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Hausse de la pension : quel impact sur le pouvoir d’achat des seniors et sur les finances publiques ? 

Selon les observateurs, la hausse de la pension sera compensée par l’augmentation du coût de la vie.

Ce mois-ci, une augmentation significative de la pension entre en vigueur : Rs 11 000 pour les moins de 65 ans et Rs 12 000 pour les plus de 65 ans. Cette mesure attendue permettra-t-elle aux seniors de retrouver leur pouvoir d’achat face à la montée des prix de la vie ? Quel sera l’impact financier de cette augmentation sur les finances publiques ? Le point.

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L’une des attentes les plus marquantes du Budget 2023/2024 a été annoncée par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy. À partir de ce mois de juillet, tous les retraités ont vu leur pension augmenter de Rs 1 000. Selon le dernier rapport mensuel de Statistics Mauritius, plus de 257 078 seniors à Maurice et à Rodrigues qui bénéficieront de cette hausse.

Depuis 2014, le montant de la pension de vieillesse a triplé, passant de Rs 3 625 à Rs 11 000 cette année. Une augmentation qui suscite des inquiétudes chez l’économiste Eric Ng. Selon lui, cette hausse dépasse largement le taux d’inflation cumulé de 43 % au cours des neuf dernières années. « Lorsque le revenu augmente plus rapidement que les prix, le pouvoir d’achat augmente. Cependant, il est important de souligner que les retraités ne produisent pas, mais consomment », précise-t-il. Ainsi, il estime qu’une augmentation des revenus des retraités se traduit globalement par une augmentation de la consommation, ce qui exerce une pression accrue sur les prix des biens de consommation. « Cela signifie que les augmentations de la pension de vieillesse produisent deux effets contradictoires qui s’annulent mutuellement : une augmentation des revenus d’une part et une hausse des prix d’autre part. Il s’agit d’une chaîne prix-revenu qui entretient une illusion monétaire », explique notre interlocuteur.

Le panier ménager plus lourd 

Le secrétaire de la Consumers’ Eye Association (CEA), Claude Canabady, reconnaît que cette augmentation aidera les seniors à maintenir la tête hors de l’eau. « Cependant, elle ne permet pas de remettre les pendules à l’heure et de rétablir le pouvoir d’achat », fait-il ressortir. Il déplore que depuis la Covid-19, les prix aient augmenté de manière vertigineuse et que certains profitent de ce phénomène pour continuer d’augmenter leurs profits.  «  Le panier ménager d’une famille coûte maintenant deux fois plus, voire trois fois plus », indique notre interlocuteur. Selon lui, que ce soit les jeunes consommateurs ou les seniors, tout le monde doit se serrer la ceinture pour réussir à boucler les fins de mois.

De son côté Mosadeq Sahebdin, porte-parole de la Consumer Advocacy Platform (CAP) estime que l’impact de la hausse de la pension sera minime, voire imperceptible. Preuve en est avec le budget dédié aux médicaments qui a subi une augmentation considérable. «  Les personnes âgées ont souvent recours à des médicaments et cela sur une base quotidienne pour ceux qui souffrent de troubles cardiovasculaires, pulmonaires ou du diabète. Même les médicaments génériques, importés de l’Inde, ont connu une hausse importante », déplore-t-il.  

De plus, poursuit-il, dans certains ménages où la famille n’arrive pas à joindre les deux bouts à cause de la hausse du coût de la vie, l’apport des personnes âgées est souvent sollicité. « Il n’est pas certain que cette augmentation de Rs 1 000  apporte un soulagement considérable aux ménages », fait ressortir notre interlocuteur. 

pension

Impact sur les finances publiques 

Eric Ng est catégorique. Selon lui, les conséquences de l’augmentation de la pension sur les finances publiques sont énormes. « Chaque année, le coût supplémentaire se chiffre en plusieurs milliards de roupies, et ce sont les actifs qui supportent ce fardeau. De plus, ce coût augmentera au fil du temps, car le rapport entre actifs et retraités diminue avec le vieillissement de la population », indique-t-il. Selon lui, dans une quinzaine d’années, chaque retraité sera financé par seulement deux actifs.

« Il est certain que les gens devront payer davantage d’impôts, qu’ils soient directs ou indirects. Le système de retraite public risque de devenir irréformable. Ce qui se passe en France est un prélude à ce qui pourrait arriver à Maurice », ajoute notre interlocuteur. Ce dernier rappelle que lorsque la pension de vieillesse était fixée à Rs 5 000 en 2015, le Fonds monétaire international (FMI) avait tiré la sonnette d’alarme. « Il n’est pas nécessaire d’être un grand mathématicien pour prédire que le financement de la pension de vieillesse deviendra insoutenable à moyen terme. C’est une bombe à retardement », prévient-il.

Claude Canabady partage le même point de vue. « Les conséquences sur les finances publiques sont importantes. Nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser plus que ce que nous recevons », indique-t-il. Pour lui, tant que notre île demeure fortement dépendante des importations, soit plus de 80 %, la situation deviendra de plus en plus complexe, voire même critique. « Il est nécessaire d’encourager les petites et moyennes entreprises à développer de nouveaux créneaux. De plus, il faut motiver les Mauriciens, en général, à s’engager dans l’agriculture, même pour leur propre consommation », ajoute-t-il.

De son côté, Mosadeq Sahebdin souligne que rien n’est gratuit à Maurice. Il rappelle que c’est le peuple qui finance la pension de vieillesse par le biais de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et d’autres taxes.

Vinod Dookhit, district representative of Senior citizens  Association of Lower Plaine-Wilhems : « La vie devient de plus en plus difficile pour de nombreux retraités »

Vinod Dookhit, président de la Fédération du club 3ème âge de Beau-Bassin-Rose-Hill et représentant du district de l’Association des citoyens âgés de Lower Plaine-Wilhems, reconnaît les efforts du gouvernement pour soutenir les seniors. Toutefois, il affirme que cette augmentation de la pension de vieillesse ne suffira pas à faire face au coût élevé de la vie.

L’augmentation de la pension de vieillesse à partir de ce mois de juillet apportera un certain soulagement aux seniors. Dans quelle mesure cette augmentation pourra-t-elle les aider ?
Face à la montée constante du coût de la vie, toute hausse de la pension de vieillesse est la bienvenue. Bien que cela apporte un certain soulagement, il est évident qu’avec les prix élevés des denrées alimentaires et des médicaments, cette augmentation est loin d’être suffisante. Cependant, il est indéniable que le gouvernement déploie des efforts considérables pour soutenir les seniors, malgré une conjoncture économique difficile. Comme on le dit souvent, « something is better than nothing ».

En plus de la pension de vieillesse, de quelle manière le gouvernement peut-il renforcer son soutien envers les seniors les plus vulnérables ?
La situation s’empire pour de nombreux seniors qui dépendent uniquement de leur maigre pension de vieillesse. Les prix élevés de la nourriture et des médicaments constituent des obstacles majeurs dans leur vie quotidienne. Les différences de prix d’une grande surface à l’autre rendent les denrées alimentaires inaccessibles, même lorsqu’elles sont en promotion, en particulier pour les plus vulnérables. De plus, les petits commerces de proximité affichent des prix encore plus élevés. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les personnes malades qui dépendent des médicaments pour leur survie.

En tant que président d’un club de 3ème âge, je constate que la vie devient de plus en plus difficile pour de nombreux retraités. Cependant, j’aurais vivement souhaité qu’une table ronde soit organisée, réunissant des représentants du gouvernement, des commerçants, des fédérations de clubs de 3ème âge, des associations de consommateurs et d’autres acteurs pertinents. L’objectif serait de trouver une solution pour venir en aide à ces milliers de seniors qui vivent dans des conditions extrêmes. Selon moi, l’une des mesures nécessaires serait de mettre en place un contrôle des prix des médicaments et d’accorder des subventions exclusivement sur les denrées alimentaires pour les seniors.

Je pense qu’il est essentiel d’introduire davantage de flexibilité dans les procédures d’attribution des lunettes par la Sécurité sociale aux seniors. Actuellement, si les revenus mensuels combinés de la personne et de ses proches vivant sous le même toit dépassent Rs 35 000, le pensionnaire se voit refuser cette aide sociale. Il est primordial de revoir cette condition afin d’offrir un soutien adéquat aux seniors. De plus, je plaide également en faveur d’une plus grande souplesse lors des évaluations médicales pour l’octroi d’une allocation pour aidants aux personnes âgées. Les procédures doivent tenir compte des besoins réels des seniors et faciliter l’accès à cette aide précieuse.

Selon vous, quel est le revenu mensuel qui va permettre à un senior de vivre décemment ?
Selon moi, un senior devrait disposer d’au moins Rs 18 000 à Rs 20 000 pour mener une vie paisible. Bien que le gouvernement ait promis d’augmenter la pension de vieillesse à Rs 13 500 au cours de ce mandat, cette promesse a été faite avant la pandémie et la guerre en Ukraine qui ont provoqué une forte poussée inflationniste à l’échelle mondiale. À présent, il serait extrêmement difficile de subvenir à ses besoins avec une somme aussi limitée.
 

Hausse de la pension

 

Réactions des seniors

Indiren Rengasamy, Chemin-Grenier : « Il est impératif d’augmenter le plafond permettant de bénéficier des facilités liées aux lunettes »

« En tant qu’ancien fonctionnaire bénéficiant de ma pension de vieillesse et de ma pension contributive, je suis reconnaissant de pouvoir subvenir à mes besoins. Toutefois, je pense qu’il y a un problème concernant le seuil de Rs 35 000 pour l’aide sociale concernant les lunettes. Cela contraste avec le fait que nous payons des impôts sur nos revenus individuellement. C’est pourquoi je plaide pour que ce seuil passe à Rs 50 000 afin que plus de seniors puissent bénéficier de cette assistance sociale ».

Mala,  Vacoas : «  Heureusement que je peux dépendre sur mes enfants »

« La vie devient de plus en plus difficile, surtout pour les pensionnaires qui dépendent uniquement sur leur maigre pension de vieillesse. Heureusement, j’ai la chance de pouvoir compter partiellement sur mes économies et sur le soutien de mes enfants, sans quoi la vie serait véritablement un enfer pour moi ».

Roland, Quatre-Bornes : « Sans les petits boulots, ma vie serait un calvaire »

« Si je ne faisais pas de petits boulots pour joindre les deux bouts, je dois admettre que ma vie serait extrêmement difficile. En plus des dépenses familiales, j’ai un loyer à payer. Bien que l’augmentation de ma pension apporte un certain soulagement, cela reste insuffisant pour faire face au coût de la vie croissant ».

 

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