Tout prévenu doit être apte à faire face à un procès au pénal. C’est une exigence légale, voire constitutionnelle, qui puise son origine du droit commun, plus précisément de la prohibition contre des procès 'in absentait'. Ce qui implique qu’une personne doit être présente physiquement et mentalement en cour pour bénéficier d’un procès équitable. Si elle ne dispose pas des aptitudes requises, alors elle peut être décrétée inapte à faire face à un procès. Explications avec Me Siven Tirvassen.
Qui est habilité à soulever la question de la capacité d’un prévenu à faire face à un procès au pénal ?
Toute personne qui est poursuivie au pénal par l’État, à travers la police, a le droit de se défendre personnellement ou à travers un homme de loi de son choix. Si un prévenu ne possède pas la capacité de se présenter en cour pour des raisons de santé, il doit impérativement faire déposer un certificat médical en cour par le truchement d’une autre personne. La poursuite prendra connaissance du rapport du médecin et décidera de la marche à suivre. Par contre, si le prévenu avait déjà retenu les services d’un avocat, c’est celui-ci qui déposera la motion, tout en s’appuyant sur le contenu du rapport du médecin.
[blockquote]« Tout prévenu bénéficie déjà du droit constitutionnel d’un procès équitable, sous l’article 10 de la Constitution »[/blockquote]
Quels sont les éléments que la cour doit prendre en considération lorsqu’elle est confrontée à une telle situation ?
Tout prévenu bénéficie déjà du droit constitutionnel d’un procès équitable, sous l’article 10 de notre Constitution. Faute de quoi, la Cour suprême peut annuler toute sentence infligée à la personne. Donc, la cour doit agir d’une façon à ce que ce droit ne soit pas bafoué. Il y en a deux principes fondamentaux que la cour doit statuer afin d’arriver à une juste décision. Primo, si le prévenu ne va pas obtenir de procès équitable et, secundo, si c’est juste et équitable de traduire le prévenu en cour.
La cour doit également établir si le prévenu a suffisamment de capacité mentale ou physique pour comprendre la nature même du procès en cours et s’il peut suivre le processus en vue de préparer sa défense. Ce n’est pas la maladie qui est l’élément essentiel, mais c'est sa capacité de suivre le procès et de se défendre en conséquence qui est importante. Le prévenu doit avoir la capacité de comprendre la nature même des charges retenues contre lui ainsi que les preuves qui existent. Il doit aussi pouvoir donner des instructions à son homme de loi, connaître les conséquences du procès et finalement prendre la décision de témoigner en cour sous serment.
Est-ce que tous les troubles mentaux peuvent déboucher sur l’abandon d’un procès par la poursuite ?
Si le prévenu souffre d’une maladie mentale, ça ne veut nullement dire qu'il ne peut répondre aux exigences d’un procès. Tout dépendra du degré de son incapacité. Son médecin traitant doit venir témoigner sur son incapacité afin que la cour prenne la bonne décision. La cour peut donc conclure que cette personne n’est pas apte à être traduite devant la justice en raison de son incapacité mentale. Il y a aussi la possibilité que la personne en question représente un danger pour le public et la cour va donc ordonner qu'elle soit internée dans un établissement psychiatrique à haute sécurité. C’est un emprisonnement alternatif.
Cette exigence procédurale s’applique-t-elle aux mineurs sains d’esprit ?
En ce qui concerne les mineurs sains d’esprit, la question ne se pose pas, car, pour les mineurs, la loi prévoit une tout autre procédure, dépendant de l’âge du principal concerné. On ne peut pas poursuivre un enfant de 10 ans, par exemple, mais un mineur de 15 ans peut comprendre le processus d’un procès. La seule différence, c'est que le mineur doit être accompagné d’un adulte et celui-ci doit veiller à ce que les droits de ce mineur soient respectés.
N’existe-t-il pas une possibilité que la question de la capacité d’un prévenu à faire face à un procès soit utilisée comme une échappatoire pour fuir la justice ?
La façon de procéder de la justice est très rigide. Plusieurs mesures sont prises afin de s’assurer que personne ne se moque de notre système judiciaire. La cour doit s’assurer que la personne qui fait la demande est de bonne foi et que la personne est effectivement incapable de se présenter devant la justice. La cour demandera au médecin traitant de venir déposer en cour sous serment et que le contenu de son rapport est vrai. Le médecin est aussi contre-interrogé par la poursuite afin que la cour soit en présence de tous les éléments avant de statuer. La cour peut même ordonner que le prévenu soit emmené en cour, comme c’était le cas dans l’affaire Air Mauritius en 2007. L’ex-PDG sir Harry Tirvengadum avait été transporté en ambulance et conduit en cour sur une civière. Dans le cas de l’ex-PDG, la cour a même exigé qu’il soit examiné par un panel de médecins avant de prendre une décision.Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !