L’industriel François de Grivel estime que 2016 n’a pas été catastrophique et souhaite qu’en 2017 le gouvernement fasse de l’économie sa priorité. C’est à cette condition, selon lui, que l’État redonnera confiance au secteur privé.
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2016 est derrière nous. Quel bilan faites-vous sur le plan économique ?
« À la rentrée, comme le dit l’Anglais, il faut que ce soit business as usual. »
Nous avons eu en 2016 une croissance insuffisante. Elle est à 3,5 %, alors qu’elle aurait dû osciller entre 4 et 4,5 %. La création d’emplois n’a pas non plus suivi. En général, l’économie a été affectée par l’environnement sociopolitique. Pour une bonne croissance, il faut la stabilité gouvernementale. Si nous avions connu une stabilité plus forte, 2016 aurait été plus performante. Toutefois, l’année n’a pas été catastrophique, car nous avons eu une croissance modérée. En 2017, il y aura beaucoup à faire pour booster la croissance. Le secteur privé doit s’engager et pour cela il faut un climat politique sain et calme.
Pour certains observateurs, l’économie a été reléguée au second plan cette année. Partagez-vous le même point de vue ?
Oui, ce n’est pas faux. Malheureusement, on a attaché trop d’importance à l’aspect politique et non à l’économie directe comme la création d’emplois. Ce qui requiert, comme je le disais plus tôt, de la stabilité et de la sérénité. Au niveau de la gestion, il faut attacher l’économie aux priorités. Ainsi, nous réussirons. Lors d’une rencontre avec le ministre des Finances, Pravind Jugnauth nous a fait comprendre que ses ministres se concentrent davantage sur l’économie. Nous comprenons l’agenda du gouvernement. Il faut oublier les problèmes politiques internes et se concentrer sur l’économie nationale. C’est essentiel. C’est ainsi que l’on redonnera confiance au secteur privé. Il faut que les gens se sentent rassurés qu’importe leur secteur d’activité.
Comment se présente l’horizon économique en 2017 ?
Je crois que 2017 sera mieux. La volonté est là, ainsi que le financement. Cet argent doit être utilisé de façon productive et non gardé en banque comme dépôt. Je reste optimiste que l’investissement se fera dans des domaines profitables : l’hôtellerie, la construction… Je le redis : il est impératif de se concentrer sur l’économie et d’oublier la politique. C’est cela la priorité.
Un deuxième miracle économique est-il réalisable ou est-ce une illusion ?
Le Premier ministre a présenté Economic Vision Statement 2030. Il faut maintenant que ces projets se réalisent. Il existe des ambitions majeures. Nous sommes en 2017. De gros investissements sont en jeu. Nous sommes sur la bonne voie, surtout si tout le monde travaille dans la même direction. De plus, il faut l’engagement formel de tout un chacun dans son métier, qu’on soit fonctionnaire ou employé du privé. Si chacun apporte sa pierre à l’édifice, nous réussirons.
Le gouvernement attend beaucoup du secteur privé. Quelle est la nature du partenariat public-privé ?
Sir Anerood Jugnauth avait proposé des rencontres privé-public. Cela avait bien démarré en 2015. Mais en 2016, il y a eu un ralenti. Ces réunions doivent reprendre pour que les représentants des divers secteurs de l’économie et du secteur privé puissent expliquer au gouvernement leurs projets à venir. Indéniablement, développement rime avec création d’emplois. Toutefois, force est de constater que parfois, la main-d’œuvre locale qualifiée manque. Nous n’avons d’autre choix que de solliciter des étrangers. Il nous faut plus de formation, surtout de qualité et adaptée à nos besoins. C’est vrai qu’il y a un manque de techniciens. C’est pourquoi des étrangers prennent la place des Mauriciens.
Pourtant, ce désinvestissement du secteur privé…
Je ne dirai pas qu’il y a désinvestissement. C’est juste que la confiance n’est pas là. S’il y avait une stabilité politique, il est certain que cela aurait amené des investissements. Beaucoup ont les moyens d’investir et le feront quand reviendra la confiance .
Y a-t-il des obstacles qui empêchent le secteur privé d’investir ?
Parfois, le délai d’autorisation est trop long. Ce qui n’encourage pas les développements. Il est nécessaire d’améliorer la structure administrative. Dans le passé, comme l’a fait Rama Sithanen, il y a le silent agreement. Soit un délai à court terme de trois à six mois, pour que le projet avance. Cela avait connu un succès à l’époque. Ces mesures favorables au développement sont encourageantes.
Depuis plusieurs années, on évoque la création de nouveaux secteurs, comme l’économie bleue et maintenant la cinématographie. Qu’est-ce qui entrave l’émergence de ces secteurs ?
Concernant l’économie, c’est beaucoup d’investissement en valeur. Il s’agit de moyens financiers, de techniques poussées… Exploiter la température marine à 1000 mètres de profondeur pour la climatisation requiert de gros investissements. Il reste beaucoup de travail à faire. Cela ne peut se faire en un jour en un ou deux ans. Ce sont des projets à moyen et long termes. Concernant la cinématographie, cela démarre lentement avec les tournages à Maurice. Parfois, il manque des lieux spécifiques (studios de qualité). Hollywood ou Bollywood n’a pas été construit en un jour. Ce créneau est porteur, mais il faut former les gens et avoir les équipements nécessaires.
N’est-il pas grand temps d’exploiter ces secteurs émergents pleinement, certains domaines traditionnels étant arrivés à saturation ?
On n’a pas encore vu la fin du textile qui date de 1972. Ce secteur est devenu sophistiqué. Il faut néanmoins aller vers des secteurs émergents. Comme les équipements médicaux, les prothèses… Il y a aussi la mécanique de précision, l’aéronautique. C’est un marché exponentiel. Il faut développer le métier de haute précision. Il n’est pas trop tard. On peut le faire, il faut le faire.
La situation politique incertaine, causée par le départ du PMSD et la passation de pouvoir sur ce registre, n’affecte-t-elle pas le climat des affaires ?
Sans aucun doute, cela affecte le climat des affaires. Une nouvelle structure au sein du gouvernement s’impose dans les plus brefs délais. À la rentrée en janvier, il est primordial que la situation soit sous contrôle et qu’on ne soit pas affecté par la décision du PMSD. Le gouvernement doit s’occuper des affaires courantes du pays. On doit oublier les problèmes politiques. Les petites tensions de ces trois dernières semaines ne doivent plus poser problème. À la rentrée, comme le dit l’Anglais, il faut que ce soit business as usual.
Comment atteindre une croissance soutenue dans un contexte international où il y a le Brexit ou encore notre bras de fer avec les Américains et les Britanniques sur les Chagos ?
L’Europe et le Royaume-Uni mettent en place des accords. Ce qui prendra du temps. Tout cela n’affectera pas notre économie pour l’instant. Concernant les Chagos, c’est un dossier américano-britanno-mauricien. Ce sont de grosses négociations internationales. Pour l’instant, il n’y aura pas de difficulté pour notre économie ni pour la croissance.
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