Indépendance de Maurice : cinq visages du mauricianisme

Ils ont chacun brandi très haut le drapeau national. Ces Mauriciens ont rendu et rendent toujours fiers leurs compatriotes. En ce 54e anniversaire de l’Indépendance de Maurice et 30e anniversaire de la République, ils répondent à quatre questions.

Ayushi Gooroochurn (chef Yu), meilleure chef de l’île Maurice, médaillée d’or Best of Gastronomie de France 2022 : «J’ai toujours mon drapeau quadricolore dans ma valise lors de mes voyages»

À votre avis qu’est-ce qui symbolise le mauricianisme ? 
Le partage, la convivialité, l’entraide et la joie de vivre. Ce sont des valeurs qui nous permettent de reconnaître un Mauricien hors du pays. J’ai vécu et travaillé dans beaucoup de pays et la différence se voit et se ressent tout de suite. Je suis fière d’être une Mauricienne.

Où voyez-vous Maurice dans dix ans ?
Je pense que notre île est sur la bonne voie en termes de développement. Durable ? C’est sujet à débat. J’aurais aimé voir mon île fleurir au niveau de l’éducation, de la santé, du développement des enfants et des femmes, de l’écologie, du développement durable, entre autres.

Un moment de fierté quand vous avez fait briller les couleurs mauriciennes...
J’ai fait briller les couleurs à plusieurs reprises. Par exemple, j’étais l’invitée d’honneur en Inde, en 2020, d’un festival culinaire d’envergure. J’étais aux côtés d’éminents invités, en Afrique du Sud en 2017. Ce qui m’a permis de représenter mon pays et surtout les femmes dans un milieu masculin : la cuisine. 

À chaque fois que je quitte mon île pour des voyages d’affaires, des séminaires, entre autres, j’ai toujours mon drapeau quadricolore dans ma valise. En tant que femme chef, je transmets ma voix et ma force à d’autres femmes pour les soutenir.

Qu’est-ce qui fait la force d’un Mauricien ?
La spontanéité, l’hospitalité et la joie de vivre. Même si pour beaucoup, la vie est de plus en plus dure, le sourire est toujours aussi authentique. En tant que Mauricienne, mon sourire et ma joie de vivre sont mes forces. C’est ce qui m’a permis de ne jamais baisser les bras.

Jason Heerah, chanteur et producteur : «À chaque fois que je vois le drapeau quadricolore, je sens une vraie fierté»

À votre avis qu’est-ce qui symbolise le mauricianisme ?
Notre drapeau est le plus beau symbole du mauricianisme pour moi. À chaque fois que je le vois, je suis fier. Ces quatre couleurs se marient parfaitement. 

Où voyez-vous Maurice dans dix ans ?
Dans dix ans, je vois des autoroutes qui nous mèneront aux quatre coins de l’île. Surtout à la sortie de Tamarin, de Rose Hill, de Port-Louis pour aller à Flacq, par exemple. 'Express nou ale'. 

Un moment de fierté quand vous avez fait briller les couleurs mauriciennes...
J’ai éprouvé un sentiment de fierté lorsque j’ai été invité avec Otentik Groove au Festival Womad à Adelaïde en Australie. J’y ai vu une audience multiculturelle comme dans notre pays, de plus de 3 000 personnes qui chantaient en cœur le refrain 'Leve, oh le la la eh'.

Qu’est-ce qui fait la force d’un Mauricien ?
Depuis que je suis à Maurice, j’ai réalisé que les Mauriciens sont capables de tout faire. Ils ont de multiples talents, c’est impressionnant. Et c’est une réalité qu’ils vivent en ce moment.

Ranini Cundasawmy, championne du monde de Muay-Thaï en 2017 : «C’est la solidarité du peuple mauricien qui fait sa force»

À votre avis qu’est-ce qui symbolise le mauricianisme ?
Le plus grand symbole du mauricianisme pour moi c’est le mélange de cultures et de communautés. Nous vivons dans l’harmonie, l’amour et le respect. 

Où voyez-vous Maurice dans dix ans ?
Avec l’évolution de la mentalité de la nouvelle génération, dans dix ans je vois Maurice avec un nouveau visage. L’île Maurice sera un pays rebâti et remodelé à l’image de la nouvelle génération. Une île Maurice où il fera bon vivre. 

Un moment de fierté quand vous avez fait briller les couleurs mauriciennes...
En 2017, lorsque j’ai décroché la ceinture et le titre de championne du monde en Muay Thai WMF Pro-Am à Bangkok, en Thaïlande. Et en 2019 quand j’ai remporté le titre de vice-championne du monde de Kun Khmer Pro (boxe cambodgienne) au Cambodge. 

Qu’est-ce qui fait la force d’un Mauricien ?
La solidarité mauricienne. Dans les moments difficiles, j’ai pu voir une solidarité extraordinaire dans le pays. Ce qui fait chaud au cœur. Pour moi, la solidarité de son peuple est ce qui fait la force du Mauricien aujourd’hui.

Vincent Toi, réalisateur et producteur établi au Canada, dont les films ont fait la tournée des festivals internationaux : «Le plus grand cadeau que nous ayons reçu en héritage est le créole mauricien»

À votre avis qu’est-ce qui symbolise le mauricianisme ? 
Nous pourrions parler de beaucoup de choses qui nous rendent uniques en tant que Mauriciens. Mais je pense que le plus grand cadeau que nous ayons reçu en héritage est notre langue : le créole mauricien. Cette langue est un cadeau précieux qui a été forgé par nos ancêtres. Toutes les langues sont sacrées et la langue créole façonne nos mœurs et notre attitude envers la vie. Les Mauriciens sont des personnes travailleuses, positives, généreuses, serviables, pleines de ressources. Ces attributs se retrouvent dans notre langue. Nous devons la chérir et la parler avec fierté.

Où voyez-vous Maurice dans dix ans ?
L’île Maurice se trouve à un moment crucial de son histoire. Nous devons accepter le fait que le succès économique des années 90 et 2000 est derrière nous. Au cours des dix prochaines années, nous devrons préserver ce qui nous est le plus précieux : notre culture et la beauté de notre île. Nous devons veiller à ne pas tout céder aux plus offrants. Dans les dix prochaines années, si notre culture et la nature sont encore présentes, nous serons une riche nation. 

Un moment de fierté quand vous avez fait briller les couleurs mauriciennes...
Durant les dix dernières années, j’ai participé à de nombreux festivals de cinéma. Mais un moment qui reste gravé dans ma mémoire, c’est lorsque nous sommes allés à HotDocs en 2014. C’est le plus grand festival de documentaires au monde. Et nous avons présenté « I've seen the Unicorn », un documentaire sur les courses de chevaux à Maurice. C’était mon premier film, j’avais consacré deux ans de ma vie à le réaliser. Un vrai moment de fierté pour moi. 

Qu’est-ce qui fait la force d’un Mauricien ?
L’été dernier, je suis allé rendre visite à un groupe de Mauriciens venus travailler dans une usine au Canada. Ils étaient loin de toutes les grandes villes et travaillaient dur dans une petite ville agricole. Je me suis rendu compte que la force d’un Mauricien, c’est son accueil chaleureux. Nous pouvons mettre les gens à l’aise, nous savons comment intégrer différentes cultures. C’est une seconde nature chez nous.

Zaahirah Muthy, artiste, curatrice et fondatrice de ZeeArts : «Je revendique fièrement mes origines où que j’aille»

À votre avis qu’est-ce qui symbolise le mauricianisme ? 
Les couleurs de notre île, qui représentent différentes communautés et cultures. Depuis que j’habite à Dubaï, je ressens encore plus cette appartenance à mon pays et ce brassage de cultures. Lorsque nous organisons des fêtes mauriciennes, ce sont des Mauriciens de toutes les ethnies qui se retrouvent. La solidarité mauricienne prime toujours et je voudrais la chérir et la partager avec la jeune génération. Lorsqu’on me regarde, on pense que je suis indienne, mais je revendique fièrement mes origines où que j’aille. 

Où voyez-vous Maurice dans dix ans ?
Dans dix ans l’art sera démocratisé. Maurice deviendra un « art and cultural hub » pour l’océan Indien et l’Afrique. Beaucoup de projets pourront être bien menés si tout le monde met la main à la pâte. Maurice regorge de potentiel au niveau artistique. Nous devrons attirer le tourisme culturel. Les choses bougeront avec le soutien de l’Economic Development Board. Avec les infrastructures en place, nous vivrons dans une île Maurice moderne. 

Un moment de fierté quand vous avez fait briller les couleurs mauriciennes...
Quand nous avons organisé la 5e édition Art Connects Women, un événement annuel qui a réuni 115 femmes artistes de 115 pays. J’aime encourager les Mauriciens à me rejoindre dans mon aventure artistique. En tant qu’artiste, curatrice, j’interviens souvent dans divers événements. Et à chaque fois que j’ai l’occasion, je porte toujours le drapeau mauricien fièrement. En tant que Mauricienne, j’étais fière de décrocher le « The Universal Artist Award » à Florence en Italie et le titre d’« Artist of the year ».

Qu’est-ce qui fait la force d’un Mauricien ?
L’unité et l’hospitalité mauriciennes reconnues à travers le monde, mais aussi la solidarité et la simplicité. Les Mauriciens 'rant dan tou lasos'. Nous sommes flexibles et nous nous adaptons à toutes les situations. Nous sommes ouverts et éduqués. Et être bilingue nous permet de voyager à travers le monde.

Astrid Dalais, conceptrice d'événements pour Move for Art (Festival Porlwi et Réunion Métis) : «Il me parait essentiel de préserver tout ce qui fait notre authenticité»

À votre avis quel est le plus grand symbole du mauricianisme ? 
Je suis Mauricienne et fière de l’être, mais je suis aussi une citoyenne du monde.  Pour moi, la notion du mauricianisme est encore floue. Quand je pense au fait d’être mauricienne, beaucoup d’images, de sons, d’odeurs, de sensations, de moments de vie et de traditions me viennent en tête. En revanche, il n’y a aucun symbole majeur, si ce n’est des instants typiques partagés, notre « être ensemble ». Celui-ci se manifeste durant une partie de pétanque, une partie  de cartes sous un arbre ou quand la solidarité, le sport et l’art nous réunissent. Il me parait essentiel de préserver tout ce qui fait notre authenticité.

Où voyez-vous Maurice dans 10 ans ?
Le peu de nature qui nous reste mérite d’être préservé. Partout dans l’île, j’aimerais voir plus d’arbres pousser plutôt que du béton. Les nouveaux projets hors des villes devraient être sur la réinvention de lieux existants plutôt que du nouveau bétonnage. J’aimerais voir la valorisation des métiers liés à la nature, à l’artisanat, au travail social, à l’agriculture, à l’art et au sport. J’aimerais qu’on travaille tous ensemble sur le respect des uns et des autres et sur notre tolérance. J’aimerais que Maurice ait un calendrier artistique, culturel et sportif qui donne envie aux voyageurs de venir nous découvrir pour ce que nous avons à offrir de plus beau.

Un moment de fierté où vous avez fait briller les couleurs mauriciennes...
Le Festival Porlwi qui nous a permis de redécouvrir notre capitale, son patrimoine et ses bâtiments. Nous avons pu marcher dans les rues de la capitale en toute sécurité et réunir tout le monde sans différence de genre, d'âge ou de classe sociale. Je suis fière de ce qu'on a accompli durant cet événement.

Qu'est-ce qui fait la force d'un Mauricien ?
Notre capacité d’adaptation, notre débrouillardise, notre optimisme et notre tolérance, toutes ces qualités qui sont à préserver absolument. Avec notre agence Move for Art, nous venons de faire le festival Réunion Métis à la Réunion pour la deuxième fois. Un événement qui met en valeur le vivre ensemble et ce vivre ensemble est à préserver à Maurice aussi.