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Éducation - Modern College : une star grâce à ses lauréats

Le Modern College est longtemps resté dans l’ombre à cause d’un double stigmate : sa situation géographique et la perception d’être un « petit collège ».

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Mais depuis qu’il a « produit » cinq lauréats, ça se bouscule au portillon. Mieux : d’ici 2018, il sera doté d’un bloc éducatif et administratif au coût de quelque Rs 70 millions. Cette transition qui positionne le collège comme le meilleur dans l’Est de Maurice n’est pas sans défis.

« Nous n’avons jamais voulu que nos élèves deviennent des lauréats, mais plutôt des adultes capables de relever les défis quotidiens et d’affronter les mutations de Maurice. »

Pour relever les défis du Modern College, le recteur, Yogesh Sanmukhiya, applique ses propres recettes en s’appuyant sur la vision de son père et le corps enseignant. L’année prochaine, à la même période, l’uniforme bleu à double ton des filles et des garçons du Modern College connaîtra sans aucun doute une nouvelle valorisation, avec la sortie sous terre d’un immeuble flambant neuf.

Le terme méprisant de « petit collège » sera ainsi définitivement enterré. Mais quel cheminement, depuis ces quelques classes en toiture de tôle datant de la création du collège jusqu’à cette nouvelle infrastructure couronnée par les cinq lauréats, une performance qui a défrayé la chronique, ébranlant sérieusement l’image des Star Colleges « faiseurs » de lauréats… Pourtant, Yogesh Sanmukhiya n’en tire pas un sentiment d’orgueil démesuré.

« Nous n’avons jamais voulu que nos élèves deviennent des lauréats, mais plutôt des adultes capables de relever les défis quotidiens et d’affronter les mutations de Maurice », explique ce docteur en mathématiques, formé à Londres. Sa sœur Rekha, elle, s’est spécialisée en pédagogie et en économie.

Enjeux de l’éducation

La famille Sanmukhiya, qui dirige le collège, au complet.

Les deux connaissent les enjeux de l’éducation dans un monde en mutation et dominé par les développements en technologie de télécommunications. « Nous aborderons ces transitions avec nos mêmes principes : la recherche de l’effort et le respect des valeurs, dans un environnement de proximité entre parents et enseignements », explique-t-il.

Ces principes ne sont pas tombés du ciel ni n’ont été appris dans des livres : ils s’enracinent dans une région caractérisée par le dur labeur aux champs, le réveil au petit matin, les dépenses veillées au grain et le goût de l’effort, des valeurs souvent chères au milieu rural.

En 1969, lorsque le père Meghnath, titulaire d’une licence en mathématiques, investit ses économies dans le collège, il a en tête le long trajet qu’effectuent des jeunes de Flacq pour se rendre à des collèges de « lavil ». « Mon père voulait que le collège soit pour les enfants de la région. C’était du temps où beaucoup d’enfants du milieu rural aidaient leurs parents dans les champs le matin avant d’aller au collège », raconte Yogesh Sanmukhiya.

Ce sont une dizaine de classes, dont six en toiture de tôle, qui accueillent quelque 330 élèves, sous la supervision de douze enseignants. Le nouvel établissement secondaire vient s’ajouter à trois autres à Centre-de-Flacq : Eastern, Darwin et Byron, qui a fermé ses portes.

Au facteur de proximité, Meghnath Sanmukhiya ajoute la qualité des cours et les « mixed abilities » qu’il entend promouvoir dans son collège. En 1971, le collège obtient le statut « B » lui permettant d’ouvrir des classes de School Certificate (SC). Pour donner l’exemple, Meghnath Sanmukhiya inscrit le jeune Yogesh dans son collège au lieu d’un Star College auquel ce dernier aurait pu pourtant prétendre. Plus tard, Yogesh Sanmukhiya se verra contraint de s’inscrire au collège Royal de Port-Louis pour les cours de Higher School Certificate (HSC), qui manquaient encore au Modern College.

« Extension classes »

En 1976, le nombre d’élèves passe à 800. En 1977, avec l’introduction de l’éducation gratuite, le collège accueillera 1 300 élèves. En 1989, son statut passe à « A », grâce aux classes de HSC et dans la foulée, la direction réduira le nombre de ses élèves à quelque 1 150 lorsque les cours s’enrichiront des classes de Home Economics, d’Arts, de Fashion Design et d’un laboratoire.

« À l’époque, le gouvernement posait déjà des quotas pour l’embauche des enseignants dans les collèges privés. Il a fallu que l’ex-ministre de l’Éducation, Armoogum Parsuramen, intervienne pour régler la situation », explique Yogesh Sanmukhiya.

À chaque étape du développement du collège, poursuit-il, des investissements ont été réalisés grâce aux économies de la famille, à des prêts et à des recettes provenant de la vente des manuels scolaires de comptabilité dont le père était l’auteur. « À la création même du collège, mon père a choisi d’investir dans l’établissement et les équipements plutôt que dans notre maison », confie-t-il.

En 1972, dit-il, il introduit le concept des extension classes en milieu rural, faisant de lui un des pionniers dans ce domaine. « À l’époque, les cours commençaient à 8 heures. Il avait noté que certains élèves avaient des difficultés d’apprentissage dans certaines matières. C’est là qu’il a créé ces cours qui se sont poursuivis jusqu’en 2011, année durant laquelle les classes ont débuté à 8 heures. Grâce aux feed-back des enseignants à toutes les étapes des classes, on savait quels élèves éprouvaient des difficultés dans des sujets précis », raconte Yogesh Sanmukhiya. 

Passage à l’ère numérique

Ce dernier ressent-il les défis posés par le passage à l’ère numérique ? Sera-t-il celui qui devra incarner et dynamiser ces transitions ? « Pas le seul », nuance-t-il avant de préciser : « Nous avons toujours relevé les défis et passé toutes les étapes de notre croissance comme une famille. C’est le facteur qui a créé la confiance et la motivation au collège. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. Chaque compétence constitue un enrichissement. C’est notre mode de fonctionnement. »

L’année prochaine, avec la mise en opération du nouvel édifice, le collège compte organiser des débats sur l’actualité dans un grand espace, avec écran géant. « Nous le faisons déjà, mais dans les classes et sans écran. Nous préférons participer les débats en interne à ceux organisés à l’extérieur. Un trophée ne satisfait qu’un ou deux élèves, mais en interne, ce sont tous les élèves qui gagnent », fait observer Yogesh Sanmukhiya, toujours rivé au concept fondateur de l’établissement : l’effort servi par la proximité.

« Mais nous sommes toujours rattrapés par une injustice flagrante qui frappe les collèges privés comme le nôtre, quand l’État ne verse que Rs 10 par tête d’élève alors qu’il donne Rs 40 à ses collèges. Quand on analyse les résultats des examens du SC et du HSC, on note que seulement 20 % des élèves des collèges d’État ont réussi, alors que ces collèges ont la crème de notre jeunesse ».


« Nous avons toujours relevé les défis et passé toutes les étapes de notre croissance comme une famille. C’est le facteur qui a créé la confiance et la motivation au collège. Chacun apporte sa pierre à l’édifice… »

Tournant historique

En arrière-plan, le nouveau bâtiment du collège qui sera prêt fin 2018.

Lorsqu’on évoque le tournant historique qui verra le collège inscrire deux de ses élèves sur la liste des lauréats, Yogesh Sanmukhiya fait valoir que le déclic est venu en 2005 lorsque lui-même et sa sœur ont mis en pratique un concept pédagogique qu’ils ont appris durant leurs études à Londres.

« Nous avons tordu le cou à certains concepts pris pour acquis, en l’occurrence l’idée selon laquelle les belles infrastructures et la compétition étaient des conditions nécessaires à la réussite d’un élève. Ce sont toujours des facteurs qui sont mis en avant lorsqu’on parle de Star Colleges. Or, lorsqu’on examine les résultats du HSC, on note que ces collèges ne sont pas parmi les ‘classés’.

Pourtant, aux admissions, ils n’ont pris que ceux considérés comme étant les meilleurs à Maurice. L’examen en détail des résultats du HSC donne une bonne indication du niveau des élèves à Maurice. Pour nous, l’élève doit être en compétition avec lui-même. Il doit puiser en lui pour surmonter ses faiblesses et réussir, avec le soutien des enseignants », conclut Yogesh Sanmukhiya.

Le recteur, à propos de l’e-learning : « Les machines sont privées d’âme et de sentiments »

Au Modern College, si l’élève doit rester au centre de toutes les attentions, ce sont quand même les enseignants qui demeurent le poumon de l’établissement. « Nous devons être attentifs dans nos choix durant le recrutement. Certes, les diplômes comptent, mais il faut que les enseignements s’adaptent à la culture du collège. On leur demande d’être honnêtes envers eux-mêmes et d’être proactifs », explique-t-il.

La culture du collège est constituée de son identité, qui puise dans son passé. « L’établissement a toujours pratiqué une politique de portes ouvertes pour permettre aux parents des élèves de se sentir parties prenantes dans nos activités, fussent-elles extrascolaires ou académiques », fait ressortir Yogesh Sanmukhiya.

Attentif aux méthodes modernes d’enseignement, dont l’e-learning, il se montre prudent à l’idée de remplacer le corps professoral par les machines « privées d’âme et de sentiments ».

Selon Yogesh Sanmukhiya, certaines matières peuvent se passer de la présence physique de l’enseignant. « Mais les ordinateurs ne pourront pas tout remplacer. Il faut l’accompagnement physique sur les lieux de l’apprentissage pour accompagner et évaluer les étudiants. Maurice étant un petit pays, nos rapports sont fondés sur la proximité. Ils permettent d’établir la confiance. »

 

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