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Distribution d’eau: les dessous de la pénurie

Les promesses se multiplient, mais le problème reste entier. Les coupures d’eau sont toujours d’actualité. Quelles en sont les causes et comment assurer un meilleur approvisionnement ?

Les régions les plus affectées

Le niveau de l'eau dans les réservoirs

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[padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1] De nombreuses familles mènent un véritable combat pour avoir quelques gouttes du précieux liquide. Les coupures et les irrégularités dans la distribution d’eau sont de plus en plus fréquentes dans plusieurs régions du pays. Du Nord au Sud en passant par l’Ouest, des habitants sont privés d’eau pendant plusieurs jours, voire des mois. La distribution d’eau est un sujet qui continue d’alimenter des débats. L’émission Xplik ou K diffusée sur Radio Plus traite plusieurs plaintes concernant les coupures d’eau au quotidien. Interrogées sur cette pénurie, les autorités compétentes chantent la même chanson : une série de mesures est à prévoir. Mais en attendant, des habitants ne savent plus à quelle porte frapper.  Pourquoi la pénurie d’eau perdure-t-elle à Maurice ? Les coupures d’eau sont parfois inévitables, selon Krishnacoomar Bisnatsingh, chef ingénieur au département des opérations à la Central Water Authority (CWA). « Nous interrompons la distribution d’eau dans certaines régions, la demande ne correspondant pas à nos ressources. Il faut également prendre en considération les limitations de notre réseau de tuyauterie », explique-t-il. Et d’ajouter que certaines régions sont plus affectées que d’autres et les causes varient souvent.

Des tuyaux vétustes

De nombreux experts s’accordent à dire que la pénurie qui affecte certaines parties du pays est loin d’être un fait anodin. Parmanand Moloye d’Aquaflo Ltd est parmi ceux qui soutiennent que la distribution d’eau à Maurice est un sujet qui mérite réflexion. « La situation est alarmante. Ce n’est plus l’heure aux spéculations. Il faut agir et vite. Notre population est en croissance permanente et nos ressources en eau vont rapidement être limitées », affirme-t-il. Parmanand Moloye est d’avis que la cause la plus probante de la pénurie d’eau à Maurice se trouve dans le réseau de distribution. « Nous avons environ 1 800 kilomètres de tuyaux qui parcourent le pays et nous alimentent en eau potable. La plupart de ces tuyaux sont sous terre pendant plus de 50 ans et le remplacement n’a pas été fait depuis. Certains ont même été endommagés », souligne-t-il. Il explique également qu’il y a bien plus de pression sur le réseau de distribution dans les zones urbaines. Il associe cette situation au fait que depuis ces dernières décennies, il y a eu à Maurice un mouvement démographique non négligeable. « Beaucoup de Mauriciens se sont installés dans les villes. La demande en eau est alors bien plus élevée. Mais ce sont les mêmes tuyaux et le même système qui assurent  la distribution. Par ailleurs, c’est un fait avéré que les activités socioéconomiques se sont accentuées dans certaines régions. Il y a bien plus de morcellements et de zones industrielles qu’auparavant. Par exemple, les zones industrielles de Coromandel et de la Tour Koënig sont alimentées en eau potable  pour le fonctionnement de leurs usines. Il s’agit là d’une mauvaise utilisation flagrante de l’eau, ce qui explique que les régions des alentours en sont souvent privées », explique Parmanand Moloye.  

Mauvaise gestion des ressources

   
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La gestion des ressources est aussi un facteur à prendre en considération, selon notre intervenant. Il explique que 20 % des pertes en eau relèvent d’une mauvaise gestion. Selon Parmanand Moloye, environ 50 % de l’eau traitée pour la potabilité sont gaspillés soit par des fuites, soit à cause d’une mauvaise allocation. « Les outils utilisés pour assurer la distribution sont pour la plupart inadaptés à la situation réelle. Il y a un manque d’équipement pour faire face aux défis de ce secteur », ajoute-t-il. Quid du niveau de connaissance. « Il faut également mettre à jour les connaissances dans ce domaine. Nous observons aussi un manque de personnel formé à la qualité du travail sur les sites. De nombreux ingénieurs sont affectés à des postes administratifs au lieu d’assurer le contrôle technique », affirme Parmanand Moloye. L’ingénieur Mathias Echevin, également directeur de SEE Ltd,  attire notre attention sur un autre facteur responsable, selon lui, de la pénurie d’eau dans certaines régions à Maurice. « La distribution d’eau est une démarche complexe sur le plan technique et financier. Il s’agit là de principaux enjeux de ce secteur. Nous sommes tous d’accord qu’il est temps de remplacer le réseau de tuyauterie du pays. Mais il est aussi vrai que cela nécessite un investissement important en termes financiers, logistiques et ressources humaines. Le secteur privé est là pour épauler les autorités en ce sens », souligne l’ingénieur.

La voie à suivre

 
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5038","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-8316","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Parmanand Moloye"}}]] Parmanand Moloye

Par quoi commencer ? Il faut avoir, avant toute chose, une volonté d’investir davantage dans ce secteur, souligne Parmanand Moloye. « Avant de lancer des projets, il est important de faire une étude de la situation, ce qui va permettre d’évaluer le problème dans sa dimension réelle. Une telle étude n’a pas été faite pendant longtemps. Les données qui en découleront vont permettre de situer les régions qui peuvent accueillir des barrages et des réservoirs. Le remplacement du réseau de tuyauterie est inévitable. Mais on ne peut se contenter de remplacer machinalement. Il faut prendre le temps de réfléchir aux implications, surtout de penser à l’avenir. L’étude permet aussi d’anticiper la croissance démographique et la hausse dans la demande en eau qui en résultera. Il faut prendre en considération tous ces facteurs avant de procéder à la mise à niveau du réseau », explique-t-il. Et il propose que les fonctions des réservoirs doivent être redéfinies. Selon Parmanand Moloye, nous avons la fâcheuse tendance à les utiliser uniquement pour stocker de l’eau à être consommée tout de suite et non en réserve comme cela aurait dû être. Actuellement, le gouvernement réalise plusieurs chantiers pour augmenter les capacités de stockage. Mais l’ingénieur Mathias Echevin est d’avis que les autorités doivent mettre en place un système de contrôle. « Le contrôle de l’état des canalisations est indispensable. Nous proposons la création d’un cluster national et même régional pour s’attarder de façon proactive sur la distribution d’eau et tous ses aléas.  Pourquoi ne pas avoir des cellules de travail rassemblant les différents secteurs : public, privé, associatif ? Une mise en commun des expériences et points de vue de chacun serait très utile », ajoute-t-il.  
 

Les projets de la CWA

De multiples démarches ont été enclenchées par la Central Water Authority (CWA) et d’autres sont en cours de mise en œuvre en vue d’améliorer la distribution d’eau et de venir à bout de la pénurie, souligne Krishnacoomar Bisnatsingh, chef ingénieur au département des opérations à la CWA. « La mise en activité du ‘Bagatelle Dam’ va grandement améliorer la distribution d’eau dans les alentours de Pailles et de Guibies. De plus, nous procédons au renouvellement de 80 kilomètres de tuyaux sur le plateau central, notamment à Curepipe et Vacoas. Les fuites  d’eau sont grandes dans ces régions. Les travaux s’achèveront en mars 2016. Nous avons projetons de remplacer des tuyaux dans le centre de Rose-Hill et à Beau-Bassin. Les travaux débuteront en 2016 pour s’achever en 2018 », explique l’ingénieur. Notre interlocuteur attire notre attention sur la nouvelle ‘Pailles Treatment Plant’ destinée au traitement de 80 000 m3 d’eau tirées du barrage ‘Municipal Dyke’, à Pailles. À la suite de cet exercice, la distribution d’eau est améliorée dans certaines régions de Port-Louis. « Des chantiers sont en cours dans les quatre coins du pays. Par exemple, l’exercice de renouvellement des tuyaux a déjà commencé sur la côte Ouest. Nous procédons également au transfert de l’eau du barrage de Midlands au réservoir Piton-du-Milieu. Cela concerne plus de 20 000 m3 d’eau. C’est dans l’objectif d’améliorer l’approvisionnement en eau dans l’Est et réduire la pression sur la station d’épuration de la Marie. Le projet de renouvellement du réseau à l’échelle nationale débutera en 2016 sous le ‘Build Mauritius Fund’ », fait valoir Krishnacoomar Bisnatsingh.

Une hausse des tarifs à prévoir

Ivan Collendavelloo, ministre de l’Énergie et des Services publics, a récemment annoncé une éventuelle hausse dans les tarifs de la Central Water Authority (CWA). Il participait à l’émission Question Time dans la seconde partie du Grand Journal de Radio Plus. Le ministre des Services publics a expliqué que cette hausse se fera en parallèle avec l’amélioration des services. Un mécanisme selon lequel les riches contribueront à payer pour les pauvres sera mis en place. Par ailleurs, il a été aussi question pendant l’émission de l’objectif du gouvernement d’offrir un certain nombre de mètres cubes d’eau gratuitement à ceux qui ne dépassent pas un certain seuil de consommation. Le ministre a fait comprendre qu’une hausse des factures d’eau assurera l’approvisionnement sur une base 24 / 7. Il a aussi promis de faire réparer les tuyaux cassés dans un délai de 24 heures. Pour lui, la structure de la CWA est dépassée et doit être revue pour répondre aux attentes des abonnés.  

Le SOS des assoiffés

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5035","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-8313","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1920","height":"1080","alt":"Eau"}}]] Ces familles sont loin d’être au bout de leurs peines. Leur lutte ne date pas d’hier, mais le problème persiste. Leurs activités quotidiennes sont perturbées par des coupures d’eau. Christelle Collette habite chemin Pitot à Souillac depuis plusieurs années. Cette mère de famille doit faire face à de nombreuses difficultés chaque jour. « Cela fait neuf mois que l’eau ne coule pas dans le quartier. Nous sommes une dizaine de familles à être affectées par ce problème. Nous sommes dans le flou total car il n’y a pas de coupures dans les régions avoisinantes. Nous avons essayé d’avoir des réponses de la CWA, mais à chaque fois les techniciens nous disent la même chose. Ils nous expliquent que ce sont les tuyaux qui sont en cause », martèle Christelle Collette. « Nanye pa kapav fer san delo. Pa kapav kwi manze… pa kapav lave », lance Christelle Collette. Les familles du chemin Pitot ont multiplié  les démarches pour avoir accès à l’eau. Leurs efforts sont restés vains. Elles sont laissées sans eau depuis plusieurs mois et sans camions-citernes. « La communication passe très mal entre les familles affectées et les autorités concernées. Nous sommes débordés d’entendre la même chose à chaque fois. Faut-il manifester dans la rue pour que la situation change ? » s’interroge-t-elle. C’est la même rengaine auprès des habitants de la rue Swami Dayanand, à Grand-Baie. Les coupures durent plus de deux mois. À la différence des habitants de chemin Pitot à Souillac, ceux de Grand-Baie reçoivent de l’eau d’un camion-citerne. « Toutefois, cela n’améliore en rien la situation ! » exclame Anthonia Henry. « L’eau distribuée par les camions-citernes est sale et boueuse. Nous ne pouvons ni la boire, ni l’utiliser pour préparer le dîner. Pendant ces deux mois, c’est comme qui dirait notre vie s’est arrêtée d’un seul coup. Nous n’arrivons plus à maintenir l’hygiène. C’est inhumain de vivre ainsi ! » insiste cette mère de famille.
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