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Gérard Sanspeur: «Le Budget relancera la transition économique»

Gérard Sanspeur, ‘senior advisor’ aux Finances
La frustration des diplômés chômeurs et l’urgence de donner de la dignité à la jeunesse qui réclame du travail interpellent le gouvernement et le pousse à changer de paradigme, explique Gérard Sanspeur. Le Senior Advisor au ministère des Finances nous livre quelques pistes sur le Budget 2016-17.
Le Budget 2016-17 est attendu avec impatience par la communauté des affaires qui espère que le ministère enverra les bons signaux pour permettre une reprise de l’économie. Où en est-on avec la préparation du Budget ? Une date a-t-elle déjà été arrêtée pour sa présentation ? En tant que Senior Advisor au ministère des Finances, il serait, à mon avis, incorrect de faire des remarques autour de la date ou des mesures prévues dans le Budget, d’autant que le Grand argentier, Pravind Jugnauth, lui-même a jugé bon de ne pas communiquer sur le sujet pour le moment. Toutefois, ce que je peux vous dire, c’est qu’avec l’arrivée du ministre, il y a eu un regain de vigueur et de rigueur dans l’exercice de consultations. Il apporte, dans son escarcelle, de nouvelles idées ainsi que son expérience puisqu’il a déjà dirigé l’un des ministères les plus importants du pays.
[blockquote]« Le succès de la stratégie pour éradiquer la pauvreté est d’éviter qu’une frange de la population ne dépende exclusivement des subsides »[/blockquote]
Nous approchons rapidement de la fin des consultations qui se multiplieront dans les prochaines semaines, afin d’engager l’ensemble de la communauté des affaires ainsi que toutes les parties intéressées des différents secteurs de l’économie dans la concrétisation du second miracle économique. Les cadres du ministère sont animés d’un nouveau zèle et ils mettent tout en œuvre pour que ce Budget donne le coup d’accélérateur nécessaire à la transition cruciale vers une économie à revenu élevé. L’une des priorités du ministre des Finances sera de faire reculer le chômage chez les jeunes. Jusqu’ici, malgré des initiatives louables comme le Youth Empowerment Programme (YEP), la situation semble rester figée. Comment résoudre ce problème devenu chronique ? Le taux de chômage, qui est estimé à 7,9 % en 2015, reste l’une des problématiques qui, dans une large mesure, entrave la croissance économique depuis pas mal d’années. En effet, il est devenu de plus en plus difficile pour la population active de s’acclimater à l’évolution économique et de s’intégrer dans le marché de l’emploi. Une répartition du chômage en groupes d’âge révèle que les jeunes, âgés entre 16 et 24 ans, sont plus durement touchés par le ralentissement qui perdure. Le taux de chômage des jeunes se situait à 26,3 % en 2015. Toutefois, il n’y a pas eu que le YEP pour pallier le problème. Il y a la migration circulaire et la stratégie Afrique… Le gouvernement aide également les jeunes à créer leurs propres entreprises, en encourageant une culture de l’entrepreneuriat, grâce à diverses incitations ciblant les Petites et moyennes entreprises (PME). Malgré cela, le chômage parmi les jeunes n’a pas baissé de manière significative. Quelles en sont les raisons ? L’une des raisons principales est l’inadéquation entre la formation et les besoins des entreprises. On doit être en éveil pour soutenir une réorientation stratégique constante qui nous permette de préparer notre capital humain à la conjoncture économique mondiale. C’est une évolution presque implacable. C’est un phénomène qui nécessite des compétences et de nouvelles aptitudes, de la formation académique pointue et un professionnalisme tous azimuts dans les domaines qui franchissent les frontières établies de l’industrie. Il est donc impérieux de mettre en place une veille dans le secteur de l’éducation, afin d’assurer que les cours conçus et dispensés par les institutions académiques soient avant-gardistes, et surtout en ligne avec les compétences et profils technologiques qui cadrent avec les tendances et exigences du marché de l’emploi. L’avenir appartient à la technologie, la science et la recherche. Et nos nouveaux piliers économiques reposeront sur elles. La frustration des diplômés chômeurs, le fardeau socio-économique de leur inactivité et l’urgence de donner de la dignité à la jeunesse qui réclame du travail nous interpellent à changer de paradigme. Il s’agit d’une priorité absolue. Depuis plusieurs années, Maurice n’arrive pas à atteindre la barre d’une croissance de 4 %. Vous estimez qu’une telle performance est réalisable cette année… Qu’est-ce qui vous rend si confiant ? Avec la participation active de toutes les parties prenantes, que ce soit les acteurs du privé, le gouvernement et la société civile, nous nous attelons pour que l’année 2016 soit nettement meilleure que les années précédentes. Certains secteurs clés ont longtemps souffert de la morosité économique. Maurice est une économie tournée vers l’exportation des biens comme des services. Le nouvel agenda économique renforcera les secteurs existants, tout en donnant un bon coup d’accélérateur aux autres secteurs émergents. L’effet multiplicateur des mesures budgétaires entraînera forcément sur le moyen et le long terme une augmentation des recettes publiques. Nous nous concentrons sur certains secteurs porteurs spécifiques qui absorberont la main-d’œuvre qualifiée pour générer le niveau d’activité nécessaire, afin de résorber le chômage. Je tiens toutefois à dissocier le taux de croissance de la qualité de la vie. La croissance économique est importante pour améliorer la qualité de la vie des Mauriciens. Or, elle n’est pas le seul facteur déterminant. C’est de l’amélioration que l’on recherche et les moyens pour l’atteindre sont tout autre. Comment trouver le bon équilibre entre les impératifs économiques et sociaux dans la conjoncture actuelle ? La question de privilégier soit les impératifs économiques, soit les considérations sociales ou vice-versa ne se pose pas. L’économie et le social sont indissociables. Il faut vraiment saisir la stratégie du gouvernement pour éradiquer la pauvreté. Le succès de cette stratégie est d’éviter qu’une frange de la population ne dépende exclusivement des subsides. Au contraire, nous voulons encadrer et responsabiliser les plus vulnérables pour qu’ils sortent de la pauvreté et jouent pleinement leur rôle dans la création de la richesse nationale. Amartya Sen, lauréat du prix Nobel, a toujours mis en avant l’approche des ‘capacités’ pour éliminer la pauvreté. Il soutient qu’il est nécessaire d’améliorer les moyens, les capacités et les compétences des pauvres pour les aider à sortir de ce cercle vicieux d’une manière définitive. Cela peut se faire par l’éducation, la formation, le travail, entre autres. Cette approche est le fil conducteur de l’élaboration des politiques en matière d’éradication de la pauvreté. En même temps, la croissance des entreprises fournira les opportunités pour les pauvres. Les cycles économiques fluctuants ont une incidence directe sur le niveau de l’emploi, ce qui est probablement le facteur le plus important dans la lutte contre la pauvreté. Le soutien et la promotion de l’entreprise ont ainsi pour finalité d’endiguer un des principaux maux auxquels fait face l’île Maurice de 2016. Le secrétaire financier Dev Manraj a jeté un pavé dans la mare, en soutenant que le plan Marshall ne répond pas aux attentes pour combattre la pauvreté. Qu’est-ce qui cloche ? Faut-il revoir notre approche pour lutter contre la pauvreté et l’extrême pauvreté ? Je suis contre la pensée unique. C’est la raison pour laquelle je trouve que c’est sain et réconfortant d’avoir au sein d’une équipe des gens honnêtes qui ont des opinions différentes et divergentes. Le ministre des Finances apprécie cela et demande d’ailleurs toujours l’avis de tout le monde avant de prendre une décision. J’étais présent quand Dev Manraj a parlé du plan Marshall. Ce qu’il a dit, c’est qu’on ne pouvait l’inclure dans sa forme actuelle dans le Budget. J’ai senti, tout comme lui, qu’il y a des mesures qui sont purement à l’état d’idée qu’il faudra retravailler pour qu’elles deviennent des projets qui puissent être réalisés en une année. C’est un Budget qu’on prépare et non pas un plan stratégique.
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