En pleine tourmente en raison d’une affaire de bail foncier accordé à sa mère Primerose Obeegadoo, le Deputy Prime Minister Steven Obeegadoo semble aujourd’hui très isolé par son allié, le MSM alors qu’il tente de se sortir de cette situation.
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En s’alliant au Mouvement socialiste militant (MSM) pour les élections générales de 2019, Steven Obeegadoo a donné un tournant décisif à une carrière politique qui semblait être en panne après sa défaite cinglante à Curepipe/Midlands (17) en 2014. Contrairement à d’autres anciens membres influents du Mouvement militant mauricien (MMM), dont Jean-Claude Barbier, Alan Ganoo, Joe Lesjongard ou Atma Bumma, qui ont quitté le parti, Steven Obeegadoo a choisi de rester pour tenter de réformer le MMM de l’intérieur, malgré une farouche opposition.
Sa position au sein du MMM devenait de plus en plus intenable, avec une frange importante du parti qui considérait sa stratégie comme erronée. En 2018, Steven Obeegadoo réalise que la rupture avec le parti était inévitable, faisant face à une motion de blâme qui scelle sa relation avec le MMM. Sa décision de s’allier au MSM pour les élections de 2019 marque ainsi un virage stratégique qui se révèle payant à long terme.
La révocation d’Ivan Collendavelloo, leader du Muvman Liberater, à la suite des accusations de corruption dans l’affaire St-Louis, a permis à Steven Obeegadoo, initialement nommé ministre du Logement et des Terres, d’accéder au poste de Premier ministre adjoint, tout en récupérant le portefeuille du Tourisme. Sa montée en puissance s’accentue pendant la pandémie de COVID-19, où il est mis en avant par le gouvernement MSM. Aussi, il se voit confier la gestion d’un des projets de logements sociaux les plus ambitieux du pays, avec la construction de 12 000 unités.
Cependant, la montée en puissance de Steven Obeegadoo au sein du MSM ne fait pas l’unanimité. Pour bon nombre de membres du parti, Steven Obeegadoo est perçu comme un outsider, n’ayant pas l’ancienneté d’un « pur-sang MSM ». Certains estiment même que les réussites attribuées à Steven Obeegadoo auraient tout aussi bien pu être réalisées par des figures plus traditionnelles du parti.
Malgré ces réticences, Steven Obeegadoo bénéficie du soutien indéfectible du Premier ministre, Pravind Jugnauth, ce qui le rend quasi intouchable dans l’appareil gouvernemental. En retour, Steven Obeegadoo lui manifeste une loyauté sans faille, notamment en soutenant activement les motions de blâme au Parlement, visant à sanctionner ou expulser les membres de l’opposition.
Cependant, même dans les moments difficiles, comme l’humiliation subie en 2021 lors de la deuxième année de la pandémie de COVID-19 à Maurice, Steven Obeegadoo a su encaisser les coups sans vaciller. À l’époque, il avait déclaré que la fermeture des écoles n’était pas nécessaire, arguant que la situation n’était pas chaotique. Il avait été cependant contredit peu de temps après par la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, qui annonça alors la fermeture immédiate des établissements scolaires. Malgré ce désaveu public, Steven Obeegadoo n’a jamais fait de déclarations embarrassantes pour le gouvernement, demeurant fidèle et discret, même en période de crise.
Linite militant
L’année 2024 s’annonce cependant bien plus délicate pour Steven Obeegadoo. Ayant à cœur de réunifier les anciens militants du MMM sous la bannière de Linite Militant, son projet a rapidement montré ses limites. Dès le départ, Ivan Collendavelloo et les membres de son parti ont exprimé leur désaccord quant aux modalités de cette initiative, affaiblissant ainsi les chances de succès. Déterminé à avancer malgré tout, Steven Obeegadoo, avec le soutien d’Alan Ganoo, a décidé de poursuivre l’aventure. Bien que Linite Militant ait réussi à organiser quelques activités politiques, le contexte préélectoral, marqué par des négociations tendues autour de l’attribution des tickets avec le Premier ministre Pravind Jugnauth, laisse Obeegadoo de plus en plus isolé.
Effectivement, c’est en marge du Mouvement Socialiste Militant (MSM) que Steven Obeegadoo et Alan Ganoo mènent leurs propres négociations sur le nombre de tickets à obtenir pour les prochaines élections. Condamné à compter sur lui-même, le Deputy Prime Minister doit également faire face à une controverse grandissante liée à un bail de 60 ans sur un terrain de l’État, accordé à sa mère, Primerose Obeegadoo. Ce scandale place le Premier ministre adjoint dans une position critique, à un moment charnière de sa carrière politique.
Complètement isolé politiquement, Steven Obeegadoo se retrouve seul pour surmonter cette tempête et convaincre l’opinion publique que cette affaire ne compromet en rien ses valeurs militantes et son intégrité. La question qui se pose désormais est de savoir quel impact aura cette controverse sur la suite de sa carrière, d’autant plus qu’il pourrait être relégué au second plan dès que l’alliance entre le MSM et le Parti Mauricien Social Démocrate (PMSD) de Xavier-Luc Duval sera officialisée.
Il convient de rappeler que Xavier-Luc Duval, lorsqu’il était leader de l’opposition, n’avait pas manqué de cibler Steven Obeegadoo lors de ses dernières Private Notice Questions (PNQ), le mettant régulièrement en difficulté. Le retour de Xavier-Luc Duval en tant qu’allié au sein du gouvernement pourrait encore affaiblir Steven Obeegadoo, le plaçant dans une situation de plus en plus précaire sur le plan politique et personnel.
Fuites intentionnelles ?
Comme l’a fait remarquer le député du Parti travailliste (PTr), Shakeel Mohamed, lors de l’émission « Au Cœur de l’Info » à propos de l’affaire Obeegadoo : « Si c’est vrai, je me demande si Obeegadoo n’est pas victime d’une négociation de tickets. Xavier-Luc Duval s’associe au MSM. Quand on voit cette situation, on se demande quelle sera la place de Steven Obeegadoo dans le front bench ? », s’interroge le parlementaire.
Cette réflexion soulève des questions cruciales sur la place qu’occupera Steven Obeegadoo dans une éventuelle alliance MSM-PMSD, d’autant plus que l’affaire entourant le bail de 60 ans accordé à sa mère demeure une source de gêne. Shakeel Mohamed va plus loin en suggérant que la fuite de cette information confidentielle pourrait avoir été délibérée, posant ainsi la question de la véritable origine de ce scandale. Cette hypothèse n’est pas anodine, car il s’agit d’une affaire extrêmement embarrassante pour Steven Obeegadoo. Ce qui est d’autant plus révélateur, c’est le silence total des membres du gouvernement, qui, jusqu’à présent, n’ont pas pris la défense du Premier ministre adjoint.
Steven Obeegadoo: «on essaie de faire croire que je suis intervenu, mais c’est faux»
À la mi-journée, sur les ondes de Radio Plus, Steven Obeegadoo s’est exprimé pour la toute première fois sur cette controverse, affirmant qu’avant l’indépendance du pays, son père était directeur d’un groupe de collèges Trinity. « Ma mère et lui possédaient des terres en pleine propriété à Port-Louis et avaient obtenu un bail juste à côté. Ce bail s’est donc poursuivi au fil des années », a-t-il déclaré.
Le ministre a ajouté qu’après la mort de son père, il y a deux ans, sa mère a décidé de réaliser un projet à caractère social au lieu de continuer avec les activités éducatives. « Elle souhaitait créer une maison de retraite à Port-Louis. Pendant qu’elle m’en parlait, je me suis assuré de renoncer à tout droit de succession sur ce terrain en bail afin d’éviter toute perception de conflit d’intérêts. Ensuite, ce que ma mère a fait, c’est qu’elle a demandé un changement d’usage du bail. Au lieu d’un projet éducatif, il est devenu un projet résidentiel pour personnes âgées, et elle a déposé son dossier au ministère du Logement. Ce dossier a été traité par le ministère sans aucune implication de ma part. Le ministère a décidé de renvoyer l’affaire au Conseil des ministres. Je n’étais pas présent au Conseil des ministres la semaine dernière, et lorsque je suis revenu, je n’étais même pas au courant, jusqu’à ce qu’un article de presse affirme que le Conseil des ministres avait approuvé cette affaire », dit-il.
Ainsi pour Steven Obeegadoo, il ne s’agit pas d’un nouveau bail, contrairement à ce que certains insinuent. « On essaie de faire croire que je suis intervenu, mais tout cela est faux. Depuis 1991, je suis député, et les gens connaissent mon intégrité, que ce soit dans ma profession d’avocat ou dans les différents ministères que j’ai occupés. Ce type de diffamation, surtout à l’approche des élections, est utilisé par mes adversaires politiques pour me discréditer. J’invite ceux qui font ces allégations à se tourner vers la police ou la Financial Crimes, à fournir leurs informations et à laisser les autorités enquêter en toute indépendance », a-t-il affirmé.
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