« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage », écrivait le poète Joachim du Bellay. Mahmad Ally Dahoo est un Ulysse des temps modernes. Son odyssée à lui a duré 44 années à la Commission électorale. Une carrière prenante, enrichissante et inestimable pour cet homme qui prend sa retraite ce samedi…
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En 44 ans de bons et loyaux services, il a supervisé, organisé et participé a exactement 200 élections générales – partielles, municipales, villageoises et privées, sans oublier celles de Rodrigues. Mahmad Ally Dahoo tire sa révérence, ce samedi 31 octobre. C’est un homme fier de son palmarès mais surtout heureux de son cheminement exemplaire qui se confie à nous… C’est le 22 janvier 1971 qu’il intègre la Commission électorale en tant que Clerical Assistant/Clerical Officer. Mahmad Ally Dahoo gravira les échelons avant d’être nommé Chief Electoral Officer en juillet 2002. Après sa retraite en 2003, le gouvernement fait appel à ses compétences et le nomme conseiller en matière électorale. Un poste qu’il occupera du 1er juillet 2013 à ce samedi 31 octobre. « Je n’ai pas vu le temps passer. Durant toutes ces années, j’ai eu de grands moments de satisfaction et de bonheur sur le plan professionnel. Il y a aussi eu des moments moins heureux. Mais nous passerons là-dessus car ce qui importe, c’est le devoir accompli, n’est-ce pas ? » lance-t-il d’emblée. Homme affable mais surtout modeste, Ally Dahoo commande le respect et l’estime de tous ceux qui l’ont côtoyé, du petit employé de la Commission au Commissaire électoral, en passant par les journalistes et autres politiciens. « Je peux dire sans me vanter que je jouis du respect et surtout de l’estime de ceux qui me connaissent et qui ont travaillé avec moi, surtout les politiciens de tous bords », dit cet homme qui n’aime pas être sous les projecteurs.
Enfance heureuse à Olivia
Ally Dahoo a vu le jour à Trois îlots, Olivia. Son père Aziz était inspecteur des cimetières et sa mère Nakida femme au foyer. C’est avec nostalgie qu’il se rappelle de son enfance heureuse dans ce petit village de l’Est. « Nous habitions à côté du cimetière. Nous y allions pour jouer, mes frères, sœurs et moi, sans même nous rendre compte que nous étions entourés de morts. D’autant que nous étions coupés de la civilisation, entourés du cimetière, des champs de canne et d’une rivière », relate notre interlocuteur. L’année où il passera sa ‘petite bourse’, la famille déménage et s’installe à Curepipe car Aziz, le père, avait pris sa retraite. « Nous avions retrouvé la famille, mais Olivia nous manquait », ajoute-t-il. Si le destin l’avait voulu autrement, Ally Dahoo n’aurait peut-être pas atterri à la Commission électorale à 21 ans. Très doué pour les études, il est le premier boursier de l’école Saint-Esprit RCA et intègrera le collège Royal de Curepipe, avant d’obtenir brillamment son Higher School Certificate (HSC) avec 3 A. Mais malgré ses efforts, il ne parviendra pas à décrocher une bourse pour continuer des études supérieures. « Mon père était retraité. Il était clair qu’il ne pouvait financer mes études et permettre à mes autres frères et sœurs de poursuivre leur scolarité. Il a donc fallu faire un choix et je me suis retrouvé sur le marché du travail. Sans regret », martèle Ally Dahoo. Un des moments forts de sa carrière reste son affectation en tant que commissaire international au Liberia en 1997. Il est choisi par l’Union africaine pour organiser les premières élections libres, après la fin de la guerre civile. Un grand défi qu’il relève avec brio et un honneur qui a rejailli sur le pays. « Je m’en souviens comme si c’était hier. Paul Bérenger m’avait personnellement appelé pour me faire part de la requête de l’Union africaine et du choix du gouvernement mauricien qui s’était porté sur moi », poursuit-il. Sur le coup, Ally Dahoo ne sait pas trop quoi répondre. « Paul Bérenger m’a alors donné un temps de réflexion mais mon épouse Fatmah, qui était présente au moment de cet appel, m’a encouragé en me disant que c’était peut-être un signe du destin. J’ai dit oui tout de suite », indique-t-il. Alors que son contrat devait initialement durer trois mois, il se retrouve « coincé » sur place pour plus de six mois. « Imaginez un pays à genoux après une guerre civile qui a ravagé tout sur son passage. Il n’y avait rien sur place. J’ai dû tout emmener, même des vivres, dont du lait et du sucre pour survivre », nous confie le retraité. Les premiers jours seront durs, l’adaptation difficile et les moyens logistiques nuls. « Nous étions trois consultants sur place, mais j’étais le seul expert électoral. J’ai dû en six mois drafter une loi électorale, délimiter les zones électorales des provinces, organiser et superviser l’enregistrement des électeurs et même former ceux qui devaient travailler pour ces élections, entre autres. Ce n’était pas facile mais je n’ai jamais désespéré ou douter de mes compétences », affirme Ally Dahoo. Il y restera jusqu’à la fin des élections et la prestation de serment des ministres. Il admet toutefois que ces six mois passés loin de sa famille – d’ailleurs c’est la seule fois où il a été séparé des siens si longtemps – ont été très durs. « Quand je suis parti, ma fille aînée était sur le point d’accoucher et ma benjamine devait prendre part aux examens du Certificate of Primary Education. J’ai raté de grands moments en famille. Mais, c’était des sacrifices nécessaires et je les ai faits sans regret », lâche l’ex-conseiller en matière électorale.
Franc-parler
Ally Dahoo est aussi connu pour son franc-parler. D’ailleurs, c’est l’une des qualités pour laquelle il est apprécié de tous. L’année dernière, alors qu’il est honoré du titre de President Distinguished Service Medal (PDSM), il n’avait pas hésité à dire sa déception. La presse et les radios n’avaient pas manqué de souligner le fait qu’il avait été « peu » reconnu pour sa grande contribution dans le domaine électoral à Maurice. « Je suis fier de ce que je suis. Ce n’est pas maintenant que je vais changer », lance-t-il avec un grand sourire. Des moments sombres, il en a aussi connus durant sa carrière professionnelle. Pendant près de trois ans, il a dû faire face à des problèmes au travail. « Je ne sais pas pourquoi, on m’avait pris en grippe. Par exemple, pour les élections de 1995, j’ai été laissé sur la touche. Encore une fois, je n’ai jamais douté de mes compétences. Je savais que je n’avais pas à rougir de mon travail. La patience, ma foi en Dieu et le soutien de ma famille m’ont permis de traverser ces moments sombres. God is the best planner. J’ai tout laissé entre ses mains », fait ressortir le sexagenaire. Il n’oublie pas non plus l’expérience traumatisante vécue en Afrique du Sud en 2001, quand le Commissaire Irfan Raman et lui-même avaient été attaqués, alors qu’ils y étaient pour assister à une conférence. Aux jeunes professionnels, Ally Dahoo conseille rigueur et honnêteté dans leur travail.
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