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Education : quelle réforme ?

Il y a quelques semaines, la ministre de l'éducation annonçait les grandes lignes de la réforme du système d'éducation dans le primaire. Pourquoi y aurait-il de faibles chances que ces nouvelles mesures ne viennent vraiment changer “l'éducation » de nos enfants ?

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Je suis d'avis que le système d'éducation à l'île Maurice est un obstacle au développement de l'individu, à son épanouissement et à sa socialisation. De ce fait, une réforme était plus qu'attendue. Car ici, on apprend plutôt dans le but d’obtenir un diplôme que pour développer un esprit critique, créatif, et innovateur essentiel au progrès d'une société. Malgré la réforme, il y a de fortes chances que notre système scolaire continuera à favoriser l'apprentissage intellectuel. Ce sera une réforme dans la structure mais pas dans le contenu et les méthodes.

Depuis des années, plusieurs personnes dont des pédagogues se sont élevés en vain contre un système scolaire largement dépassé et archaïque qui n'aurait pas réellement changé depuis des décennies et étant profusément focalisé sur un apprentissage qui obstrue à la créativité et au développement. Ainsi, pendant des décennies le système scolaire est resté discriminatoire sans aucune politique publique innovante cherchant à améliorer les performances et le taux de réussite en fin de cycle primaire. Conséquence : une stagnation du taux de réussite et l'exclusion de milliers d'enfants à une éducation supérieure depuis des décennies. La réforme était tant attendue mais la ministre nous laisse tout de même dubitatifs par rapport à la fin de cycle du nouveau système notamment en secondaire. Ne serait-ce pas une transformation du CPE à un niveau supérieur ?

L'existence d'un système parallèle

Cette réforme aurait pour but, entre autres, de débarrasser la pression exercée sur les enfants dans le cadre de passage du cycle primaire au secondaire à travers les fameux examens de CPE. La ministre aurait malencontreusement ou délibérément omis le fait que la pression trouvait également sa source dans l'existence d'un système d'éducation parallèle à Maurice : les leçons particulières. Attardons-nous sur ce système parallèle. A défaut d’études concrètes sur les impacts du temps énorme passé en classe, cours particuliers inclus, sur les enfants mauriciens (sans compter les devoirs à la maison que tant de pays interdit dans le monde), nous ne pouvons affirmer dans quelles mesures ces derniers sont affectés.

Par contre, c’est évident que passer plus de 8 heures plusieurs jours en semaine (sans compter les cours du weekend) en classe est épuisant et stressant pour un enfant. Ce dernier voit réduit voire néant le temps qu’il aurait dû engager dans d’autres activités physiques et sociales d'autant plus que le temps passé en classe ne justifierait en aucun cas sa réussite scolaire. Plus grave, leur désintérêt pourrait résulter de la fatigue associée à ce rythme. L'abolition de la CPE aurait dû être accompagnée de l'interdiction ou à la rigueur une régularisation des leçons particulières.

Avec la réforme, je doute donc l’aggravation de ce système parallèle car des cours particuliers (aujourd'hui partie prenante - mais non régularisée - dans notre système scolaire) seront désormais considérés plus que nécessaires entre 10 et 13 ans. Ceux du grade 5 et grade 6 vont-ils s’arrêter pour autant ? Il est fort improbable que les professeurs des grades 5 et 6 admettent que les cours particuliers ne soient plus considérés comme 'indispensables' et renoncent ainsi aux revenus qu'ils en perçoivent.

Manquements dans le cursus scolaire

Cette réforme ne révolutionne non plus le curriculum du primaire et du début de cycle secondaire. Ainsi, des manquements perdureront encore dans l'éducation des enfants Mauriciens.

Certaines matières peuvent en effet aider à l'éveil et à l'intérêt d'un enfant, voire développer un don chez ce dernier. Par exemple, les matières artistiques (dessin, musique, ou encore théâtre) ou encore les activités physiques tel que la gymnastique ne sont pas prises au sérieux dans les écoles. Pire, elles sont quasi-néants dans le cursus scolaire. 

Valeurs

Un autre sujet essentiel à mes yeux demeure les valeurs. D'année en année, le cursus scolaire qu'il soit en primaire ou secondaire fait preuve d'un manque cruel d'enseignement des valeurs. Nos ainés ne le diront jamais assez : il y a une dégradation dans les valeurs inculquées aux jeunes. Mythe ou réalité ?

Quoiqu’il en soit, le manque de valeurs inculquées dans le milieu scolaire équivaudrait à un manque de fondamentaux essentiels à un individu respectueux et responsable dans la société d’autant plus avec l’évolution de la société, les valeurs sont de moins en moins transmises en milieu familial. Une réforme aurait été pourtant l'occasion de revoir le contenu du cursus afin d'y inclure tant de manquements qui sont des obstacles à la construction d'individus responsables.

Méthodes

Qu'en est-il des méthodes d'enseignement qui demeurent centrées sur les théories et les livres ? L'absence de matières (pratiques) permettant à un enfant de débloquer sa curiosité et sa créativité fait que ce dernier n’est pas prêt dans le milieu social à des prises de risques, la collaboration ou encore des échanges. Au contraire, il subsiste dans un esprit continuellement compétitif dans tous les sphères de la vie ce qui devient par la suite un obstacle à l’innovation et à un regard critique.

Technologie

Enfin, les nouvelles technologies quoiqu’elles ne soient pas innovantes en elles-mêmes sont peu utilisées dans le milieu scolaire alors que l'île se vante depuis plus d'une décennie d'être dans l'objectif d'une 'Cyber-île'. La distribution massive de tablettes fut un fiasco quelques années de cela dû à l'ingérence politique et le non professionnalisme dans la politique publique. L'utilisation de nouvelles technologies dans les écoles n'a pas été à l'ordre du jour si ce n'est encore la distribution de tablettes sans que les retombés et bénéfices n'aient été évalués depuis que cette mesure a fait surface.

Il est déjà un bon début d'abolir la CPE (et que cela ne dure !) mais la ministre devrait également revoir le système dans son contenu et non seulement dans sa forme et également interdire ou du moins régulariser le système d'éducation parallèle qui tuera forcément toute nouvelle initiative de réforme.

Cette tâche reste phénoménale et le succès du Nine-Year Schooling relèvera également d'une volonté continue dans la politique publique concernant l'administration de la réforme à travers l'apprentissage selon des méthodes plus modernes, la formation des enseignants, et de nouvelles matières pouvant soutenir une société plus responsable et novatrice. Le moment ne peut qu'être mieux choisi pour jeter les bonnes bases d’une île Maurice meilleure à condition que les éléments nécessaires soient inclus dans la réforme.

 

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