Interview

Dev Luchmun : «Le gouvernement doit étendre la ‘Negative Income Tax’ au secteur informel»

Dev Luchmun, consultant en relations industrielles et ancien conseiller au ministère du Travail, des Relations industrielles et de l’Emploi, brosse une analyse sans complaisance du Budget 2017-2018.

Publicité

Quelle est votre lecture du Budget 2017-2018?
Je dirais que le Premier ministre et ministre des Finances s’est soucié du social et de la modernisation du pays, dans la préparation de son budget.  Toutefois, on ne doit pas se contenter d’une belle prestation oratoire. Il faut aussi que les mesures annoncées soient traduites dans les faits.

Pour vous, quelle est la mesure phare de ce budget?
Sans aucun doute, c’est la Negative Income Tax. Je dirais même que c’est une révolution pour le pays. Imaginez qu’au lieu de payer l’impôt sur le revenu, les salariés qui touchent moins de Rs 9 000 par mois recevront de l’argent de la Mauritius Revenue Authority (MRA). C’est du jamais vu. Toutefois, il ne faut pas croire que tous les salariés tombant dans cette catégorie bénéficieront d’un maximum de Rs 1 000 et d’un minimum selon un barème établi. Il ne faut pas croire que tout salarié touchant moins de Rs 10 000 mensuelles bénéficiera de Rs 1 000. Encore faut-il que son employeur contribue pour lui au National Savings Fund et au National Pensions Fund. Ce faisant, le gouvernement fait d’une pierre deux coups. D’abord, il accorde une allocation aux plus démunis et ensuite, il oblige les employeurs à contribuer aux plans de pension de leurs employés. Mais il reste un hic...

Expliquez-vous?
Certes, l’initiative du gouvernement est louable. Mais si l’on se fie aux critères établis, les milliers de travailleurs du secteur informel - qui ne contribuent pas aux plans de pension - seront exclus de cette allocation. Je pense à ceux qui travaillent pour des particuliers : jardiniers, gens de maison, employés de petits ateliers, aides-camionneurs, des gens qui généralement ne contribuent pas aux plans de pension. Il serait souhaitable que le gouvernement révise ses critères pour que les gens du secteur informel bénéficient aussi de ce soutien financier.

Quid de la création d’emplois?
Le Premier ministre et ministre des Finances a annoncé 2 000 recrutements dans la Fonction publique – dans les secteurs éducatif, santé et police, mais n’a avancé aucun chiffre pour le secteur privé.

Sans vouloir être un oiseau de malheur, je ne crois pas qu’une croissance prévue de 4,1 %, favorisera la création de milliers d’emplois. Ce qui laisse à penser que nous nous dirigeons vers une jobless growth. Cette croissance sans emploi sera néfaste pour le gouvernement qui a promis la création de milliers de postes dans le secteur public et dans le secteur privé, lors de la campagne électorale de 2014. Il est condamné à tenir ses engagements.

À un moment donné, Pravind Jugnauth a fait référence à la Vision 2030. Le gouvernement envisage-t-il la création de 20 000 emplois par an ? Un tel objectif n’a jamais été atteint en 2015 et 2016.

Alors que des milliers de Mauriciens sont au chômage, le  gouvernement décide d’étendre le contrat des travailleurs étrangers à huit ans. N’est-ce-pas un paradoxe?
C’est un fait que les Mauriciens refusent de travailler dans certains secteurs aux horaires contraignants et au faible taux de rémunération. Ce qui contraint certaines entreprises à recruter de la main-d’oeuvre étrangère. Avec l’introduction prochaine d’un salaire minimal, et une amélioration des conditions de travail, les Mauriciens pourraient s’intéresser à intégrer ces secteurs.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !