins difficile », fait valoir Jessyca Joyekurun.
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