Chercheur indépendant dans le domaine des langues, des cultures et des identités, le Dr Jimmy Harmon est actuellement directeur adjoint/responsable du secondaire au Service diocésain de l’éducation catholique. Cet ancien directeur du centre Nelson-Mandela évoque le mauricianisme, dans le cadre des 50 ans de l’indépendance.
Publicité
Il est beaucoup question d’une identité mauricienne, de l’interculturalité à l’aube des 50 ans de l’indépendance… Mais c’est un slogan qui n’a pas de sens quand on n’a pas pu garder actif le centre culturel mauricien.
Le centre culturel mauricien, tombant sous l’égide du ministère des Arts et de la Culture, a été créé en 2001 et a rapidement connu une mort lente, tombant dans l’oubli. Le comble est que chaque année il y a même une dotation budgétaire qui lui est consacrée. Son personnel a été muté dans d’autres départements ou ministères. Mais de là à dire qu’il n’existe pas d’identité mauricienne ou d’interculturalité, je ne le crois pas. Tout Mauricien aspire profondément à l’unité dans la diversité.
Partagez-vous l’avis de l’historien Jocelyn Chan Low qui pointe du doigt les politiques, qui évoquent souvent le concept de la nation, mais qui ne se donnent pas les moyens de la créer, sans oublier leurs discours et leurs actions qui divisent souvent ?
Pas tout à fait. Dans la foulée de la décolonisation, on a pris modèle sur l’État Nation, un et indivisible, des pays européens tels que la France et l’Angleterre. Avec ce qui se passe actuellement en France, les politiques sont obligés de remettre en question ce concept centralisateur, car il fait fi de la diversité et du respect des identités particulières.
Ainsi, les gens ne fonctionnent pas dans la vie de tous les jours comme des citoyens aseptisés de leur langue, culture et religion. Nos politiciens, en dépit de tout, ont pu maintenir avec un certain succès l’équilibre dans notre société, gérant ce qui relève du privé dans le public.
L’élément centralisateur n’est pas toujours présent dans notre société… Ce qui conduit Amédée Darga, qui réalise des sondages régulièrement, à estimer : « Cinquante ans après l’indépendance, nous avons encore un problème dans le vécu de la diversité à tous les niveaux de la société ». Êtes-vous plus positif ?
Oui, je suis plus positif. La politique culturelle de Maurice est basée dans les faits sur le respect de ce qu’on appelle maintenant les « polyethnic rights » (les droits des différents groupes). Le dernier exemple en date a été l’explosion de l’affirmation identitaire créole, connaissant son apogée avec le combat pour Le Morne et la langue créole comme réparation culturelle par l’État contre les séquelles de l’esclavage. La difficulté majeure réside dans la façon de gérer la diversité de ces « rights » dans un État souverain.
Pour faire éclore une identité mauricienne plus forte, que devrait-on inculquer à la jeune génération ?
D’abord le sens d’appartenance au pays à travers l’histoire, la mémoire et le respect de l’identité de tout un chacun. Avez-vous remarqué la différence entre les Mauriciens et les Rodriguais ? Un exemple, vous êtes dans la rue à 5 heures du matin à faire du jogging, vous rencontrez le premier être humain et il n’y a pas de « bonzour ». C’est l’attitude du Mauricien type. Alors qu’à Rodrigues le « bonzour » est présent à toute heure de la journée et à tous les niveaux sociaux. Est-ce lié à notre histoire ou à la mentalité « bef dan disab sakenn get so lizie » ?
Triste réalité, très peu de personnes se disent Mauriciennes uniquement ou avant tout. Elles s’identifient souvent à un groupe ethnique particulier. Comment gérer cette identité multiple du Mauricien ?
D’accord. Mais il ne faut pas culpabiliser et être moraliste. On entend aussi souvent le reproche que les Mauriciens se disent mauriciens seulement à l’étranger. Mais toute personne se trouvant dans un milieu non familier développe des mécanismes automatiques d’autodéfense en se regroupant.
Le cas du Mauricien dans son pays c’est qu’il s’identifie à son groupe parce que c’est celui-ci qui l’a porté dans l’évolution du pays de par l’histoire coloniale. Mais il est aussi vrai que le Mauricien s’identifie aussi à son pays de façon exemplaire. Écoutez l’élan de solidarité sur les radios, l’entraide entre les amis de différentes communautés, hors du domaine public, les amours interdites et transgressées. J’ai espoir dans mon pays.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !