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Grossesse précoce : SOS adolescentes en détresse

L’éducation sexuelle pour prévenir les grossesses précoces est parfois reléguée au second plan. Peu informées, certaines adolescentes se retrouvent enceintes alors qu’elles ne sont pas prêtes à endosser le rôle de mère. Tour d’horizon sur l’encadrement de ces jeunes filles durant la grossesse et après l’accouchement.

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Nandinee et Nisha ont toutes deux 17 ans. Leurs histoires diffèrent mais se rejoignent. La première nommée a avoué avoir agressé son bébé de trois mois, tandis que l’autre aurait provoqué son avortement avant de cacher le fœtus dans une armoire. La multiplication des cas d’abandon et d’infanticide enregistrés ces derniers temps incite à la réflexion. Une question revient encore et encore. Pourquoi et comment ces adolescentes sont-elles arrivées à commettre l’irréparable ?

Vinoda, la mère de Nandinee, allègue que sa fille lui aurait déjà confié qu’elle n’avait aucun sentiment pour son enfant. « Elle disait qu’il pleurait trop et qu’elle aurait voulu avoir une fille au lieu d’un garçon », explique la mère de l’adolescente. Nandinee a avoué avoir giflé, frappé et étranglé son nourrisson de trois mois.

Cette habitante de Camp-Levieux a reconnu que ce n’était pas la première fois qu’elle agressait son enfant après une dispute avec son petit ami et dans des accès de colère. Mais les coups du jeudi 13 juillet ont été fatals au petit Varan.

Vinoda affirme que depuis sa naissance en mars dernier, le bébé a souffert de maltraitance. Elle avance qu’il n’a jamais connu l’amour de sa mère. Toujours selon ses dires, Nandinee n’avait pas voulu voir son fils après l’accouchement. L’adolescente, poursuit sa mère, aimait sa liberté et pensait que l’enfant lui gâcherait son existence en l’empêchant de « profiter de la vie ».

Le 20 juin, Nisha (prénom modifié), aurait provoqué son avortement avant de cacher le fœtus dans son armoire. L’adolescente était alors enceinte de sept mois. Elle aurait réussi à cacher sa grossesse pendant tout ce temps. « Enn kout monn santi enn kitsoz desann e kan monn tcheke, monn trouv sa bebe-la », raconte Nisha.

Avortement à sept mois

Elle ajoute avoir eu peur. « Je l’ai retiré et je l’ai enveloppé dans un sac en plastique que j’ai ensuite caché dans mon armoire. Je n’ai rien dit à mes parents. Je craignais leur réaction. » L’adolescente souligne que c’est lorsqu’elle a commencé à beaucoup saigner qu’elle les a mis au courant. « Ils m’ont alors transportée à l’hôpital. »

Vidya Charan

C’est avec l’aide de son petit ami qu’elle aurait provoqué son avortement. « Après un mois et un test de grossesse, j’ai appris que j’étais enceinte. J’en ai informé mon copain. Il m’a dit qu’il ne voulait pas du bébé. J’ai rompu. J’étais stressée. Je n’arrivais plus à me concentrer sur mes études. »

Mais au fur et à mesure que les jours passaient, l’inquiétude de l’adolescente ne faisait que s’accroître. « Mo latet ti fatige. Monn rekontacte mo kopin. Linn amenn mwa dan enn lafarmasi Flacq. Farmasyen-la finn fer enn pikir avek mwa ek linn donn mwa bann konprime pou bwar. »

Devenues mères trop tôt et dans certains cas délaissées par le père de l’enfant, nombre de jeunes filles ne savent quoi faire pour s’en sortir. Le regard de la société et le rejet de la famille sont aussi des facteurs destructeurs pour ces mamans pas préparées à affronter la réalité.

Des questions se posent alors quant au type d’encadrement offert aux jeunes au sein de la famille et dans les établissements scolaires. Pour Vidya Charan, directrice exécutive de la Mauritius Family Planning Welfare Association (MFPWA), « les jeunes filles ne savent pas gérer leur sexualité ». Selon elle, la situation s’aggrave au fil des années et les chiffres sont alarmants. « Le manque d’éducation sexuelle et d’encadrement pour ces jeunes sont les principaux facteurs qui contribuent à une telle situation. »

Le qu’en-dira-t-on

Vidya Charan estime qu’il est temps de se montrer percutant. « Il faut continuer à conscientiser les jeunes et leurs parents sur leurs responsabilités pour pouvoir apporter des solutions et surmonter les défis qui se posent autour de la sexualité chez les jeunes. »

Elle est d’avis que le programme d’éducation sexuelle dans les écoles n’est pas assez structuré. Il y manque un aspect qui pourrait aider ces adolescentes à se construire un caractère. « La MFPWA ne parvient pas à aller dans toutes les écoles. Il faut trouver des solutions afin de toucher tous les élèves. »

Monique Dinan

Monique Dinan, fondatrice du Mouvement d’aide à la maternité (MAM), estime que les filles qui sont confrontées à une grossesse précoce sont souvent découragées. « Elles se sentent perdues, surtout si le géniteur de l’enfant les abandonne à un moment où elles ont le plus besoin de leur soutien. La situation est alarmante non seulement pour les adolescentes mais aussi pour les jeunes papas. »

Monique Dinan souligne aussi que les jeunes filles ont besoin d’un meilleur encadrement. D’où son appel aux futures mamans pour une formation et une préparation lors d’une grossesse inattendue. « Chaque lundi, nous tenons une séance de formation sur la grossesse, l’accouchement et les soins à prodiguer au bébé. Dommage qu’il y ait peu de jeunes mamans qui y participent. L’encadrement est là mais nombre de parents préfèrent cacher leur fille par honte ou à cause du qu’en-dira-t-on. »


Samcoomar Heeramun, psychothérapeute : «Une aide inadéquate peut avoir des effets néfastes sur l’adolescente»

Une adolescente enceinte a-t-elle besoin d’un soutien particulier ?
Si certaines adolescentes planifient et désirent leur grossesse, pour beaucoup, en revanche, ce n’est pas le cas. Une adolescente enceinte a besoin de tout le support et le soutien de son entourage. N’étant pas préparée physiquement et mentalement à vivre cette expérience, elle est souvent stressée, traumatisée et dans certains cas, elle peut devenir dépressive.

Cet état mental peut l’encourager à agir sans réfléchir et à commettre des actions irréversibles pour elle et l’enfant à venir. Une grossesse non préparée chez l’adolescente reste l’un des principaux facteurs de mortalité de la mère et de l’enfant. Cela contribue au cycle de la mauvaise santé et de la pauvreté. Un soutien psychologique pendant la grossesse permet à l’adolescente de faire face aux pressions sociales et à la honte. Il l’aide aussi à mieux gérer sa grossesse.

A-t-on aussi besoin de soutien psychologique après l’accouchement ?
Certainement. Quel que soit l’âge de la femme, les suites de naissance nécessitent un encadrement, une écoute, des informations et des explications. Il faut savoir que la mère vivra une métamorphose de ses envies, de ses besoins et de ses habitudes. Le changement n’est pas toujours évident.

Un accompagnement permet à la période postnatale de se dérouler harmonieusement, d’autant qu’après l’accouchement, la mère est fatiguée et souvent anxieuse par les nouvelles responsabilités qui lui incombent. L’écoute et le soutien familial sont essentiels. Cela permet aux personnes qui accompagnent la nouvelle maman de détecter les signes de faiblesse, de dépression ou d’autres problèmes de santé.

Comment encadrer des parents mineurs ?
Il est parfois difficile pour ces jeunes filles d’accepter de l’aide. Les mères adolescentes se tournent en général vers leur maman pour obtenir du soutien. Par contre, trop d’aide ou une aide inadéquate peut avoir des effets néfastes sur la santé mentale de la jeune mère, sur ses compétences parentales et sur le développement de son enfant.

La maternité vient bouleverser les relations sociales des jeunes filles. Elles sont souvent centrées autour de leur famille et de leur copain. Cela génère leur isolement et leur marginalisation. Les amis qui restent présents autour de la mère adolescente représentent une source importante de soutien. Cela permet à la jeune fille de préserver un lien avec sa vie.


En chiffres…

En 2016, Maurice a enregistré 217 cas de grossesse précoce impliquant des adolescentes âgées entre 12 et 16 ans. Pour le mois de juin, il y a eu 20 cas et 72 cas de janvier à mai 2017. En 2010, 17 % des mères avaient entre 15 et 19 ans. Pour 85 %, il s’agissait de leur premier enfant, le second pour 12,8 % et le troisième pour 1,2 %. En 2011, 14,3 % des mères avaient entre 15 et 19 ans. C’était leur premier enfant pour 82,6 %, le deuxième pour 16,6 % et le troisième pour 0,6 %.

Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé, dans le monde, près de 16 millions de jeunes filles, âgées de 15 à 19 ans, et presque un million d’adolescentes de moins de 15 ans donnent naissance chaque année. Les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la deuxième cause de décès pour les jeunes filles de 15 à 19 ans dans le monde. Chaque année, près de trois millions de jeunes filles entre 15 et 19 ans subissent des avortements à risque. Les enfants de mères-adolescentes ont un risque de mortalité sensiblement plus élevé que ceux de femmes âgées de 20 à 24 ans.

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