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Famille d’accueil : aimer et élever l’enfant d’un autre

Famille d’accueil

« Il n’y a point de tableau plus charmant que celui de la famille. » Cette citation de Jean-Jacques Rousseau démontre l’importance de la cellule familiale dans la vie de tout chacun, et surtout d’un enfant. Bon nombre de ces derniers n’ont pas cette chance et les familles d’accueil sont là pour leur offrir une vie équilibrée.

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En 2002, dans le but d’offrir un toit à des enfants, le ministère de l’Égalite des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille lance le projet de familles d’accueil. Depuis, 153 enfants y ont été placés. Ils sont âgés d’un mois à 18 ans, et sont issus de familles à problèmes : drogués, alcooliques, négligents... Le concept de famille d’accueil est que l’enfant retrouve, au-delà d’un toit, un environnement sain et chaleureux, même si c’est sur une base temporaire.

Il y a 11 ans, après une fécondation in vitro et plusieurs traitements vains, Devina et son mari songent à devenir une famille d’accueil. « Nous avons rempli des questionnaires, répondus à des questions très intimes. Des cadres du ministère nous ont rendu visite, ont interrogé notre voisinage.

Nous voulions accueillir un petit garçon. À la crèche, on nous a présenté un bébé de deux ans, je n’ai pas eu de déclic. J’ai attendu et quelques mois plus tard, j’ai eu un coup de cœur pour un bébé de dix mois. C’est le prince de la maison ! Je l’ai adopté après deux ans de procédures légales, sa mère biologique ne pouvant plus s’en occuper. C’est à huit ans que mon fils a appris qu’il avait été adopté et nous avons dû trouver les mots justes pour qu’il ne soit pas choqué… »

Comme eux, de plus en plus de Mauriciens songent à devenir une famille d’accueil. Depuis le lancement d’une campagne du ministère avec le soutien de l’enseigne KFC en octobre 2016, une cinquantaine de personnes se sont enregistrées au Foster Care à Phœnix et 303 appels ont été enregistrés entre octobre et décembre 2016 sur la hotline 187.

« La famille d’accueil n’est pas qu’un substitut. Elle doit fournir à l’enfant les valeurs nécessaires pour se forger un caractère qui fera de lui un adulte responsable, explique le responsable du Foster Care. Nos jeunes sont notre avenir, il est indispensable qu’ils grandissent dans un environnement sain qui les aidera à s’épanouir et à contribuer à la société. »

Pour Melissa, 32 ans, une famille d’accueil ne se résume pas à combler un vide, mais à donner la chance à des enfants d’avoir un foyer aimant. « Je ne sais pas si je pourrai avoir un enfant, mais je désire tellement vivre cette expérience d’être mère, de prendre un enfant dans mes bras, de l’aimer, le rassurer… On est à fond dans les démarches administratives et légales, on ira jusqu’au bout. On nous a expliqué nos responsabilités et que l’enfant pourra, à n’importe quel moment, retourner dans sa famille biologique. Je vais peut-être m’attacher à lui mais c’est le bien-être de l’enfant qui prime. Le plus important, c’est qu’il soit en sécurité dans une famille. »

Marc et sa femme sont famille d’accueil depuis plus de dix ans. Après l’arrivée de leur premier enfant, des complications font que le couple décident de ne pas en avoir d’autre. Une émission à la télévision les incite à accueillir une fillette de quatre ans. « Aujourd’hui, nous lui prodiguons toute notre affection et attention. Elle s’entend à merveille avec son frère aîné. Elle nous demandait souvent pourquoi elle ne portait pas le même nom que nous, confie Marc. Notre seule préoccupation, c’est l’adoption, l’attente est longue et c’est coûteux. »

Marie Rose, 51 ans, a accueilli deux enfants. Après 11 ans de mariage sans pouvoir être enceinte, elle décide d’accueillir une fillette à besoins spéciaux en 2003. Elle comprend tout de suite que la petite fera son bonheur à vie ! En 2012, elle accueille une autre fille. « Aujourd’hui, elles sont les prunelles de mes yeux. Je n’imagine pas ma vie sans elles. Le concept de famille d’accueil m’a permis de connaître la joie d’être maman, m’a offert l’occasion de donner de l’amour à ces enfants. »

Les aspects légaux 

Le foster home est prévue par  The Child Protection Act 30/1994. Il est défini comme un lieu où l’enfant est en sécurité. Me Maryanne Philips, avocate, précise que l’un ou les deux parents biologiques peut/peuvent demander le placement de l’enfant. Ils préciseront la durée et les conditions du placement. Ce placement est donc une garde provisoire, contrairement à l’adoption qui confère des droits aux parents adoptifs. Qui peut adopter ? Toute personne de plus de 30 ans, une condition non exigée lorsque l’adoptant est marié et non séparé. Le ou les adoptant/s doivent avoir 15 ans de plus que l’adoptant. Le juge en chambre peut déroger à cette règle.

Si l’enfant a plus de 15 ans, il devra donner son consentement à l’adoption.

Les procédures

  • Remplir un formulaire au ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille au Help Desk du Foster Care, au 1er étage du National Women Development Centre, route Royale, Phœnix.
  • Les documents requis : certificat de caractère, acte de naissance des parents et de toute personne vivant sous le même toit, l’acte de mariage, une copie certifiée conforme du jugement de divorce, la preuve des revenus (salaires, titre de propriété ou de bail), attestation de santé des parents.
  • Des officiers visiteront le domicile pour voir si l’environnement est favorable à l’accueil d’un enfant.
  • Si le rapport est favorable, une évaluation psychologique a lieu. Les parents sont conviés à une session de formation trois samedis durant, de 9 heures à 14 heures. Parmi les thématiques abordées : la période de l’adolescence et les qualités requises pour être parent d’accueil.
  • Le/les parents doi(ven)t avoir entre 25 et 60 ans et avoir une situation stable. Le parent peut être marié ou célibataire, et doit jouir d’une bonne santé physique et émotionnelle. Il doit donner à l’enfant tout l’amour, l’affection et les soins dont il a besoin. La famille doit avoir la volonté d’aider l’enfant à se réinsérer dans sa famille biologique. Des officiers du ‘Foster Care’ effectueront des visites à domicile et à l’école.
  • Une famille d’accueil, c’est un abri temporaire thérapeutique qui aide à cicatriser les blessures d’un enfant en détresse. Elle l’aide à s’épanouir sur le plan physique, moral, spirituel et social.
  • Si la famille d’accueil décide de ne plus s’occuper de l’enfant, le ministère doit préparer l’enfant à intégrer une autre famille.

Karuna Rajiah, psychologue : « Une démarche sensible »

Les familles d’accueil jouent un rôle important dans la vie des enfants issus de familles à problèmes. Karuna Rajiah, psychologue, affirme que la démarche d’accueil est sensible en raison de son impact psychologique sur l’enfant. « Si l’enfant est capable de comprendre les choses, il peut soit l’accepter, soit être bouleversé par ce changement dans sa vie. »

« La réaction de l’enfant diffèrera selon l’instance dans laquelle il est placé. S’il a été victime d’abus dans sa famille biologique, il sera soulagé de partir en sécurité dans un foyer, ou alors il peut s’en méfier. La famille d’accueil et l’assistante sociale devront préparer l’enfant pour qu’il s’intègre dans son nouvel environnement », ajoute la psychologue. Elle précise que chaque maison impose ses règles et sa discipline :« La famille d’accueil devra préciser les do’s and dont’s à l’enfant. Elle veillera à ce qu’il les comprenne et les respecte. »

Enfin, Karuna Rajiah souligne que « la première impression est essentielle, notamment le eye-contact ». Elle conseille de présenter la maison à l’enfant, surtout sa chambre et ses effets et objets personnels. Il devra se sentir le bienvenu dans la famille. Cela l’aidera à se sentir mieux dans sa peau.

Rita Venkatasawmy : « L’argent ne peut être un obstacle à l’adoption »

Pour l’Ombudsperson for Children Rita Venkatasawmy, le concept de Foster Care Family est très propice au développement physique, psychique et affectif de l’enfant. « Je milite pour une famille d’accueil genuine qui réponde aux critères établis par le ministère. Certes, l’enfant qui grandit dans une famille d’accueil reçoit plus d’attention et il est mieux loti que celui placé dans un refuge, mais nous ne pouvons conclure que le Foster Care est forcément mieux. Des recherches internationales indiquent que les abus existent aussi dans les familles d’accueil. »

Rita Venkatasawmy estime qu’il est nécessaire d’assouplir les procédures d’adoption et revoir la loi : « L’argent ne peut être un obstacle pour l’adoption d’un enfant si les parents biologiques sont d’accord. »

Témoignages

Elliot : « Elle est ma vraie famille » 
Elliot, 12 ans, avait 11 mois quand il est arrivé dans sa famille d’accueil. « Je m’en souviens vaguement. Mais c’est un cadeau de Dieu d’avoir été accueilli par cette famille. Je sais aujourd’hui que c’est ma vraie famille. Sans mes parents, j’aurais peut-être connu une situation déplorable. »

Jordy : « Ils m’ont abandonné » 
Il est âgé de 22 ans. Il peine à expliquer ce qu’il a ressenti, 14 ans plus tôt, lorsque sa famille d’accueil a demandé aux autorités de le reprendre. Bébé orphelin d’une crèche, il a été recueilli par une famille de Quatre-Bornes. Il a appris ensuite que ce n’était pas ses vrais parents, mais pour lui c’était sa seule famille.

Après huit ans de bonheur, Jordy a dû se résoudre à se séparer d’eux. « Ils voulaient s’installer à l’étranger. Les démarches légales pour m’emmener étaient longues et coûteuses. Ils m’ont abandonné… Ils m’ont dit que je passerai quelque temps dans un centre. Quand j’ai compris, je les ai détestés ! »

 

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