Interview

Dr Ramesh Caussy: «Je ne sens pas le soutien que j’attendais de mon pays»

Dr Ramesh Caussy
À Maurice, la semaine dernière, pour les Assises de la science, de la technologie et de l’innovation, le Dr Ramesh Caussy, père du robot Diya One, déplore le manque d’intérêt des autorités face à ses compétences. L’économie numérique et la robotique au service de la lutte contre les effets du changement climatique. Comment expliquer ce concept à l’homme de la rue ? On vit à une époque où les effets du changement climatique, notamment le réchauffement de la planète, les émissions de gaz à effet de serre, la pollution par le carbone et le gaspillage énergétique, causent de graves problèmes à la planète. On se rend compte maintenant qu’il y a des effets très sérieux, dont la pollution de l’air dans les environnements extérieurs et intérieurs. Les indices de pollution à l’extérieur dans certains pays sont dans les normes acceptables. Mais quand vous regardez ce qui se passe dans les bâtiments et foyers, vous vous rendez compte que le taux de pollution est très élevé. Il y aussi les effets dus au gaspillage énergétique. C’est un réel problème. L’énergie est un bien très précieux. On se rend compte maintenant qu’il faut absolument éviter le gaspillage dans les bâtiments. Je viens expliquer comment la technologie peut rendre service à la planète. Justement comment ? Prenons les bâtiments. Il y a des systèmes de central d’air et de climatisation qui tournent à l’aveugle. Avec le réchauffement, ils seront amenés à tourner de plus en plus. Donc, il faut des technologies qui puissent aider à diminuer certains effets du réchauffement climatique. Et c’est dans ce sens-là que j’ai parlé d’économie numérique. C’est l’avènement de nouvelles technologies de l’information connectées en réseau. C’est aussi l’apparition de technologies de plus en plus performantes dans différents domaines, que ce soit la biotechnologie, la technologie de génome ou de l’intelligence artificielle. Peut-être un exemple concret ? Mon robot Diya One. C’est le premier robot neuro-inspiré, doté d’intelligence artificielle, qui est capable de détecter les pollutions, d’épurer et de purifier l’air. Il est aussi capable de vous aider, grâce à ses connexions sur les ‘smart plugs’ et les compteurs à mieux gérer votre énergie, à comprendre où se situent les dépenses et à baisser vos factures énergétiques. On est, d’une part, dans l’amélioration de la qualité de l’air, de la santé et du bien-être des gens et, d’autre part, dans le combat contre les effets du réchauffement climatique. Comment fonctionne-t-il ? Il navigue tout seul. Il est équipé de différentes technologies qui ont été validées par le Centre technique et scientifique du bâtiment en France, qui est une organisation extrêmement écoutée et honorable. Elle estime que les performances de Diya One en matière de détection et de purification de l’air intérieur sont tout  à fait remarquables. Cela vous a pris longtemps pour donner naissance à Diya One ? Cela prend du temps pour faire émerger une première mondiale comme Diya One. Ce n’est pas que du logiciel. C’est aussi beaucoup de hardware. Ce que moi j’appelle une nouvelle espèce écologique. Donc, il m’a fallu beaucoup de temps pour développer et avoir un produit qui soit industrialisable. Maintenant, grâce à nos partenaires, dont COFIDIS et ENGIE, Diya One va pouvoir se développer et rayonner de plus en plus. Est-ce que Diya One est en vente sur les marchés ? Oui, depuis 2015, partout en France. Maintenant on souhaite, grâce au groupe ENGIE (anciennement Gaz de France), qui est présent dans plus de 70 pays dans le monde et qui représente un chiffre d’affaires de plus 10 milliards d’euros, pouvoir en vendre sur le marché international. C’est exceptionnel de pouvoir créer un nouveau produit, d’en vendre et d’avoir un gros partenaire qui souhaite vous aider à le diffuser dans le monde entier. Quid des réactions ? Quand vous créez une nouvelle technologie, il y a un temps de découverte pour ce produit. Il y a une courbe qu’on appelle la courbe de diffusion technologique. On est actuellement dans cette courbe. On a maintenant les ’early adopters’. Le challenge pour nous maintenant est de pénétrer le mainstream. Et cela se construit progressivement. Et Maurice dans tout ça ? En tant que Franco-mauricien, j’ai une affection particulière pour Maurice. Je suis en discussions avec plusieurs partenaires probables et des institutions pour voir comment Diya One pourrait arriver à Maurice. Mais je ne veux pas m’arrêter à Diya One. Je veux amener les Mauriciens à s’intéresser à la robotique, à l’intelligence artificielle et pousser les jeunes à s’intéresser à cette forme d’intelligence et de technologie de pointe. Diya One a été quand même inventé par un Mauricien… Il vient d’être retenu par l’INPI et par ENGIE pour représenter les technologies françaises lors du COP21 en décembre cette année. Si le monde entier en reconnaît la validité, je ne vois pas pourquoi Maurice ne pourrait pas en tirer des profits. Vous avez proposé votre savoir au gouvernement ? J’ai eu l’occasion d’approcher différents gouvernements. Je discute aussi avec des partenaires privés. J’essaie de trouver les arguments pour convaincre les Mauriciens que les technologies de l’information, l’économie numérique, la robotique ne sont pas des options, c’est une nécessité. Je rêve de pouvoir apporter ma pierre à l’édifice mauricien. Ce qu’il faut, ici, c’est une articulation entre la recherche, l’enseignement, l’industrie et l’innovation. Je peux et je veux aider Maurice dans ces directions-là. Ce serait formidable de pouvoir le faire. Nul n’est prophète dans son pays... Vous l’avez dit. Nul n’est prophète dans son pays. Malheureusement, cet adage se révèle vrai dans mon cas. Je ne sens pas le soutien que j’attendais de mon pays. Cela ne veut pas dire que je baisse les bras. Je comprends qu’il faut un temps d’adaptation, que certains sentent le besoin de s’approprier le sujet. Mais nous sommes à un tournant économique et Maurice ne doit pas rater le coche.
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