Interview

Jean-Michel Giraud, ancien président du MTC : «Eliminer le fixed-odds betting coupera la tête à la mafia»

L’ancien président du Mauritius Turf Club (MTC) préconise la fin du « fixed odd betting ». Jean-Michel Giraud avait auparavant dénoncé des mauvaises pratiques dans ce secteur.

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Frantz Merven, administrateur au Mauritius Turf Club (MTC), pense que les noms cités dans le rapport intérimaire de la Commission d’enquête sur les courses hippiques s’apparentent à une querelle entre deux partis politiques. Vous y souscrivez ?
Cela n’a rien à faire avec la politique. Il y a d’autres noms qui sont cités dans le rapport final. On y retrouve des opérateurs de paris. Dans le rapport intérimaire, des faits précis sont cités pour démontrer que tous les ingrédients sont réunis afin qu’une enquête soit ouverte au pénal.

Tout ce qui est dit est cependant un secret de Polichinelle. L’analyse des experts étrangers est-elle mieux accueillie par ceux qui nous gouvernent ?
(Soupirs) Personnellement, je ne vois personne à Maurice qui soit capable de mener une enquête de cette envergure. Ces Anglais sont des experts en la matière et nul ne pourra les accuser de partialité comme cela aurait pu être le cas s’ils étaient Mauriciens. Moi-même, j’ai fait plein de dénonciations mais elles sont tombées dans l’oreille d’un sourd…

Vous avez été président du MTC. Pourquoi est-ce difficile d’y mettre bon ordre ?
Entre 2000 et 2005, nous nous sommes battus pour la mise en service d’une Police des Jeux. Dirigée par l’officier Daniel Monvoisin, elle a fait un excellent travail. Nous avions une équipe de commissaires de courses très compétente. N’oubliez pas les sanctions prises lorsque j’étais aux affaires. Rappelez-vous de ce bookmaker suspendu pour cinq ans pour avoir truqué une épreuve…

Vous évoquez le cas de Paul Foo Kune. Comment a-t-il pu obtenir un permis de Stable Manager ? Qui l’a pistonné ?
Un tel scénario aurait été impensable à l’étranger. J’étais au MTC comme commissaire à ce moment-là. Je sais ce qui s’est passé. Malheureusement, je ne peux rien dire publiquement. Mo pa kapav dir sa ! Ou pe anvi avoy mwa dan kaso ou ! Paul Foo Kune n’est soi-disant pas un proche du pouvoir actuel. Demain matin, il le sera peut-être. Il a été en affaires avec Rakesh Gooljaury, non ? Lequel a été, pendant un temps, proche de Pravind Jugnauth.

Si la mafia aux courses a encore de beaux jours devant elle, n’est-ce pas parce qu’elle finance les partis politiques à chaque élection ?
J’ai toujours pensé qu’il y a beaucoup d’argent qui est donné par certains opérateurs de paris aux partis politiques. D’autres s’en vantent tellement que c’est connu dans le milieu. Il y a un opérateur de paris qui détient toujours son permis alors qu’il n’est toujours pas connecté au serveur de la Gambling Regulatory Authority après quatre ans d’opération. Il avait pourtant un délai de six mois pour le faire.

Là, vous visez la société SMS Pariaz mise en orbite par Jean-Michel Lee Shim ?
Je me suis battu à plusieurs reprises pour faire annuler son permis. On m’a répondu que cela allait faire perdre de l’argent au MTC. Pour moi, les parieurs allaient certainement se tourner vers un autre opérateur.

Tout se résume donc à une histoire de gros sous ?
(Soupirs) Quand certains sont aux affaires, on peut imaginer que la question de gros sous est tout à fait primordiale. Mais il y a l’élément de moralité. Comme dans le business, on est là pour faire de l’argent. Mais pas à n’importe quel prix ! C’est ma conception des affaires, mais, apparemment, pas celle de tout le monde.

Paul Foo Kune met Pravind Jugnauth au défi de venir dire publiquement qu’il n’a jamais obtenu de l’argent de lui. Comment vous interprétez ce grand déballage ?
Je ne peux dire que cela soit une surprise pour moi.

Le député de l’opposition Rajesh Bhagwan accuse le Mouvement socialiste militant d’être financé par Michel Lee Shim…
Qui c’est qui a obtenu 160 arpents à Côte-d’Or pour réaliser un hippodrome ? Je suis pour délocaliser les courses, mais pas pour nous retrouver dans une zone humide. Je rêve là !

Que faut-il faire pour se débarrasser de la mafia ?
L’équipe de commissaires, en place depuis trois mois, est en train de faire du bon travail. Elle essaie de mettre de l’ordre dans tout ce qui concerne le « ownership » des chevaux. C’est souvent à travers cela que des courses peuvent être truquées. Au sein de certaines écuries, il y a des individus, voire des opérateurs de paris, qui possèdent des coursiers qui ne sont pas enregistrés en leurs noms. Ils utilisent des prête-noms. Souvent, ces écuries ne possèdent pas le financement nécessaire pour tenir sur leurs propres jambes. Leurs jockeys sont payés par de tierces personnes. Allez comprendre à quel point les courses peuvent être truquées.

Vous évoquiez la moralité en affaires. Tout entraîneur qui se respecte ne peut accepter de telles combines, n’est-ce pas ?
Money talks... À février, une écurie devait Rs 2 millions au MTC. Il faut savoir pourquoi. J’ai moi-même fait annuler le permis d’un entraîneur qui n’avait pas gagné une seule course. Aujourd’hui, il crache son venin sur moi. Il faudrait que la Police des Jeux fasse son boulot comme au temps où Daniel Monvoisin la dirigeait.

Le gros problème c’est le black money. Le manque à gagner de l’État est de Rs 500 millions à 800 millions en termes de taxes. La plupart des gros joueurs, y compris les écuries, ne passent pas par le circuit officiel. Ce qui équivaut à quelque Rs 5 milliards qui circulent au black. Qui contrôle tout cela ? Comment savoir si un opérateur tient une double comptabilité ?

Pour assainir les courses, il faut se battre contre les paris clandestins. Et mettre un terme au fixed-odds betting.

Comment expliquer la disparition du rapport intérimaire au Bureau du Premier ministre ?
Il devait gêner certains. Mais, quand les contribuables ont dû débourser Rs 6 millions, on n’attend pas deux ans et demi pour demander une copie. Elle circulait pourtant sous le manteau.

 

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