Le Mouvement militant mauricien (MMM) célèbre ses 50 ans ce dimanche 29 septembre 2019, soit un mois après la démission de six membres et à quelques semaines du début de la campagne électorale. L’occasion pour l’observateur politique Jean Claude de l’Estrac de revenir sur les moments forts qui ont rythmé le demi-siècle d’existence du parti.
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« Aux lendemains des élections, si aucun parti n’a la majorité pour constituer un gouvernement, toutes les cartes seront rebattues. Les faiseurs d’aujourd’hui seront peut-être les demandeurs de demain. »
Le MMM fête ses 50 ans d’existence. Un long cheminement dans la vie d’un parti…
Oui et non ! En démocratie, les partis politiques sont faits pour durer. Un certain nombre d’entre eux qui continuent à animer les débats démocratiques sont plus que centenaires. Certains disparaissent vite, c’est vrai. Et malgré les vicissitudes d’une histoire plutôt chaotique, le MMM peut fêter dignement cet anniversaire compte tenu de son immense contribution à la construction nationale.
Le MMM est né lorsqu’il y avait un vacuum politique et en a profité…
Sans doute. Mais tout ne peut être expliqué par le vacuum politique provoqué par la coalition des deux principaux partis. Il y avait aussi, et peut-être surtout, une lassitude de l’électorat à l’égard des deux partis de gouvernement, le Parti travailliste (PTr) et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD), qui avaient occupé pendant si longtemps le devant de la scène. Mais le MMM a immédiatement séduit la classe ouvrière par la radicalité et la nouveauté de son discours.
Lors de la partielle de 1970 à Triolet, le MMM bat à plate couture le PTr. Explications ?
C’est un Parti travailliste, un gouvernement PTr-PMSD à bout de souffle. Les jeunes électeurs d’aujourd’hui auront du mal à imaginer ce qu’était l’île Maurice de 1970. Une quasi-dictature, un gouvernement répressif, un État policier qui tente désespérément d’étouffer les revendications de la population. Le MMM qui est apparu sur la scène politique une année plus tôt, mais qui est de tous les combats, notamment sur le terrain syndical, est alors perçu comme un nouvel espoir. Il parle de remplacer la lutte des races par la lutte de classe. Il prône le mauricianisme. Il dit vouloir combattre les injustices.
Cette victoire a permis au MMM de se consolider et de remporter 30 sièges aux législatives de 1976 mais la coalition PTr/PMSD lui bloque le passage vers le pouvoir.
Cette première victoire électorale achève de convaincre les dirigeants du MMM d’opter pour la voie électorale comme moyen d’accéder au pouvoir. À partir de là, le parti travaillera à l’élaboration d’un programme gouvernemental plus réaliste que ses propositions radicales des premières années. Sa présence continue sur le terrain et sa proximité avec les travailleurs par le biais de l’action syndicale emportent l’adhésion d’une majorité des électeurs tant des villages que des villes. Une décennie après sa naissance, il devient ainsi le premier parti du pays.
Le MMM aurait pu avoir accédé au pouvoir aux lendemains de ces élections s’il avait accepté l’offre d’une coalition avec le PTr de sir Seewoosagur, mais les exigences du parti n’étaient pas acceptables aux dirigeants du PTr.
En 1982, c’est le premier 60-0. C’était attendu ?
Oh non ! Pas 60-0 ! Mais au fil de la campagne, qui avait été rondement menée, il devenait évident que l’alliance MMM-PSM remporterait une très large victoire.
Comment expliquer la cassure de 1983 ? À qui la faute ?
Quel gâchis ! À qui la faute ? À nous tous, dirigeants du MMM d’alors. À Bérenger pour son manque d’intelligence émotionnelle. À Anerood Jugnauth pour sa brutalité orgueilleuse. À Harrish Boodhoo, le comploteur de la nuit. À tous ceux au MMM, y compris moi, qui auraient pu ou plutôt qui auraient dû avoir arrêté la machine infernale de l’autodestruction, mais qui ne l’ont pas fait.
Le MMM s’est par la suite associé à différents petits partis, sans résultats…
Le MMM a obtenu quelques bons résultats quand même. Seul ou avec des « petits partis » comme vous dites. Vous venez de rappeler le très beau résultat de 1982 avec le petit parti qu’était le PSM. Auparavant, seul, il est le premier parti aux élections de 1976. Aux élections de 1983 et 1987, dans des circonstances extrêmement difficiles, le MMM émerge comme le premier parti en termes de suffrage, 46 % et 47,5 % respectivement même s’il ne se retrouve pas au gouvernement. En 2010, en alliance avec des petits partis, vraiment petits – l’Union nationale d’Ashock Jugnauth ou le groupuscule d’Eric Guimbeau –, il fait 42 % des suffrages avec quelques jolis pics dans un certain nombre de circonscriptions rurales.
Le MMM était jadis imbattable dans les villes, ce qui n’est plus le cas. Pourquoi ?
Je pense qu’il y a deux raisons à cela. Le MMM qui était imbattable dans les villes est celui qui gérait les municipalités avec des cadres politiques d’envergure nommés à des postes de responsabilité en raison de leurs compétences ou de leur expérience. Le déclin a commencé quand la médiocrité populiste s’est installée. La deuxième raison est plus politique, avec sûrement une teinte de communalisme : les électeurs urbains du MMM ne savent plus sur quel pied danser avec Bérenger. Un pas, un jour, avec Jugnauth, un pas, un autre jour, avec Ramgoolam…
Il y a eu beaucoup de départs, et non des moindres. Pourquoi ?
Tous les départs, hier comme aujourd’hui, ne sont pas intervenus pour les mêmes raisons. Je distingue quatre facteurs : il y a eu des départs pour incompatibilité idéologique, surtout dans les premières années de la fondation du MMM ; il y a eu des départs en raison de divergences sur la stratégie politique, en particulier sur le choix des alliances électorales ; il y a eu des départs incités et provoqués ; et puis, plus rarement, le départ des opportunistes. Les thuriféraires du MMM se gourent en mettant tout le monde dans le même panier. Quoi qu’il en soit, ces départs ont affaibli le MMM. La grande question des prochaines élections sera de savoir si le MMM sera en mesure de retrouver ses électeurs perdus, du moins en partie.
Le MMM maintient qu’il ira seul aux législatives. Est-ce pour une alliance post-électorale ?
Le MMM se présente seul aux élections, point à la ligne. Il se présente seul d’abord parce qu’il n’a pas le choix. Il ne peut pas se rapprocher du PTr à nouveau après la débâcle des dernières élections. Il ne peut pas négocier avec un Pravind Jugnauth qui démontre comme une haine personnelle à l’égard de Bérenger.
Aux lendemains des élections, si aucun parti ne détient la majorité pour constituer un gouvernement, toutes les cartes seront rebattues. Les faiseurs d’aujourd’hui seront peut-être les demandeurs de demain.
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