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Enquête sur Gérard Sanspeur : les dessous d’une « arrestation » avortée

Mercredi 14 septembre. Il est 7 h 45. Trois officiers du Central Criminal Investigation Department (CCID), en l’occurrence deux chefs inspecteurs et un inspecteur, pressent la sonnette de la résidence de Gérard Sanspeur, à Quatre-Bornes. Quand le Principal Advisor de Pravind Jugunauth se présente sur le seuil de sa maison, l’un des officiers l’informe qu’une enquête est en cours et qu’il doit l’emmener aux Casernes centrales.

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Gérard Sanspeur en informe aussitôt l’un de ses avocats, Me Manish Gobin. À cet instant, les enquêteurs se trouvent toujours devant le portail.8 heures. Radio Plus ouvre son journal avec cette nouvelle : des enquêteurs du CCID se trouvent à la résidence de Gérard Sanspeur. C’est là que le commissaire de police (CP) Mario Nobin et le patron du CCID, l’ACP Devenand Reekoye, apprennent que des enquêteurs sont partis convoquer Gérard Sanspeur pour l’emmener aux Casernes centrales.

Opération de « damage control »

15 minutes plus tard, le surintendant de police (SP) Mannaram du CCID, alors à son bureau, reçoit un appel et des instructions. Peu après 8 h 30, il remonte en voiture pour se rendre au domicile de Gérard Sanspeur. Il démarre en trombe pour une opération de damage control. 9 heures. Les trois officiers du CCID sont informés qu’ils doivent abandonner leur opération et plier bagages. Ne pouvant faire fi des ordres du SP Mannaram, ils rebroussent chemin.

Nous apprenons que ces trois officiers avaient sollicité, la veille, un ordre de perquisition (search warrant) les autorisant à fouiller la maison de Gérard Sanspeur. Ordre qu’ils n’ont pas reçu. Ils décident malgré tout de se rendre chez Gérard Sanspeur, mercredi matin, pour lui demander de les suivre aux Casernes centrales.

Une source policière explique que si la police a un reasonnable suspicion dans le cadre d’une enquête, elle peut arrêter une personne sans mandat. Mais cette source précise que pour pénétrer la propriété d’autrui, un mandat est requis. Effectivement, avant de se rendre chez Gérard Sanspeur, des procédures ont été enclenchées pour l’obtention d’un mandat, mais en vain.

Les enquêteurs du CCID auraient déjà bouclé une bonne partie de leur enquête, suivant la plainte logée par Roshi Bhadain contre Gérard Sanspeur, le 18 août, sur l’affaire Heritage City. Le ministre accuse Gérard Sanspeur d’avoir « préparé » des documents non officiels et d’être responsable de fuites d’informations dans la presse pour faire capoter le projet.

Des limiers, selon nos sources, avaient déjà envisagé d’inculper Gérard Sanspeur à titre provisoire. Une fois aux Casernes centrales, ils comptaient quérir un mandat dans l’après-midi pour perquisitionner sa maison pour « saisir des documents et des appareils informatiques ».

L’arrivée du SP Mannaram a fait avorter cette « éventuelle arrestation ». Qui a donné l’ordre aux officiers du CCID de se rendre chez Gérard Sanspeur ? Le CP a ordonné l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur l’opération de mercredi matin. Il a réclamé un rapport dans les plus brefs délais. « Si ces officiers n’ont pas respecté les procédures, des actions seront prises », explique un haut gradé.

L’équipe « Lion Cell »

Cette équipe est une cellule spéciale, une unité du CCID. Composée de cinq officiers, elle a été baptisée « Lion Cell » par leurs collègues du CCID. Créée l’an dernier, elle opère différemment des équipes normales sous la tutelle du CCID.

L’an passé, cette cellule spéciale a été transférée du quartier du CCID pour s’installer dans un bureau au bâtiment de l’IT Unit des Casernes centrales. L’objectif : travailler en toute discrétion sur des dossiers très confidentiels, notamment les enquêtes touchant à l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam sur les dossiers du coffre-fort, le bungalow de Roches-Noires, l’affaire Dufry-Frydu et le dossier des terres de l’État.

Récemment, cette cellule s’est saisie du dossier de Gérard Sanspeur. Si les officiers agissent en toute discrétion, tout se ferait dans la transparence et le respect des procédures. C’est un adjoint au commissaire de police qui signe tous les documents d’enquête. L’ACP Reekoye est le « reporting line » et rien n’est fait sans l’approbation de la hiérarchie.

 

L’enquête confiée à une autre équipe

L’enquête sur Gérard Sanspeur, ouverte après la déposition faite contre lui par Roshi Bhadain, a été confiée à une autre équipe du CCID. Interrogé par Radio Plus vendredi, l’inspecteur Shiva Coothen du Police Press Office explique que c’est une procédure normale. « Il est tout à fait normal que lorsqu’une équipe est submergée par d’autres dossiers considérés ‘high profile’, nous confions l’enquête à une autre équipe. »

 


Intervention d’un haut conseiller

La guerre entre le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance et le conseiller principal du ministre des Finances autour de Heritage City n’est pas finie. Elle implique désormais deux clans au sein de l’Alliance Lepep, car un haut conseiller à l’hôtel du gouvernement serait intervenu auprès des Casernes centrales, tôt mercredi matin, afin que le CCID n’arrête pas Gérard Sanspeur.

Gérard Sanspeur devait être confronté aux dépositions du secrétaire financier Dev Manraj et du directeur du cabinet conseil Lux Consult, Baboo Neermalsingh Gowreesunker, au sujet du projet Heritage City. Les deux hommes ont déjà été interrogés à propos de la plainte de Roshi Bhadain.
Ils ont soutenu que des documents « tronqués », voire « manipulés », ont été utilisés pour faire croire que le site choisi pour la nouvelle ville administrative pourrait se retrouver sous les eaux si le Bagatelle Dam, qui sera livré au gouvernement à la fin de l’année, cédait.

Le secrétaire financier a produit un courriel de Gérard Sanspeur qui estimait que le projet Heritage City tenait la route. Quant à Baboo Neermalsing Gozreesunker, il a indiqué que certaines des réponses données par Lux Consult à la State Land Development Company au sujet du projet Highlands Smart City ont été transposées dans le rapport sur Heritage City et que certains points ont été manipulés.

Message sur Facebook

Le patron de Lux Consult a fait ressortir qu’à aucun moment il n’a évoqué de risque d’inondation lié à Bagatelle Dam dans son rapport. Il dit qu’il n’a pas non plus donné son accord pour que ses rapports sur la Highlands Smart City soient rendus publics. Il indique qu’il a fait publier des communiqués dans la presse, le 8 septembre, pour mettre les points sur les i.

Dans l’entourage de Gérard Sanspeur, l’on indique que la commission anticorruption devrait avancer plus vite dans son enquête que le CCID quant à la plainte de Roshi Bhadain. Le Principal Advisor de Pravind Jugnauth a aussi posté un message en parabole sur sa page Facebook mardi soir. Il semble s’expliquer sur le mail transmis à Dev Manraj en citant un article du site d’information Quartz sur le philosophe français Blaise Pascal, qui affirmait qu’il faut persuader quelqu’un que son projet tient la route même si tel n’est pas le cas… 

Gérard Sanspeur, à travers un autre post tard mardi soir, indique également que son point principal contre le projet Heritage City porte sur la transparence autour des frais consentis à Stree Consulting. Et non sur les risques d’inondations.

 

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