Interview

Dr Faisal Abbasakoor : «L’information et la compassion pour lutter contre le cancer»

Il faut développer une culture de compassion à Maurice et encourager les donations pour développer le niveau de compétences pour lutter contre le cancer. C’est ce qu’explique le Dr Faisal Abbasakoor, consultant général et chirurgien colorectal chez Fortis Clinique Darné.

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Une campagne triennale contre le cancer, sur le thème « Nous pouvons, je peux », a été lancée au niveau mondial en 2016. Quels en sont les grands axes ?
Le cancer étant l’une des causes les plus courantes de décès à travers le monde, l’engagement de tout un chacun devient de plus en plus nécessaire pour contribuer à le combattre. Cette campagne veut donc que la lutte contre le cancer devienne un challenge au quotidien, que nous soyons directement ou indirectement impliqués.

Comment cette campagne est-elle appliquée à Maurice ? Quelles sont les initiatives mises en avant pour la soutenir ?
Force est de constater que ce sont les campagnes de prévention contre le cancer du sein qui prennent principalement le dessus, avec la participation des organisations non gouvernementales (ONG) et des firmes privées. On peut, cependant, déplorer un manque de campagnes d’information et de prévention pour les autres types de cancers.

Maurice est connu pour être réactif et non proactif. Il nous faut développer cette culture de compassion. Ce travail doit être fait à tous les niveaux, mais plus particulièrement dans le domaine des services publics essentiels. Nous devons adopter cette attitude de bienfaisance et de sollicitude. Et cette campagne peut constituer un point de départ !

«Maurice échoue parfois quand il faut détecter un cancer qui est difficile à repérer à travers un scanner conventionnel»

Comment expliquez-vous ce manque d’intérêt pour les autres types de cancers ?
Le mot cancer est encore tabou à Maurice. C’est la particularité de Maurice. Nous devons oser faire les choses de manière différente et nous démarquer. Le tout devrait être accompagné d’une meilleure attention envers ceux atteints du cancer : de meilleurs soins, de meilleurs échanges avec les médecins. À Maurice, nous tentons de mener une lutte contre un phénomène qui effraie et qui est tabou.

Les types de cancer les plus fréquents varient d’une région à l’autre du globe. Quel constat faites-vous pour Maurice ?
Nous recensons annuel-lement entre 1 200 et 1 500 cas de cancers à Maurice, toutes catégories confondues. Malheureusement, cette tendance est à la hausse avec le cancer colorectal, du col de l’utérus, de la prostate, du poumon et du sein, parmi les plus fréquents. 

Depuis des siècles maintenant, l’épidémiologie a été un aspect fascinant pour les médecins et les chercheurs. La seule raison plausible à cette variation des types de cancer selon les régions demeure l’environnement. Par exemple, la restauration rapide, les produits alimentaires transformés et les légumes exposés aux fertilisants jouent des rôles déterminants, de même que la sédentarité, l’obésité et la consommation d’alcool.

Nous pouvons avancer que 50 % de ceux atteints du cancer peuvent être guéris. Ce taux est bien plus élevé en comparaison à la perception générale

Quelle est la proportion de malades qui guérissent du cancer ?
Les données disponibles ne peuvent pas être considérées comme des chiffres absolus. Cependant, nous pouvons avancer que 50 % de ceux atteints du cancer peuvent être guéris. Ce taux est bien plus élevé en comparaison à la perception générale. L’impression qui se dégage est que 90 % à 95 % de ceux atteints du cancer meurent.

Mais si vous étudiez ces chiffres en profondeur, vous constaterez que le cancer du sein, par exemple, affiche un taux entre 75 % à 90 % de guérisons. Mais pour le cancer du pancréas, une personne sur cent uniquement survivra jusqu’au cap des dix ans. Certains types de cancer ont des effets dévastateurs, mais il ne faut pas généraliser.

Même si des projets intéressants ont été mis en place à Maurice, grâce aux donations, nous devons renforcer cette culture philan-thropique

Maurice dispose-t-il d’atouts suffisants en termes d’installations et de technologies de pointe pour le traitement du cancer ?
En toute objectivité, je dirai que nous sommes généralement d’un bon niveau. Nous avons une longueur d’avance sur nos voisins de l’océan Indien et même ceux du continent africain. Mais nous devons reconnaître que nous n’avons pas encore atteint le niveau que l’on trouve en Amérique, par exemple.

À Maurice, si un cancer est diagnostiqué suffisamment tôt, vous recevrez des soins aussi efficaces qu’en Amérique, par exemple. La raison est que vous serez guéri avec une simple intervention chirurgicale ou une chimiothérapie curative.

En raison de notre accès limité à la technologie de pointe, Maurice échoue parfois quand il faut détecter un cancer qui est difficile à repérer à travers un scanner conventionnel. Nous pouvons franchir ce cap et entrer dans une autre dimension. Mais tout est une question de volonté des parties engagées dans cette lutte.

Comment Maurice pourra-t-il atteindre ce niveau d’excellence ?
Aux 19e et 20e siècles en Europe et en Amérique, des familles et des sociétés privées faisaient des dons pour construire des hôpitaux et financer la recherche. Nous devons suivre cet exemple. Même si des projets intéressants ont été mis en place à Maurice, grâce aux donations, nous devons renforcer cette culture philanthropique, afin de progresser rapidement.
Plusieurs formules peuvent être adoptées pour parvenir à hausser le niveau de compétences à Maurice.

 

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