"Accumulation", "ras-le-bol" et "frustration". La mort de Nahel, tué à 17 ans par un policier, a été l'"étincelle" qui a ravivé la colère des jeunes et "des problèmes plus profonds", selon les habitants de quartiers populaires.
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A Nanterre (ouest de Paris), dans les rues de la cité Pablo-Picasso dont l'adolescent était originaire, les nuits d'émeutes ont laissé derrière elles des carcasses de voitures calcinées, des poubelles fondues et d'innombrables tags qui réclament "Justice pour Nahel".
"Il y a un ras-le-bol, une accumulation, un air de déjà-vu. Bien sûr que je le comprends, moi aussi j'ai grandi ici. Après, brûler des écoles et des magasins, c'est n'importe quoi parce que ça nous nuit à tous", estime Mohamed, 39 ans.
Assis sur un banc d'un parc dont les arbres bordent les tours de la cité, il raconte être descendu de chez lui plusieurs nuits de suite pour "raisonner les petits".
A côté de lui, son ami Sofiane, 38 ans, soupire en désignant du bras le squelette gris cendre d'un manège parti en fumée jeudi soir.
"Les dégâts, on ne tolère pas. Ce qu'on ne veut plus au fond, c'est les contrôles (de police) intempestifs. On veut qu'ils nous contrôlent comme si on s'appelait Michel", affirme-t-il, "affligé" par la mort d'un "gamin" lors d'un contrôle routier.
- "Ecouter les jeunes" -
Habitant une des tours derrière le parc, Fatiha Abdouni, 52 ans, est elle aussi descendue samedi soir de son immeuble bleu pâle pour rencontrer des médiateurs de quartier alors que se profilait une nuit agitée.
"Je ne cautionne pas qu'on casse, qu'on brûle, qui le cautionne ? Maintenant il faut écouter les jeunes, la frustration et la colère, qui ont à voir avec les difficultés du quotidien, avec les inégalités d'accès aux études, au travail, au logement", estime la cofondatrice de l'association La voix des femmes de Pablo-Picasso.
Pour elle, c'est une évidence, la mort de Nahel a été une "étincelle" ravivant des "problèmes plus profonds".
Depuis mardi, les émeutes étaient menées par des "très jeunes", circulant en petits groupes et relayant leurs actions sur les réseaux sociaux : dans la nuit de jeudi à vendredi, les interpellés avait 17 ans en moyenne, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Samedi, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a estimé qu'il fallait "redire aux parents qu'ils tiennent leurs gosses".
"Ce n'est pas en pointant les parents comme s'ils étaient irresponsables qu'on fera avancer les choses", répond Mohamed Mechmache, coordinateur d'une association créée à Clichy-sous-Bois au lendemain des émeutes de 2005 parties de cette ville de la banlieue parisienne, après la mort de deux adolescents qui fuyaient la police.
"Il est temps de s'adresser publiquement à cette jeunesse, qu'on lui dise qu'elle fait partie de cette République", dit l'éducateur à l'AFP.
- "Toujours les mêmes visés" -
"Le plus important, c'est de redonner espoir à nos enfants, qu'ils croient en leur avenir. Moi j'ai peur qu'il y ait un nouveau mort", abonde Fatima Ouassak, politologue cofondatrice du collectif Front de mères, syndicat de parents d'élèves des quartiers populaires.
A Pablo-Picasso, aucun des jeunes croisés dimanche par l'AFP n'a souhaité s'exprimer.
Lors de la marche blanche en hommage à Nahel jeudi, un adolescent de 16 ans affirmait: "C'est toujours les mêmes qui sont visés, les Noirs et les Arabes, les quartiers populaires. On tue un petit de 17 ans comme ça, pour rien: cette mort nous fout la haine".
Après cinq nuits d'émeutes, la grand-mère de Nahel a lancé dimanche un appel au calme : "Qu'ils ne cassent pas les vitrines, qu'ils ne cassent pas les écoles, pas les bus".
Mohamed et Sofiane, qui se réjouissent du relatif retour au calme, espèrent désormais que "justice sera faite". "Ce policier, c'est un être humain, il faut qu'il soit un justiciable comme vous et moi. Pas de justice à deux vitesses."
© Agence France-Presse
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