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Incendie à l’entrepôt de Shoprite - Sanjana : «Sandesh était un frère dévoué»

Sandhya et Sanjana Les sœurs de Sandesh, Sandhya et Sanjana, suivent les recherches de près.

*Cet article a été publié dans l'édition de L'Hebdo-Le Dimanche ce 19 novembre. Le corps de Dineshwar Domah a été retrouvé dans l'entrepôt de Shoprite ce dimanche après-midi. 

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Du jour au lendemain, la vie de la famille Domah a basculé. Le 12 novembre, Sandesh a fêté son anniversaire avec ses proches. Le lendemain, dimanche, la terrible nouvelle est tombée : il est resté prisonnier des flammes dans l’entrepôt de Shoprite, à Trianon. Une semaine a passé et toujours pas de trace du jeune homme. Cette attente plonge ses sœurs et son père dans le désarroi.

Sandhya et Sanjana Domah sont accablées par la disparition de leur frère dans  l’incendie de l’entrepôt de l’hypermarché Shoprite. Elles pleurent un frère protecteur et généreux.

Dineshwar Domah, surnommé Sandesh,  est né le 7 novembre 1993. Il a fait sa maternelle à l’école Little Band et a intégré l’école du gouvernemental Louis Nellan, à Quatre-Bornes.


Consciencieux et débrouillard, il décroche son Certificate of Primary Education (CPE) et intègre le Palma SSS pour entamer ses études secondaires. à 14 ans, hélas, sa vie et celle de ses sœurs basculent. Les médecins diagnostiquent un cancer chez leur mère. Sandhya et Sandesh, collégiens, sont conscients du drame qui se joue. Sanjana, elle, n’a alors que cinq ans. « Je me rappelle que maman allait à l’hôpital régulièrement pour ses traitements », confie l’aînée.

Orphelins de mère

Sandesh Domah.

La terrible maladie finira par emporter leur mère Santa à l’âge de 45 ans. Ce fut un choc immense pour la famille. « Ma mère et mon frère étaient très proches. Cette disparition l’a marqué à jamais », souligne Sanjana.

Quelque temps plus tard, la relation des enfants avec leur père Purmessur se complique. « Il a refait sa vie et sa nouvelle compagne s’est installée chez nous. Les disputes étaient fréquentes. Mon frère n’a pas eu une vie facile. Nous souffrions beaucoup de cette situation », souligne Sanjana.

L‘interminable attente des proches

C’est une nouvelle épreuve que subit Purmessur Domah, âgé de 58 ans. Son cadet avait fêté ses 24 ans samedi dernier. Le lendemain dimanche, il s’est retrouvé piégé à l’intérieur de l’entrepôt de l’hypermarché Shoprite, où il était employé.

Face au brasier, les pompiers n’ont rien pu faire pour le secourir. Durant les deux jours qu’a duré l’incendie, bravant la fatigue, la fumée, la pluie, le froid nocturne, Purmessur Domah, sa compagne Nushrah et son beau-frère Clifford n’ont pas quitté l’enceinte de Shoprite, s’accrochant à l’espoir que les secours retrouveront bientôt le jeune homme. « Kan ou zanfan dan dife kot ou kapav ale ? »

«Ma mère et mon frère étaient très proches. Sa disparition l’a marqué à jamais»

Assis sur un perron, ils guettent encore le moindre mouvement des sapeurs pompiers et des soldats de la Special Mobile Force, qui s’engouffrent dans l’entrepôt.

« Je n’ai rien mangé ou bu, comment aurais-je pu ? » lâche-t-il, les traits tirés. Son beau-frère nous confie qu’il ne se rend que quelques minutes chez lui, avant de revenir le plus vite possible. « Nous n’avons même pas eu le temps de prendre un bain. Nous préférons suivre les recherches », indique Clifford.

À plusieurs reprises, Purmessur Domah se lève et va à la rencontre des proches venus le soutenir. à tous ceux qui l’interrogent, le père, le regard absent, n’a qu’une seule réponse : « Ankor pe rod li mem. »

Les sœurs de Sandesh sont également présentes.  « Certes, nous ne sommes pas en bons termes avec notre père, mais comme lui, nous gardons espoir que Sandesh sera retrouvé. Nous ne pouvons laisser notre père seul », lâchent-elles.

La benjamine de la famille raconte que Sandesh l’avait prise sous son aile. « Mon frère a toujours été présent pour moi. Il me protégeait », confie Sanjana. Avec les épreuves de la vie, Sandesh avait mûri en peu de temps. « Après la mort de notre mère, nous ne recevions aucune aide. Encore collégien, il avait décroché un travail à temps partiel chez Shoprite. Grâce à cela, il a pu me payer des leçons particulières », nous explique l’adolescente. « Il avait à cœur le bien-être de sa petite sœur, disait-il. Il m’encourageait à aller plus loin dans mes études. Il voulait que j’aille à l’université, une chance qu’il n’a pas eue », témoigne Sanjana.

« Un bosseur »

Après le collège, Sandesh s’est jeté corps et âme dans son travail. Il se réveillait très tôt pour se rendre à Trianon et ne rentrait à la maison qu’après la fermeture de l’hypermarché. Pour ses collègues, Sandesh était « un bosseur, qui n’hésitait pas à faire des heures supplémentaires ». « Li ti kontan so travay », résume un cousin.

« Mon frère se tuait à la tâche pour pouvoir louer une maison », poursuit Sanjana. « Nous avons eu des différends avec notre père et nous avons choisi de vivre séparément afin d’éviter les conflits », explique la benjamine.

Outre son travail et ses sœurs, Sandesh vouait une passion à la musique, surtout le tabla. « C’était un musicien hors pair. Sandesh a décroché un diplôme et jouait du tabla »,  ajoute son cousin. « Il était doué et a même participé à des échanges avec des musiciens indiens. »


Dimanche sombre : scène chaotique à Shoprite

Les sirènes des pompiers, de la police et des ambulances ne présageaient rien de bon. Dimanche dernier, en début de soirée, l’entrepôt de l’hypermarché Shoprite, à Trianon, est le théâtre d’une véritable tragédie. Le violent incendie a retenu prisonnier Sandesh Domah, un employé de 24 ans, alors que tout le complexe est évacué.

C’est le chaos total. D’épaisses fumées noires sortent de l’entrepôt. Dans l’enceinte de Shoprite, des pompiers, des soldats de la SMF, des éléments de la SSU,  et de la police régulière de Rose-Hill sont à pied d’œuvre. Les pompiers, aidés des autres équipes de secours, soulèvent le volet métallique de l’entrepôt. Ils y pénètrent, mais doivent ressortir de suite : le feu avance trop vite.

Entre-temps, les proches de Sandesh Domah arrivent. Ils ont du mal à comprendre pourquoi les pompiers n’agissent pas plus rapidement. Le temps est compté. C’est l’agitation de toutes parts. Les cousins et sœurs du jeune homme  insistent : les secours doivent s’activer pour retirer leur proche du brasier. Hélas, les choses ne sont pas aussi simples. En quelques minutes, l’incendie prend de graves proportions.

Entendre raison

Pompiers et policiers tentent de faire entendre raison aux proches du disparu. Les cris et les pleurs retentissent. Entre-temps, les secours parviennent à entrer dans le bâtiment. Leur priorité est de circonscrire le feu, mais surtout de retrouver le jeune disparu. Le père de Sandesh est présent. Il réclame des explications, mais face à une telle adversité, il n’a pas d’autre choix que d’attendre. La famille campera sur les lieux.

Dans la nuit du dimanche 13 novembre, les pompiers se relayeront dans cette fournaise afin de maîtriser le feu. Les pompiers s’organisent pour progresser au plus vite, mais l’absence de visibilité et la chaleur intense jouent contre eux.

Dehors, les visages des proches de Sandesh Domah sont marqués par la fatigue. Ils passent une première nuit blanche. Le regard absent, l’air pensif, le père du disparu et sa compagne se sont mis d’un côté. De l’autre, il y a les deux sœurs de Sandesh : elles prient pour que les secours retrouvent leur frère sain et sauf.

Elles interrogent chaque équipe de pompiers qui ressort de cet enfer : « Inn resi trouv li ? » Mais chaque fois, la réponse des soldats du feu reste la même : « Nous faisons de notre mieux pour le retrouver. » Puis, ils repartent au front.

Des employés de Shoprite, venus exprimer leur solidarité, peinent à croire à l’étendue des dégâts. On leur fait comprendre que le Shopping Park de Trianon ne rouvrira pas ses portes jusqu’à nouvel ordre.

Durant la journée de lundi, les épaisses fumées noires continuent de s’échapper des foyers d’incendie. Craignant que cette fumée ne représente un danger pour la santé, les autorités sanitaires et la police réclament l’évacuation des environs. Chaque jour qui passe est un jour d’espoir. Mardi, après 14 heures, le feu est finalement maîtrisé, mais aucun signe de Sandesh. Les jours suivants, malgré le déblayage effectué par les éléments de la SMF, toujours aucune nouvelle. « Nous gardons espoir. C’est tout ce qui nous reste », lâche Sanjana, la benjamine.


Un incendie maîtrisé après 44 heures : la chaleur et le manque de visibilité freinent les secours

44 heures. C’est le temps qu’il a fallu aux sapeurs-pompiers pour maîtriser le terrible incendie qui a ravagé l’entrepôt de l’hypermarché Shoprite, à Trianon. Confrontés à une véritable fournaise (la chaleur approchait les 2 000 degrés celsius en certains endroits), les soldats du feu ont bataillé dur pour vaincre ces flammes dévastatrices sur une surface de 500 m2.

Deux éléments principaux ont ralenti leur progression : « la chaleur intense et le manque de visibilité ont joué contre eux », indique une source. « Les secouristes ne savaient pas où ils mettaient les pieds. Les pompiers ont dû faire marche arrière à plusieurs reprises. Ils couvraient cinq à dix mètres pour évaluer la situation. Leur propre sécurité étant menacée, ils ont dû revenir sur leurs pas », explique le Chief Fire Officer Asok Kumar Kehlary, chargé d’une partie de cette opération hors norme.

Les pompiers ont identifié quatre foyers d’incendie. Ceux-ci étaient alimentés par des piles de boîtes et de produits pouvant atteindre cinq mètres de haut. Ce qui a davantage compliqué la situation, c’était que ces boîtes renfermaient des détergents, des boissons alcoolisées, du parfum et autres commodités hautement inflammables. À ce stade du sinistre, pas question de créer des passages d’air. « Tout contact avec l’air aurait attisé davantage l’incendie », indique un officier du Mauritius Fire and Rescue Service.

Vu qu’il y avait déjà une personne prisonnière dans l’entrepôt, la priorité des pompiers était de contenir le feu et surtout ne perdre aucun des leurs. Autre élément qui a compliqué leur  mission : la disposition des étals et l’étroitesse des allées. La manière dont étaient entreposées les marchandises ne permettait pas aux pompiers d’avancer librement. Il y avait aussi ces tonnes de débris qui obstruaient le passage. Il a également fallu tenir en compte la structure de l’édifice. Avec un pic de chaleur à 2 000 degrés Celsius, les secouristes devaient être prudents.

C’est après 14 heures, mardi, que les pompiers ont finalement pu circonscrire le quatrième foyer d’incendie. Et les braises contenues dans les débris qui jonchaient le sol pouvaient toujours raviver le sinistre.


Le fire officer mohamodally : «Nous avons tout fait pour le trouver»

Les 80 pompiers se sont relayés pour venir à bout des flammes dans l’entrepôt de l’hypermarché.

Ils risquent leur vie pour protéger et sauver d’autres existences. 80 pompiers avaient été mobilisés entre dimanche et mardi pour maîtriser l’incendie qui a détruit en partie l’entrepôt de Shoprite où Sandesh Domah est toujours porté manquant.

Dès le premier jour, les soldats du feu ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour porter secours au jeune homme.  Le visage couvert de poussière, incommodés par l’odeur de brûlé qui leur collait à la peau, le Fire Officer Shakil Mohamodally et son équipe de Quatre Bornes a été parmi les premiers à se rendre sur place.  En 13 ans de carrière comme Fire Fighter, il est passé par toutes sortes de situations.

« Bien vit nou finn rentre dan sa sourss difer la. Enn moman donne noun tender ena dimun pankor sorti », explique l’officier. « Les employés nous ont indiqués où le jeune homme avait été aperçu pour la dernière fois. Nous sommes allés voir, en vain.»

« Travay la pas fasil », concède l’officier. Pour ses hommes et lui, pas questions de jeter les armes. « Nous avions un objectif à atteindre, nous en étions conscients. Nous avons donné le meilleur de nous-mêmes pour le retrouver. Les débris, le crépissage des murs qui fondait sous la chaleur ne nous facilitait pas la tâche », dit-il.

Yovani Sungalee est femme pompière. Elle était également à pied d’œuvre avec ses collègues. « Nous avons essayé de retrouver le jeune disparu », dit-elle.


Le Dr Satish Boolell, ex-médecin légiste : «Difficile de retrouver un corps dans ces conditions»

L’ancien chef du département médico-légal de la police, Satish Boolell, suit cette affaire de près. « J’ai appris que la température a grimpé jusqu’à 2 000 degrés Celsius dans cet entrepôt. Il sera difficile de retrouver un corps dans ces conditions, sauf s’il reste une partie de la dentition ou un os pouvant être analysé », lâche-t-il.

Toutefois, il ne veut pas s’avancer à ce sujet. L’ancien médecin légiste en chef cite sur un cas similaire, sur lequel il a travaillé en 1999. « C’était lors des émeutes après la mort de Kaya en février 1999. Il y avait eu un pillage dans un entrepôt de Mammouth, à Coromandel. Il y a eu un énorme incendie et un homme est resté prisonnier à l’intérieur. » Pawandranath Ramnarain, 31 ans, n’est pas réapparu après cet incendie survenu dans la nuit du 23 février 1999.

« C’est six mois plus tard que ses cendres ont été retrouvées. Elles avaient conservé la forme d’un corps. Nous avons utilisé une bande adhésive pour prélever ces cendres. L’examen avait révélé que le corps avait été trop brûlé pour être identifié », précise le Dr Satish Boolell.


La VPM Daureeawoo sur les lieux

La vice-Première ministre et ministre des Collectivités locales, Fazila Daureeawoo, s’est rendue sur les lieux de l’incendie qui a ravagé l’entrepôt de Shoprite. Cette visite a eu lieu à la mi-journée, samedi, en présence des responsables de l’hypermarché et du centre commercial.

Sur place, Fazila Daureeawoo a rencontré les parents de Sandesh Domah. L’employé de Shoprite de 24 ans est toujours porté manquant. Il s’est retrouvé prisonnier des flammes lors de l’incendie qui a éclaté le dimanche 12 novembre. La ministre a échangé quelques mots avec les parents du disparu. Elle a déclaré que les proches du jeune homme bénéficieront d’un encadrement psychologique.


Les normes de sécurité ont-elles été respectées ?

Selon l’Occupational  Safety and Health Act 2005, dans un entrepôt, tous les biens, articles et substances doivent être entreposés ou empilés de manière à assurer leur stabilité et prévenir toute chute ou effondrement. Ils doivent être entreposés ou empilés sur des fondations fermes. Autre point : ces articles doivent être placés de manière à ne pas entraver les voies de circulation et permettre le bon fonctionnement des extincteurs et autres équipements de lutte contre incendie.

Aucune marchandise ou matière ne doit être entreposée ou empilée contre un mur ou une cloison, à moins que le mur ou la cloison soit suffisamment résistant à la pression qui en résulte.

Ces normes ont-elles été respectées ? Des enquêtes sont en cours au niveau du ministère des Collectivités locales, de la police et de la Fire Investigation Unit pour faire la lumière sur ce sinistre.

L’entrepôt ravagé à 25 %

À la suite de ce terrible incident, l’ex-ministre des Collectivités local, Mahen Jhugroo, avait animé des comités de crise avec la police et les sapeurs pompiers pour passer en revue la situation. L’entrepôt n’a été endommagé qu’à 25 %. Incommodées par l’odeur de produits décomposés, les secouristes poursuivaient toujours leurs recherches parmi les décombres, samedi.

 

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