Les agressions contre les agents de sécurité d’un âge avancé se multiplient. On se souvient du cas d’Issah Ramjan, 86 ans, retrouvé mort le 25 décembre. Ou encore de celui de Louis Raymond Berthelot, 72 ans, qui a lui aussi connu une fin atroce. Tous deux ont été victimes d’attaques à deux semaines d’intervalle. Leurs proches disent leur avoir pourtant conseillé de cesser ce métier à risques.
Le petit-fils d’Issah Ramjan : « Il n’avait pas besoin de travailler »
Cela faisait de nombreuses années qu’Issah Ramjan, 86 ans, exerçait le métier de gardien. Son petit-fils Assad, âgé de 38 ans, se souvient de lui comme d’un homme travailleur qui a fait plusieurs travaux manuels avant de prendre sa retraite. « Linn travay kas ros, kouper kann », se remémore-t-il. S’il connaît si bien son grand-père c’est parce qu’il vit chez ses grands-parents depuis qu’il a deux ou trois ans. « Je suis allé m’installer chez eux à Le Hochet, Terre-Rouge, quand mes parents se sont séparés. Ce sont mes grands-parents qui se sont occupés de moi. D’ailleurs, mon grand-père est plus qu’un père pour moi », raconte Assad.
Après sa retraite, Issah Ramjan a continué à travailler. « Il ne souffrait d’aucune maladie. Il était toujours débrouillard », lance le petit-fils avant de se rappeler une anecdote. « Cela remonte à une dizaine d’années. Mon grand-père mesurait 1 m 65. Vu que j’étais légèrement plus grand, je pensais que j’étais plus costaud que lui. Je voulais casser une pierre, mais je n’y arrivais pas. Mon grand-père a pris ma place et en deux temps trois mouvements le travail était fait. C’était quelqu’un de fort malgré son grand âge. »
Toujours actif, c’est ce qui l’aurait poussé à être vigile. Mais ses proches ne voyaient d’un bon œil qu’il exerce ce métier à son âge. « Il ne manquait de rien. Nous menons une vie aisée. On ne compte plus le nombre de fois où nous lui avons conseillé d’arrêter. Il ne voulait rien entendre », confie Assad. La majeure partie du temps, Issah Ramjan ne faisait que le service de jour. « Il prenait son service à 5 h 30 pour finir à 17 h 30. Il nous arrivait cependant d’échanger nos horaires », explique Rehan, ami et collègue de la victime.
Le 25 décembre dernier, Issah Ramjan avait pris son service tôt, comme à l’accoutumée. Son corps sans vie a été retrouvé quelques minutes après. Son petit-fils a immédiatement été alerté. « Je me suis rendu sur place avec ma grand-mère. Dès que nous avons vu mon grand-père au sol, nous savions qu’il avait été tué », relate Assad. L’autopsie pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département medico-légal de la police, a attribué le décès à un œdème cérébral. La victime portait toutefois une blessure à la tête, ce qui a intrigué le médecin légiste. Il a ainsi recommandé une enquête approfondie sur ce drame.
Assad est anéanti. « Nous avons perdu un homme précieux. Ma grand-mère et lui comptaient plus d’une soixantaine d’années de vie commune. C’est dur pour elle. Quand il était là, c’est moi qui me chargeais de l’emmener où il voulait. Je prenais soin de lui. Je lui serai éternellement reconnaissant pour ce qu’il a fait pour moi », conclut le petit-fils, partagé entre la colère et la peine.
Un vol qui vire au drame
« Bolom la inn lite. Monn pous li. Linn tombe apre monn kokin li. » C’est ce qu’a déclaré David Jolicœur, 19 ans, aux limiers de la Criminal Investigation Division de Terre-Rouge au moment de son arrestation. Il a avoué avoir agressé Issah Ramjan avant de le dépouiller. Il a relaté le déroulement des faits du matin du 25 décembre alors que la victime était sur son lieu de travail à l’arrière du centre commercial de Riche-Terre. Il a ajouté qu’il croyait que le vigile était en vie lorsqu’il l’a laissé gisant sur le sol. Le suspect a participé à un exercice de reconstitution le vendredi 28 décembre 2018 avant de comparaître devant la cour de Pamplemousses. Il est provisoirement accusé de meurtre. Il a également reconnu avoir agressé puis dépouillé trois autres vigiles, dont un âgé de 63 ans, le même jour, dans la zone industrielle de Riche-Terre.
Le fils aîné de Louis Raymond Berthelot : « Nous lui avions dit de profiter de sa retraite »
Louis Raymond Berthelot, 72 ans, était un homme qui avait du caractère. Son fils aîné Jean-Marc se souvient de lui comme de quelqu’un qui avait un fort tempérament. « Mon père avait travaillé dans la Fonction publique. Quand il a pris sa retraite, il a décidé de continuer à travailler. Il s’est fait embaucher comme agent de sécurité. Nous lui avions plusieurs fois dit d’arrêter ce métier pour qu’il puisse profiter de sa retraite, mais il ne voulait pas », relate le fils.
Le 13 décembre, le septuagénaire s’était rendu sur un chantier à Ébène où il était posté. C’est un collègue qui était venu pour prendre la relève qui l’a découvert dans une mare de sang. La police de Rose-Hill a été mandée. Un morceau de bois maculé de sang a été retrouvé à ses côtés. Le vigile respirait encore. Il a été conduit à l’hôpital Victoria, à Candos, où il avait été placé à l’unité des soins intensifs. « Il était inconscient, mais il y avait eu une amélioration. Puis, sa santé s’est détériorée », se remémore son fils, les larmes aux yeux. Le 27 décembre 2018, Louis Raymond Berthelot a poussé son dernier soupir. Au départ, la thèse d’une chute avait été privilégiée, mais l’autopsie a conclu à une agression. L’habitant de Chebel est décédé d’une fracture du crâne. La Major Crime Investigation Team a pris l’affaire en main.
Un gardien attaqué par trois malfrats
La série noire se poursuit. Pas plus tard qu’aux petites heures, le samedi 29 décembre, un vigile, âgé d’une soixantaine d’années, a été victime d’un vol avec violence à La Chaumière. L’agent de sécurité s’est fait surprendre par trois malfrats. Ces derniers, munis d’armes tranchantes, l’ont roué de coups avant de faire main basse sur son argent et son cellulaire. Une fois leur forfait commis, les malfaiteurs ont pris la fuite. La police de Bambous a été alertée. Le vigile a été transporté d’urgence à l’hôpital Victoria, à Candos. Après avoir reçu les premiers soins, il a été hospitalisé. Son état de santé est jugé sérieux. La Criminal Investigation Division de Bambous recherche les malfaiteurs.
« Moins de contraintes » pour les employeurs
Le gérant d’une compagnie de gardiennage a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat. Il explique que le fait d’employer des retraités implique moins de contraintes. « Il n’y a pas à se soucier du certificat de moralité de ces personnes. Beaucoup travaillent pour arrondir leurs fins de mois. Ils sont, cependant nombreux à se faire exploiter. Si certains travaillent sous contrat, d’autres se laissent mener à la baguette par les gens qui retiennent leurs services », confie-t-il.
Soodesh Callichurn : « Il faut une limite d’âge »
Le 17 novembre dernier, le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, avait annoncé que le National Remuneration Board se pencherait sur l’âge des agents de sécurité et sur le nombre d’heures de travail de ces derniers pour faire ses recommandations dans son prochain rapport dont la publication est prévue en janvier 2019. « Il s’agit d’un secteur difficile où on ne peut se permettre d’avoir des employés qui ne sont pas à la hauteur ou qui n’ont pas les capacités physiques requises. Il y a des agents de sécurité qui ont 80 ans. C’est inacceptable », avait dit le ministre.
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