Live News

Enregistrement d’un médecin spécialiste : les tribulations du Dr Vikram Nunkoo

Dr Vikram Nunkoo Dr Vikram Nunkoo

Cela fait plus de vingt mois que le Dr Vikram Nunkoo est rentré au pays, après avoir complété ses études de spécialisation en Russie. Ce médecin de 36 ans éprouve toutefois toutes les peines du monde à se faire enregistrer auprès du Medical Council.

Publicité

Il ne sait plus à quelle porte frapper. Le Dr Vikram Nunkoo, qui a entrepris trois années d’études en gynécologie au Volgograd State Medical University, en Russie, cherche en vain à se faire enregistrer comme spécialiste auprès du Medical Council depuis qu’il est rentré au pays en mars 2017. « Je pensais que cela allait prendre tout au plus 3 ou 4 mois pour que je sois reconnu comme médecin spécialiste, mais j’étais loin de penser que j’allais avoir autant de difficultés », déclare désespérément le Dr Vikram Nunkoo.

Doc

Et plus le temps passe, plus le Dr Vikram Nunkoo voit ses chances s’amenuiser. « Bien que je sois affecté au département gynécologie [au Sir Seewoosagur Ramgoolam National Hospital], j’ai néanmoins certaines limitations. Il y a des interventions que je n’ai pas le droit de pratiquer », explique-t-il. Or, fait ressortir le médecin de 36 ans, c’est une spécialisation qui requiert beaucoup de pratique. « Lorsque vous ne pratiquez pas, il y a le risque que vous perdiez certains réflexes. Me demander de pratiquer une intervention après trois ans peut s’avérer compliqué », souligne-t-il.

« Tout reprendre à zéro »

De plus, pour être reconnu comme spécialiste, il faut passer devant un Post Graduate Medical Board, soit devant un panel de plusieurs médecins spécialistes. S’il ne réussit pas, fait-il ressortir, il se peut qu’il soit appelé à effectuer plusieurs mois de pratique avant de revenir passer l’examen. « Il faudra tout reprendre à zéro et ce sera encore du temps perdu », se désole le Dr Vikram Nunkoo, qui dit vivre un stress psychologique permanent.

Manque de spécialistes

Autre inconvénient, le Dr Vikram Nunkoo se retrouve avec des obligations financières qu’il parvient difficilement à honorer. « J’ai entrepris ces études à mes frais et pour y arriver, j’ai contracté un emprunt que je dois bien évidemment rembourser. Avec un salaire de généraliste, je dois admettre que c’est assez compliqué. Sans compter que j’ai aussi à ma charge mon père, qui est retraité, une épouse et un enfant », fait-il ressortir.

S’ajoute à cela le fait que notre interlocuteur dit voir grimper dans la hierarchie des spécialistes qui ont complété leurs études bien après lui. « Je suis heureux qu’ils n’aient pas eu à passer par les mêmes difficultés que moi, mais cela représente aussi un manque à gagner pour moi, surtout en termes d’ancienneté. Par exemple, je serai injustement pénalisé lors d’éventuels exercices de promotion », soutient-il.

Notre interlocuteur rappelle qu’en marge de la Journée mondiale de la santé, célébrée en avril dernier, le ministre de la Santé, le Dr Anwar Husnoo, avait déclaré qu’il explorait la possibilité de recruter des spécialistes de l’Inde, en obstétrique et en gynécologie, pour renforcer le service de maternité. Si le Dr Vikram Nunkoo concède que le ministère et le Medical Council sont deux institutions distinctes, il dit néanmoins trouver paradoxal de parler de manque de spécialistes, du moins dans certains départements, quand, en même temps, l’instance régulatrice ne reconnaît pas ceux ayant déjà terminé leurs études. D’ailleurs, selon ses informations, il y aurait au moins une vingtaine d’autres médecins qui seraient dans la même situation que lui.  

Demande rejetée

Les déboires du médecin débutent lorsqu’il fait une demande auprès du Medical Council, l’instance régulatrice, pour être enregistré comme spécialiste. Dans une première correspondance en date du 10 mai 2017 adressée au médecin, le Medical Council dit rejeter la demande du Dr Vikram Nunkoo « on the ground that the said clinical residency course has a prescribed duration of 2 years although you completed the course in Obstetrics & Gynecology in 3 years ». Puis, dans une deuxième correspondance en date du 17 juillet 2017, le Medical Council met en avant un autre argument appuyé sur un cas jugé en Cour suprême. « I have to inform you that the case is presently subjudice before the Supreme Court, hence your request for a reconsideration of your application for registration as specialist cannot be acceded to ».

Rejetee

Le Dr Vikram Nunkoo indique qu’il a dû entreprendre une série de démarches et produire plusieurs documents officiels pour certifier d’une part de la durée et d’autre part de la validité de la formation. Pour ce qui est de la durée de la formation, le médecin produit une lettre de Volgograd State Medical University, ainsi qu’une lettre du ministère de l’éducation de la Russie.

Rejetee

« To enroll : Mr NUNKOO Vikram (…) to the clinical post-graduate Master course at the Department of Obstetrics and Gynecology in the specialty « Obstetrics and Gynecology » from 17.03.2014 to 16.03.2017 (…) ». Il présente également une lettre du ministère de la Santé russe. « (…) the period of your studies, with order No. 86-K dated 07 April 2014, was for 3 years. After this, the Department of Obstetrics and Gynaecology of the University developed the plan of your training (…).»

Accord Maurice-Russie

Pour la reconnaissance du certificat, le Dr Vikram Nunkoo fait suivre une lettre du Glavexpertcentre, présenté comme le « Main Government Expert Centre for Education Evaluation » en Russie. Elle stipule que le « Clinical Ordinatura course is equal to the Clinical Post-Graduate Master course. (…) Graduates are awarded qualifications of ISCED level 7 which specify specialization areas and empower the holders to exercise their professions independently and enter PhD study programs ». De même, un certificat de l’International Commission for the Recognition and Equivalence of Studies, Diplomas and Academic Degrees (Commission), sous l’autorité de l’International Coordination Council of Educational Institutions Alumni, stipule que le diplôme décerné au Dr Vikram Nunkoo « is a document of higher education at the level of Doctor of Medecine in Obstetrics and Gynecology (M.D) ».

Doc

De plus, dans une lettre en date du 27 juillet 2018, Maheswarsingh Khemloliva, ambassadeur de Maurice à Moscou, en Russie, soutient que le diplôme obtenu par le Dr Vikram Nunkoo est « in accordance with the Agreement on Cultural and Scientific Cooperation between the Governments of Mauritius and Russia signed on 16 September 1969 which governs exchanges and studies at tertiary level between Mauritius and Russia ». L’ambassadeur ajoute que « the Embassy supports the recognition of the Diploma delivered by University of Volgograd » et demande ainsi  au Medical Council « to give due consideration to the above with a view to enabling Dr Vikram Kumar Nunkoo to exercise as a specialist in Obstetrics and Gynecology ».  


« Nothing to worry about »

Dans un courriel en date de 2 août 2018, c’est cette fois-ci le Chief of Protocol de l’ambassade de Russie à Maurice, Alexey Pozdnyakov, qui indique qu’à la suite d’une rencontre avec l’administration du Medical Council, on lui a assuré que le dossier du Dr Vikram Nunkoo « is being examined and that there is nothing to worry about ». Le Chief of Protocole indique que le Medical Council a demandé de fournir le contact d’une personne autorisée à l’université de Volgograd afin d’en savoir plus sur les études entreprises par le Dr Vikram Nunkoo.

« We were asked to provide a contact person in the Volgograd University to ask him some question about your study process. We have already carried out this request », précise Alexey Pozdnyakov. Paralèllement, le Dr Vikram Nunkoo a intenté une action devant l’Equal Opportunities Commission (EOC). Lors des auditions tenues le mardi 18 décembre, le Dr Vikram Nunkoo indique que l’EOC a accordé trois mois au Medical Council pour résoudre ce contentieux. « Néanmoins, je reste sceptique, car cela fait plusieurs mois maintenant qu’on ne cesse de me demander d’attendre », déplore-t-il.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !