Interview

Ismail Bawamia : «Le National Children’s Council n’assume pas ses fonctions»

Ismail Bawamia

Ismail Bawamia, enquêteur rattaché à l’Ombudsperson for Children Office (OCO) s’explique sur sa mission et sur les rôles des diverses institutions (Child Development Unit, National Children’s Council, police) chargées de défendre les droits des enfants mineurs en conflit avec la société et la loi.

Publicité

Un adolescent de 14 ans qui incite un enfant de 7 ans à s’adonner à des pratiques sexuelles sur Facebook, ça choque. Le bureau de l’Ombudsperson enquête-t-il ?
Effectivement. À l’Ombudsperson for Children Office (OCO), nous recevons de nombreuses plaintes du public et de diverses institutions qui nous contactent chaque fois que les droits d’un enfant ne sont pas respectés. En sus de cela, l’OCO mène un travail minutieux sur le terrain pour contrer toute violation des droits de l’enfant. Dans le cas mentionné, nous avons vu les nombreux commentaires des internautes. Une enquête a été initiée.

Des cas ont été rapportés impliquant des mineurs auteurs de violence. Qu’est-ce qui incite un enfant à de tels actes ?
Il ressort de nos diverses enquêtes que, souvent, les enfants auteurs de violences sexuelles ont eux-mêmes été victimes d’abus sexuels. Les autres causes : le dysfonctionnement familial et l’environnement dans lequel grandit l’enfant. Certains se sentent rejetés et commettent des délits pour attirer l’attention des adultes. D’autres ne sont pas à l’aise à l’école et traînent dans les rues. Inutile de rappeler les fléaux sociaux auxquels ils s’exposent...

L’OCO enquête-il en ce moment sur les enfants en conflit avec la loi ?
Cette enquête du bureau a démarré en 2015. Dans notre rapport publié l’an dernier, nous avons déjà relevé les manquements au niveau des institutions qui s’occupent de ces enfants.

La Child Development Unit est souvent critiquée pour son absence d’intervention dans les cas d’enfants auteurs de délits sexuels. Est-ce justifié ?
La Child Development Unit (CDU) a ses limites. Elle souffre d’un manque de ressources qui l’empêche d’être plus proactive. Dans les cas de délits sexuels, ce n’est pas le rôle de la CDU d’intervenir.

Qui est donc responsable ? À qui confier un mineur en conflit avec la loi ?
Ce rôle incombe au National Children’s Council (NCC). D’après la NCC Act de 2003, il doit : « assist children who are charged with a criminal offence so that they may benefit from a fair trial and, if convicted, are dealt with in accordance with the provisions of the Convention on the Rights of the Child ».  L’OCO a adressé un courrier pour convoquer d’urgence le président et les membres du comité pour faire le point. Nous déplorons que les officiers de la NCC ne semblent pas au courant de cette disposition légale.

Que reprochez-vous au NCC ?
Il est inclus dans le mandat de l’OCO d’étudier les lois pour veiller à ce que les droits des enfants soient respectés. L’OCO fait aussi des recommandations aux autorités compétentes. Nous avons étudié la NCC Act, il apparaît que le NCC n’assume pas pleinement ses fonctions. Selon ses rapports, aucun enfant en conflit avec la loi n’a obtenu d’assistance de sa part.

Que voulez-vous dire par « assistance » ?
L’assistance englobe toutes les procédures visant à accompagner le mineur, selon la Convention des droits de l’enfant. Cela implique de l’accompagner au poste de police, de lui expliquer ses droits, les implications du délit commis, de le mener en cour... Nous ne cautionnons pas les délits commis par les mineurs, cependant, ils restent des enfants et ont besoin d’être encadrés.

Comment cela se passe-t-il en ce moment ?
L’enfant est arrêté par la police, qui enregistre sa déclaration en présence d’un proche. S’il peut se payer un avocat, il est plus chanceux. Sinon, il est totalement perdu. Imaginez la peur qu’il ressent de se voir conduire au poste. Ensuite, il est présenté devant un magistrat. Si ses parents n’ont pas les moyens de payer sa caution, il reste en détention au Rehabilitation Youth Centre ou au Correctional Youth Centre. S’il est jugé coupable, il sera enfermé dans un de ces centres.

Les enfants qui y sont enfermés sont-ils réhabilités ?
Le système est un échec total. L’OCO a fait part de ses commentaires à plusieurs reprises. Il est temps d’y mettre un terme : cette formule ne fonctionne pas. Les enfants enfermés sont coupés de la réalité du monde et ne cessent de se révolter. Ils ne vont pas à l’école et ne sont plus en contact avec leurs proches.

Il faut en finir avec ce bloc de détention et créer des petites unités thérapeutiques favorisant la réhabilitation de l’enfant. Ces derniers ne peuvent rester enfermés jusqu’à leur majorité. Il faut les encadrer, travailler avec leurs parents pour qu’ils puissent s’insérer, rejoindre leurs proches au plus vite. Il ne faut pas généraliser. Chaque enfant est unique, chaque délit aussi. Il faut établir un programme personnalisé pour chaque enfant.

Face à cette situation chaotique, quelles mesures urgentes préconisez-vous ?
Nous voulons rencontrer au plus vite les membres du NCC. Nous avons aussi prévu de rencontrer le commissaire de police : pourquoi les policiers ne réclament-ils pas l’assistance des agents du NCC lorsque des mineurs sont impliqués dans des délits criminels ? La vie de ces enfants en dépend. On ne peut laisser perdurer cette situation.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !