Actualités

Harcèlement au travail : le calvaire de ces employés souffre-douleur

Nombre de personnes sont victimes de harcèlement au travail. Les effets que cela peut avoir sur elles ne s’estompent pas aussi facilement. Si certains arrivent à survivre à cette épreuve traumatisante, d’autres tentent toujours de se reconstruire.

Publicité

Maeva R., 22 ans : « Cela l’amusait de me faire du mal »

Chômeuse depuis deux ans, Maeva explique qu’elle n’a eu d’autre choix que d’accepter le travail qu’on lui offrait malgré toutes ses qualifications. Son patron réclamait constamment sa présence pour lui rappeler qu’elle était inférieure à lui. « Les lundis matins, alors que j’étais débordée jusqu’au cou, il m’appelait toujours, rien que pour m’humilier.

Cela n’avait aucun rapport avec le travail. Je ne comprenais pas ce que je faisais de mal. Il terminait toujours par m’avertir que je connaîtrais bientôt mon dernier jour en tant qu’employée », raconte-t-elle.

À dire vrai, Maeva appréhendait chaque jour une lettre de licenciement. « Il ne pensait jamais à me renvoyer officiellement ou à me faire passer devant un comité disciplinaire. Cela l’amusait de me faire du mal », pense-t-elle.

L’employeur de Maeva faisait tout pour faire valoir son autorité. « Un jour, il m’a convoquée pour faire le service café alors que ce n’était même pas ma tâche. Je l’ai fait malgré moi et quand il m’a vu faire, il a esquissé un sourire de satisfaction à mon égard. » Ce jour-là, Maeva n’en pouvait plus et commençait à manifester des idées noires.

« J’ai cessé de réfléchir, de parler et de sourire. Je n’avais qu’une chose en tête : en finir avec la vie. Mais j’ai pensé à mes parents. » Ne pouvant plus endurer cette pression, elle a soumis, malgré elle, sa démission. Mais les séquelles de ce qu’elle a vécu sont, elles, toujours intactes.

Tina N., 23 ans : « Je n’étais plus que l’ombre de moi-même »

Choyée par ses parents, Tina a très mal vécu sa première expérience professionnelle. Au départ, elle ne comprenait pas où son employeur, âgé de 50 ans et père de six enfants, voulait en venir. « Il a commencé à poser ses mains sur mes jambes et à m’envoyer des messages à caractère obscène. Mes amis voyaient que j’étais mal à l’aise en permanence. Je ne pouvais rien faire. Il était mon supérieur. Quand je l’ai repoussé, il m’a mise à l’écart et me tourmentait moralement toute la journée », relate-elle.

Humiliée quotidiennement, elle n’osait pas en parler à ses parents, craignant que son patron la renvoie. De plus, c’était impensable pour elle de laisser ébruiter une telle chose au sein de la firme. « C’était déjà une honte pour moi de subir cette humiliation. J’avais perdu ma joie de vivre. Je n’étais plus que l’ombre de moi-même », souligne-t-elle.

Tina était harcelée moralement tous les jours. C’était pour elle la pire des choses qui puissent arriver à une fille. « Un jour, il m’a dit qu’il pouvait me faire vivre les 45 minutes les plus merveilleuses que je n’aie jamais connues et de les lui accorder. J’étais dégoûtée et j’avais peur », confie-elle.

Ne pouvant plus supporter cette routine, elle a décidé d’en parler à une amie. « Elle a tout de suite réagi, même si je le lui avais interdit, car j’avais peur des conséquences. Les cadres de l’entreprise ont été mis au courant de la situation. Le patron a été convoqué. Il a promis de ne plus reproduire ce comportement. » Se sentant humilié par les rumeurs qui ont suivi, Tina a fini par soumettre sa démission.

Arshiya R., 35 ans : « Je cessais lentement d’exister »

Cela fait dix ans qu’elle vit un véritable calvaire. Constamment accusée de commettre trop d’erreurs ou de mal parler, Arshiya se rend compte que pour survivre sur son lieu de travail, elle doit rester soumise à son patron. « Je fais des cauchemars à l’idée de perdre mon gagne-pain. On me reproche tous les maux : insubordination, absences et médiocrité. C’est devenu ma routine d’entendre des propos négatifs à mon sujet », raconte-t-elle. Angoissée au quotidien, Arshiya a commencé à s’absenter. « Je restais au lit pendant toute une journée. Je n’ai jamais versé une larme. Je tenais bon mais je cessais lentement d’exister », se lamente-t-elle.

Elle a décidé d’en parler au département des ressources humaines sans avoir de réponse ou voir des sanctions prises contre son patron. « Ils avaient tous peur de lui. Au fur et à mesure que je faisais des démarches pour m’en sortir, il prenait un malin plaisir à me rendre la vie amère », dit-elle. Elle a enduré plus difficilement la situation lorsqu’elle est tombée enceinte.

Elle a décidé d’attendre son accouchement pour reprendre les choses en main. « Quand j’ai accouché de ma fille, son attitude envers moi a empiré. Là j’ai explosé. Je lui ai demandé devant tout le monde de mieux me traiter car je méritais une attitude plus correcte et plus respectable de sa part », relate-elle. Elle puise sa force de sa petite fille pour continuer à travailler. Elle est aussi soutenue par son époux.

Vashish Bhugoo, avoué : « Une victime peut réclamer un dédommagement à son harceleur »

L’article 54 (1) de l’Employment Rights Act stipule ce qui suit dans les cas de harcèlement au travail. Violence at work (1) No person shall : (a) harass, sexually or otherwise, a worker, in the course of or as a result of his work. Any person who contravenes subsection (1) shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to a fine not exceeding 75,000 rupees and to imprisonment for a term not exceeding 2 years.

For the purpose of subsection (1), a person sexually harasses another person where, in circumstances in which a reasonable person would have foreseen that other person would be humiliated, offended or intimidated, he : (a) makes an unwelcome sexual advance, or an unwelcome request for a sexual favour to that other persons; or (b) engages in any other unwelcome conduct of a sexual nature towards that other person.

Vashish Bhugoo, avoué, conseille aux personnes victimes de harcèlement au travail de dénoncer leur harceleur. Il faut absolument rapporter l’affaire au Bureau du travail. Celui-ci essaiera de réconcilier les positions entre l’employeur et son employé. Sinon, l’affaire sera confiée à la cour industrielle.

Selon l’avoué, le travailleur peut aussi rapporter l’affaire à la police. « Ce sera à la police de décider, sur les recommandations du Directeur des poursuites publiques, si elle doit poursuivre l’affaire ou pas par rapport au Code pénal ou à une autre loi pertinente. Et si l’employé peut réclamer un dédommagement auprès de la cour de district, de la cour intermédiaire ou de la Cour suprême dépendant du montant qu’il souhaite. »

Pradeep Dursun : « La formation et la sensibilisation peuvent combattre le problème »

Pour Pradeep Dursun, Chief Operating Officer de Business Mauritius, il est important de faire ressortir que le harceleur n’est pas toujours un employeur. Car un harceleur peut aussi être un employé. Pour tout cas rapporté, il est primordial qu’une enquête soit menée et que les versions des deux parties soient consignées.

Selon Pradeep Dursun, si le délit imputé à l’harceleur est prouvé, ce dernier risque une amende ou une peine d’emprisonnement. « Dans les entreprises privées, lors des recrutements et surtout lors des inductions, les employés sont informés des dispositions de la loi et de la politique des ressources humaines que les entreprises ont développée concernant les cas de harcèlement au travail. Si dans une entreprise il y a un grievance handling procedure, il est souhaitable que l’employé en question suive les procédures prévues par le mécanisme », explique-t-il.

Pour venir en aide aux victimes, Pradeep Dursun dira qu’il est essentiel de former et de sensibiliser tous les employés. « Il n’y a pas un one size fits all approach dans les cas de harcèlement. La priorité est de séparer la victime pour éviter tout contact entre elle et son présumé harceleur.

On peut aussi conseiller la victime de lui offrir une assistance psychologique, lui donner des conseils et l’aider dans ses démarches auprès des autorités compétentes. Mais la meilleure façon d’éviter ce problème reste la formation et la sensibilisation. »

Véronique Wan Hok Chee, psychologue : « N’importe qui peut en être victime »

Qu’est-ce que le harcèlement au travail ?
Le harcèlement au travail est une forme d’abus verbal, psychologique et émotionnel dans le but de nuire et d’accabler un individu. Le harcèlement sexuel, par exemple, touche le plus souvent les stagiaires, car ils ont une peur continuelle de perdre leur emploi. Tandis que les employés, eux, se sentent obligés de vivre ce calvaire de peur de ne pas obtenir une promotion.

L’abuseur exercera toutes sortes de pression : provocation, menaces de licenciement si sa cible n’accepte pas une proposition. Il y a la menace du qu’en-dira-t-on qui plonge la victime en plein désarroi.

De nombreux employés subissent le harcèlement avant leur retraite pour qu’ils acceptent leur lump sum et partent. Les employeurs et même leurs collègues l’isolent ou leur font subir de la pression. La personne se sent, par conséquent, inutile et dépossédée après ses nombreuses années de service.

Il faut préciser que n’importe qui peut être victime de harcèlement, que ce soit un stagiaire ou un membre du Top Management.

Que conseillez-vous aux victimes ?
De venir consulter ! Car avec le temps, les victimes risquent de souffrir d’une dépression, de troubles du comportement et de crises d’angoisse. C’est une douleur qui reste. Il faut aussi dénoncer ce type d’abus.

Et si vous aviez un conseil à donner au harceleur ?
Il doit se faire aider. Cette forme de domination et cet abus de pouvoir nuisent à la vie d’autrui.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !