Au moins 25 personnes, dont un photographe de l'AFP, ont été tuées dans un double attentat suicide lundi à Kaboul, dont le second a visé la presse accourue sur le site. L'attaque a été revendiquée par le groupe Etat islamique (EI) qui s'en est pris dans un communiqué aux "apostats des forces de sécurité et des médias".
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Selon un bilan du ministère de l'Intérieur, le double attentat a fait au moins 25 morts et 49 blessés. "Six journalistes et quatre policiers figurent au nombre des tués dans ces deux explosions", a précisé à l'AFP le porte-parole du ministère, Najib Danish. L'organisation Reporters sans Frontières (RSF) et le Centre des journalistes d'Afghanistan (AJC) ont dénombré neuf journalistes tués, dont Shah Marai, chef photographe du bureau de l'AFP à Kaboul.
"Le 2e attentat visait sciemment la presse. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière depuis la chute des talibans en décembre 2001", souligne RSF dans un communiqué. Arrivé rapidement sur les lieux de la première explosion pour prendre des photos comme il le faisait lors de chaque attaque, Shah Marai a été tué par la deuxième déflagration, survenue une trentaine de minutes après la première.
Marai, 48 ans, travaillait pour le bureau de l'AFP à Kaboul depuis 1996 et en était devenu un pilier. Ce grand gaillard affable aux yeux très clairs avait largement contribué à la couverture de l'Afghanistan lorsque le pays était sous le régime taliban et à celle de l'invasion américaine de 2001, et à tout les rebondissements qui ont suivi.
"J'ai appris tout seul la photographie, donc je cherche toujours à m'améliorer. Et maintenant mes photos sont publiées dans le monde entier", soulignait-il. Huit autres journalistes présents, selon l'AJC, ont été fauchés par cette explosion. Tous travaillaient pour des radios ou télévisions afghanes dont un pour la chaîne Tolo News, déjà très éprouvée par un attentat revendiqué par les talibans en 2016, qui avait fait sept morts.
Selon une source sécuritaire, le kamikaze qui a visé la presse s'était glissé parmi les reporters, "muni d'une caméra". "Le kamikaze s'est fait exploser parmi les journalistes", a précisé le porte-parole de la police de Kaboul, Hashmat Stanikzai. Le siège du NDS, les services de renseignement afghans, où s'est produite l'attaque, avait déjà été la cible d'un attentat suicide en mars : un kamikaze à pied avait franchi le barrage de police et s'était fait exploser à l'entrée des bureaux, faisant trois morts et cinq blessés.
"Nous sommes dévastés par la mort de notre photographe Shah Marai, qui témoignait depuis plus de quinze ans de la tragédie qui frappe son pays. La direction de l’AFP salue le courage, le professionnalisme et la générosité de ce journaliste qui avait couvert des dizaines d’attentats avant d’être lui-même victime de la barbarie", a déclaré Michèle Léridon, directrice de l'Information de l'AFP. "Une pensée pour les autres journalistes tués dans cette attaque", a-t-elle ajouté.
De nombreux messages de sympathie et de condoléances affluaient au bureau de l'AFP Kaboul dont un autre journaliste, Sardar Ahmad, a été tué en mars 2014 avec toute sa famille dans un attentat taliban. Seul l'un de ses enfants, alors âgé de trois ans, en avait réchappé. Sardar était un très proche ami de Shah Marai, qui lui-même laisse six enfants dont le dernier âgé d'à peine quelques semaines.
En fin de matinée, un nouvel attentat, perpétré par un kamikaze à pied, a tué onze enfants qui s'étaient regroupés autour d'un convoi roumain de l'Otan, près de l'aéroport de Kandahar, dans le sud, a rapporté le porte-parole du gouverneur provincial, Said Aziz Ahmad Azizi, à l'AFP. Seize personnes ont été blessées dont cinq soldats roumains et deux policiers afghans dans cette opération, qui n'a pas été revendiquée.
Ces attaques surviennent alors que les talibans ont officiellement lancé mercredi dernier leur offensive de printemps, rejetant ainsi implicitement de récents appels du gouvernement afghan à entamer des négociations de paix. D'attentat en attentat, Kaboul est devenue selon l'ONU l'endroit le plus dangereux d'Afghanistan pour les civils, avec une recrudescence des attentats, généralement perpétrés par des kamikazes et tour à tour revendiqués par les talibans ou le groupe Etat islamique.
Ainsi, les attaques visant délibérément les civils ont fait deux fois plus de victimes sur les trois premiers mois de 2018 - 763 tués, 1.495 blessés - que pour la même période de 2017. La dernière en date dans la capitale, le dimanche 22 avril, a fait près de 60 morts et 20 blessés dans un quartier à majorité chiite: un kamikaze de l'EI avait visé un centre de délivrance de cartes d'identité en vue des élections législatives du 20 octobre.
L'une des attaques les plus meurtrières, le 27 janvier, avait fait 103 morts et plus de 150 blessés dans l'explosion d'une ambulance piégée.
AFP
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