Société

Emploi: vacances scolaires ces jeunes qui ne chôment pas !

« Cherche étudiants pour la période de novembre-décembre ». C’est une annonce que l’on trouve souvent ces derniers jours. Les étudiants sont en vacances et pour certains, cela rime avec un emploi pour se faire un peu d’argent de poche et de l’expérience. «Aujourd’hui c’est mon premier jour de travail », explique Tyron Utile, 16 ans, un habitant de Rose-Hill. Souriant et très fier d’avoir pu décrocher ce job, il explique que sa mère ne voulait pas qu’il travaille pendant les vacances. D’ailleurs elle n’était pas au courant qu’il cherchait du travail. Cependant, il a su trouver les mots pour la convaincre. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4072","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-6244","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"711","alt":"Emploi vacances scolaires"}}]]« C’est mon premier job. Il représente beaucoup pour moi. Cela a été dur de trouver du travail. J’ai frappé à la porte de plusieurs magasins avant de décrocher ce job. J’ai noté que les filles avaient la préférence des employeurs. » Cet élève du collège Patten confie que l’argent qu’il obtiendra lui permettra de contribuer à ses dépenses scolaires de l’année prochaine. Comme lui, ils sont nombreux à être en poste depuis le 1er novembre, d’autres font le tour pour essayer de dénicher le meilleur emploi ou celui qui leur semble le plus amusant.

Cadre légal

Dominique Chan Low, du Kollektif Drwa Zanfan Morisien (KDZM) estime qu’une des raisons pour laquelle les enfants souhaitent travailler pendant les vacances c’est pour se distraire. « Nous remarquons que les jeunes s’ennuient souvent à la maison pendant les vacances. Ils sont soient scotchés à la télé et aux jeux vidéo soit à la recherche d’activités récréatives. Malheureusement, il n’y a pas assez de loisirs à Maurice et comme, dans la plupart des cas, les deux parents travaillent, les enfants sont livrés à eux-mêmes et n’ont rien à faire. Alors, ils préfèrent se retrouver avec leurs amis qui travaillent. Il y a aussi ceux qui travaillent parce qu’ils vivent dans la misère, ils sont bien conscients que leurs parents n’ont pas les moyens de leur acheter ce qu’il leur faut pour l’école ou ce qu’ils veulent comme cadeau pour la Noël. » Dominique Chan Low ajoute que bien que la loi est claire sur l’âge legal du travail des jeunes, il y a une prolifération de mineurs de moins de 16 ans travaillent en novembre et en décembre. Pour lui, il est donc urgent de revoir la loi, afin de gérer ce phénomène. Effectivement de nombreux jeunes que nous avons questionnés ne sont pas au courant de cette loi. D’ailleurs, ils sont tout à fait prêts à prendre le risque, quitte à mentir sur leur âge pour obtenir un job, car pour eux ce travail est surtout synonyme de liberté et d’indépendance…
 

Ce que dit la loi...

Selon Amrita Goinden du ministère du Travail, toute personne qui fait travailler un enfant de moins de 16 ans commet une offense. «Dans l’Employment Rights Act de 2008, il est mentionné que personne ne peut être employé à partir de 16 ans. Entre 16 et 18 ans, il est considéré comme une ‘Young Person’ selon l’article 12. Les employeurs ont l’obligation de s’assurer que la nature du travail qui leur est proposé ne comporte pas de danger pour leur santé, leur sécurité. De plus l’emploi ne doit pas porter atteinte à leur développement physique, moral, mental ou social.» Elle précise que des visites-surprises sont effectuées par des inspecteurs du travail. «Une personne jugée coupable d’employer des jeunes de moins de 16 ans risque une amende de Rs 25 000 et une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans», indique-t-elle.

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Laëtitia H., 17 ans, hôtesse

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4070","attributes":{"class":"media-image wp-image-6242","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"601","alt":"Emploi vacances scolaires"}}]] Laëtitia H.

C’est dans les couloirs du centre commercial Bagatelle, que nous avons rencontré Laëtitia, élève à la SSS d’Ebène. Un panneau au cou, elle se promène dans ce centre commercial. Le sourire aux lèvres, elle fait la promo d’un supermarché. Elle accomplit cette tâche avec beaucoup de sérieux tout en restant amicale et souriante. Elle parle avec aisance. « Je fais partie, depuis trois ans, du groupe Pierre Poivre Entertainment, spécialisé dans les animations et les fêtes pour enfants. Pendant les vacances, je travaille principalement comme hôtesse. Cela me permet de gagner quelques sous, mais aussi beaucoup d’expérience. Sur le terrain, on rencontre des gens, mais aussi des obstacles qu’on apprend à surmonter comme des grands. » Laëtitia qui habite dans la région de Beau-Bassin affirme que ses parents l’encouragent à faire ce genre d’activités qui l’aide dans son apprentissage. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Rudy K., maçon à 14 ans

Il n’a certes pas choisi le métier le plus facile pour les vacances. À voir Rudy, on lui donnerait beaucoup plus que son âge. Il avoue avoir menti au patron pour que ce dernier le laisse travailler. C’est dans l’Ouest que cet adolescent travaille. Il aide sa mère qui fait le même métier. « Dans le village où j’habite, beaucoup de femmes travaillent comme maçon. Elles ont arrêté leur travail à l’usine, parce que cela leur permet de gagner presque trois fois plus comme salaire. Cela fait deux ans que j’accompagne ma mère quand je ne vais pas à l’école et sur place, il m’est difficile de m’asseoir sans rien faire. De temps en temps, je l’aidais en remplissant les seaux d’eau, en apportant du ciment ou du sable. Petit à petit en regardant faire ma mère et les autres, j’ai appris le métier. Auparavant elle, partageait les sous qu’elle obtenait par semaine avec moi. Aujourd’hui, nous avons doublé nos gains, car je gagne la même somme qu’elle, soit Rs 400 à  Rs 450 par jour. » Rudy dit qu’il sait qu’il n’a pas le droit de travailler à son âge. « Je sais que c’est dangereux, mais ma mère prend soin de moi. Je sais que cela lui donne du courage de me savoir près d’elle. L’air rêveur, il avance qu’il souhaite devenir médecin « pour m’assurer que maman soit toujours en bonne santé », lance-t-il. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Farhan, marchand ambulant à 10 ans

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4071","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-6243","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1920","height":"1080","alt":"Emploi vacances scolaires"}}]] « Aste zot bizou, aste zot bizou. » Dans les arcades de Rose-Hill, tout près de la gare routière, on entend de loin une voix jeune, mais puissante qui ne semble pas épuisée. En s’approchant, on se retrouve nez à nez avec le petit Farhan, debout à côté d’une table sur laquelle sont exposés des bijoux plaqués or. Nous demandons la permission à sa mère, avant de lui parler. Farhan qui fréquente la Doha Academy est un grand bavard. Sans gêne, il nous raconte ses journées avec sa mère : « Je viens très souvent avec elle les samedis et les dimanches. Pendant les vacances scolaires, je viens plus souvent. J’aime bien être là », dit-il. Il connait bien le métier. Ses capacités de persuasion font de lui un bon vendeur. De plus, il n’hésite pas à faire un brin de causette avec les clients et à leur conseiller sur les choix de bijoux. « Ma mère m’a enseigné les bonnes manières, comment servir un client et comment bien converser. Je suis très à l’aise. » Sa mère qui est non loin de lui précise que Farhan ne travaille pas officiellement. « Il m’accompagne sur mon lieu de travail. Je suis plus tranquille de le savoir à mes côtés que seul à la maison. » [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Yeshna, 17 ans, ex-employée d’un centre d’appel

Premier job, première déception. Yeshna a appris à ses dépens que tout ce qui brille n’est pas or. Attirée par l’offre alléchante d’un centre d’appel, Yeshna, qui est en Lower VI, s’est lancée dans l’aventure. « L’annonce faisait mention d’un salaire mensuel pouvant atteindre les Rs 30 000, malheureusement je n’ai pas tenu plus de 15 jours et je ne pourrai confirmer si c’est vrai. Par contre, je peux vous dire que c’est un univers pitoyable, où tout n’est que façade. Bâtiment flambant neuf, équipements sophistiqués, etc., mais on est obligé d’accomplir des tâches ingrates. Quand je suis arrivée, on m’a dit que je devais réceptionner des appels, mais après quelques jours c’est passé au téléphone rose. Je faisais quelques heures de réception d’appels et puis je devais m’entraîner à allumer les gars du bureau par téléphone. C’était dégoûtant. Ils se permettaient de me dire des insanités, de me demander quel type de sous-vêtements je portais. Quand je suis allée voir le responsable pour m’en plaindre, il m’a dit que je devais cesser de me comporter comme une gamine et que si je voulais rester ici je devais me montrer plus entreprenante. Il m’a même dit de porter des vêtements plus sexy pour que je me sente mieux dans ce rôle. Et même quand je n’étais pas en poste, quelques employés se permettaient de me faire des avances et d’autres propositions indécentes. J’en ai parlé à mes parents qui m’ont tout de suite demandé de quitter ce travail. »
 

Jane Ragoo, syndicaliste: « Une exploitation à outrance »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2736","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-3654","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"334","alt":"Jane Ragoo"}}]]« Tous les ans, à cette période, de nombreux jeunes travaillent. Pour beaucoup, c’est parce que le salaire de leurs parents est très bas. En travaillant, ils parviennent à alléger le fardeau de ceux-ci qui n’ont pas à leur offrir de cadeau en fin d’année. Cependant, souvent cela se fait dans des conditions déplorables, puisque ce n’est pas règlementé. Dans les magasins et les supermarchés, ils sont exposés aux abus. Ils travaillent pendant de longues heures, pour des salaires de misère », explique la syndicaliste Jane Ragoo. Elle estime que c’est un problème délicat, car il est difficile de faire comprendre à ces jeunes qu’ils sont victimes d’abus. Ils ne pensent qu’à gagner de l’argent et à aider leurs proches. « C’est une aubaine pour les patrons et le gouvernement devrait revoir cette situation, car c’est aussi une exploitation à outrance qui se passe durant cette période des vacances… »
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