Presque cinq ans après que Joachim Paumero a été retrouvé mort au pied d’une falaise à Bambous, sa famille, qui n’a jamais cru au suicide, place ses espoirs dans l’enquête ouverte le 9 février. DIS-MOI soutient cette démarche.
L’enquête judiciaire autour du décès de Joachim Guiseppe Paumero a débuté le 9 février. Ce militaire français a disparu dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016 et son corps a été retrouvé 15 jours plus tard au pied d’une falaise. Alors que la police a toujours privilégié la thèse de suicide, les parents n’ont jamais accepté d’y croire. Cinq ans plus tard, ils gardent toujours espoir que justice serait faite. DIS-MOI soutient la démarche de cette famille au nom du droit à la justice, principe fondamental des droits humains…
Dans le chalet de la famille Paumero à Albion, il règne une ambiance chaleureuse. Les couleurs vives, l’odeur du bois et le charme des petites pieces y contribuent. Sur une petite table du salon, une photo : celle d’un jeune homme au regard profond. Il sourit. C’est une image paisible de leur fils, disparu à 26 ans, que souhaite préserver les Paumero.
Pourtant, chez cette famille, impossible de retrouver la paix tant que tous les dessous entourant la mort de leur fils ne seront pas connus. Marco Paumero, le père de Joachim, explique qu’il n’arrêtera pas. « C’est la promesse que j’ai faite à mon fils ».
La peine d’un parent
Ce père de famille qui tient devant nous comme un soldat, qui a l’image d’un battant, malgré son handicap. Après quelques mots échangés avec lui, l’on découvre petit à petit un homme meurtri, quelqu’un qui s’efforce de ne pas mourir à petit feu. Il s’accroche à la vie, à sa mission: celle de connaître toute la vérité. Son fils, sa chair, n’est plus et comme chante si bien Linda Lemay, il n’y a pas de mots pour décrire la peine d’un parent qui a perdu son enfant, parti bien trop vite, bien trop tôt avant lui. Ainsi, depuis que son fils a disparu dans la nuit du 15 au 16 juillet, il se bat. Ses seules armes : sa voix et sa plume pour crier à l’injustice et écrire toutes les tristesses de son coeur (voir l’un des ses poèmes en hors-texte). D’ailleurs, il passe une grande partie de son temps, seul, derrière son écran, à écrire des mots d’amour à celui qu’il ne reverra plus, à noter tout ce qu’il peut sur cette affaire pour ne jamais rien oublier et que tous puissent s’en souvenir le plus longtemps possible. Un jour, oui un jour peut-être, il publiera un livre pour relater ce drame.
En attendant, il ne cesse de crier haut et fort que son fils ne s’est pas suicidé. « C’était un jeune homme qui avait la joie de vivre. Il avait des projets plein la tête. Il m’en avait parlé à son arrivée. Il devait retourner avant tout à l’armée. Il aimait ce qu’il faisait et il était attaché à sa famille », raconte son père. Ce dernier se perd vite dans des souvenirs d’enfance. « C’est l’aîné de la fratie de trois enfants. Il était un enfant intelligent, toujours en avance pour son âge. Les enseignants me disaient de le faire passer à une classe supérieure, mais je n’ai jamais voulu lui enlever son enfance ». Marco a passé beaucoup de temps avec lui. Autodidacte, il a connu des moments bien durs dans la vie et a travaillé d’arrache-pied pour s’en sortir. « J’en parlais toujours à mes enfants et je suis content et fier de dire que c’étaient des enfants très obéissants qui avaient des valeurs et qui ne manqueraient pas de ne nous appeler pour nous prévenir d’un retard. Alors, ne venez pas me dire que mon fils s’est suicidé ! »
Ainsi, même si beaucoup de personnes le soutiennent, il estime qu’il n’a pas eu suffisamment de coopération de la part des autorités pour faire la lumière sur cette affaire. « Entre un commissaire de police d’alors trop occupé pour vous recevoir, des policiers qui ne sont pas assez formés pour mener une enquête, des preuves qui n’ont jamais été récoltées, les autorités françaises qui ne viennent pas enquêter, car mon fils était en vacances et pas en mission, cela fait beaucoup de concours de circonstances qui font que cette affaire piétine depuis des années ».
Il est cependant reconnaissant d’avoir pu obtenir une oreille attentive de l’association DIS-MOI et du bureau du Directeur des Poursuites Publiques à qui j’ai adressé des courriers.
Va-t-il enfin connaitre la vérité ? Il en est sûr. « Je sais que les gens qui ont fait du mal à mon fils ne pourront pas vivre avec cette idée. Ce mal finira par les ronger. Je demande aussi à toute personne sait quelque chose au sujet de sa mort de venir de l’avant, au nom de la vérité ».
Les zones d’ombre
Selon Marco Paumero, il y a plusieurs zones d’ombre dans cette affaire. Il en relève quelques-unes :
- Le corps de Joachim a été découvert au bas de la falaise à gauche du temple à Medine alors que le chemin qui mène vers Albion se trouve à droite.
- Selon lui, même en journée, il est difficile d’accéder aux lieux. « Je ne vois pas comment, il aurait pu y arriver seul le soir. De plus, c’est un endroit boueux et ni ses vêtements, (au moins son pantalon) ni ses chaussures n’avaient des traces de boue. »
- Les effets personnels de la victime avaient disparu. « S’il s’était suicidé, son portable, et son porte-monnaie n’auraient pas disparu », avance le père.
- Son pantalon portait des traces de lacérations à l’arme tranchante. « Selon les premières indications, le pantalon de Joachim était déchiré à plusieurs endroits sauf qu’à trois ou quatre points précis, il semblerait que le jean ait été coupé avec une arme tranchante ».
- Pas de fracture à la cervicale. « Je ne comprends pas comment une personne qui fait une chute pareille n’a pas de fracture à la cervicale », continue le père.
En temps et lieux, d’autres zones d’ombre seront révélées.
Début de l’enquête judiciaire
L’enquête judiciaire insitutée par le Directeur des Poursuites publiques a débuté la semaine dernière. Objectif : faire la lumière sur l’affaire Paumero. Me Padmini Mauree, State Counseil, répresente le bureau du DPP tandis que Mes Erickson Mooneeapillay et Vinesh Boodhoo représentent la famille Paumero. Les travaux sont presidés en Cour de Bambous par la magistrate Nitisha Seebaluck.
Flashback
6 juillet 2016 : De France, où il fait partie de l’armée de l’air, Joachim décide de rentrer à Maurice pour faire une surprise à sa mère. C’est donc avec son complice de toujours, son père, qu’il décide de préparer cette surprise. Il arrive donc le 6 juillet 2016.
Quelques jours plus tard, sa grand-mère paternelle décède et son père doit se rendre en France.
15 juillet 2016 : C’est la dernière fois que Marco parle à son fils. « On parlait des attentats de Nice, et il était très attristé. Il ne voulait pas sortir depuis qu’il était en vacances à Maurice et j’insistais avec lui pour qu’il sorte un peu avec des amis ».
Ce soir-là, Joachim et ses amis font une fête au chalet à Albion et il décide par la suite de rejoindre sa soeur à Cascavelle dans une boîte de nuit.
23 heures : C’est l’heure à laquelle il quitte Albion avec ses amis. Plus tard, en boîte de nuit, un incident a lieu. « Il dansait quand il a heurté un couple et un verre s’est malheureusement renversé l’un d’eux. Un agent de sécurité l’a ensuite sommé de le suivre jusqu’à l’extérieur ».
De 3 h 41 à 4 h 13 : Joachim reste debout dehors selon la caméra de surveillance. Il quitte les lieux par la suite en direction d’Albion.
4 h 30 : Maureen, la soeur de Joachim, appelle leur mère pour l’informer de ce qui se passe et cette dernière prend un taxi pour les rejoindre. Elles croiseront Joachim en route. Ce dernier décide de ne pas les suivre et de continuer la route à pied. Ce chemin Joachim le connaît par cœur et l’a emprunté tant de fois à pieds et à vélo avec des amis. Comme le chauffeur de taxi est pressé, sa mère finit par céder.
Une fois chez elle, elle ne dort pas et attend l’arrivée de Joachim. Il ne reviendra jamais.
16 juillet à 7 heures : Marco est informé par son épouse que leur fils n’est pas rentré. Tout le monde commence à s’inquiéter et, un peu plus tard, des battues sont organisées par la famille et les amis, en vain. Pendant plusieurs jours, des battues seront encore organisées, sans aucun succès.
29 juillet : La police informe la mère de Joachim qu’un corps a été retrouvé au bas d’une falaise et lui demande de l’identifier. Il s’agit bien de lui.
Les funérailles auront lieu par la suite.
DIS-MOI solidaire de la famille Paumero
Me Erickson Mooneeapillay explique que la famille Paumero a approché DIS-MOI et qu’il est important de les soutenir dans cette épreuve :
« À DIS-MOI, nous ne faisons aucune discrimination et chaque personne qui frappe à notre porte a le droit d’obtenir une aide ou au moins une oreille attentive. De plus, aucune personne, aucune famille de victime ne mérite de ne pas obtenir justice. A ce stade, je ne commenterai pas l’affaire mais je peux vous dire que nous travaillerons d’arrache-pied pour que justice soit faite ».
Il rappelle que l’accès à la justice est un droit fondamental de tout être humain. À l’article 8 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, on peut lire : « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi » et à l’article 10 : « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal independent et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligation, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
DISMOI pour la suspension de Rajaram dans l’affaire Antonio
« L’affaire Paumero met en exergue les déficiences investigatrices de la police mauricienne. Dans ce cas, on peut évoquer l’amateurisme, mais d’autres cas sur lesquels nous travaillons c’est bien plus grave. Lisez le jugement du magistrat Seebaluck sur l’affaire Antonio et vous comprendrez ! »
Déclaration de Lindley Couronne, directeur général de DISMOI : « Je rencontre le nouveau Commissaire de police régulierement. Ce mardi, au cours de notre discussion, je lui parlerai de la question de la redevabilité au sein de la police. Car il y a trop d’amateurisme et trop de laisser-aller. Cette situation, précisons-le, ne date pas des régimes Jugnauth père et fils, même s’ils sont responsables aussi évidemment.. Pour que la police commence à changer, il faut impérativement que chaque agent de l’État comprenne que le petit pouvoir qu’on lui donne ne doit pas faire de lui un potentat ou pire un ‘bandit légal’. D’où notre combat pour l’obligation de rendre des comptes.
L’affaire Stenio Antonio, que nous avons prise comme dossier, est intéressante à plus d’un titre. Voilà un ASP qui décide de monter un complot contre un citoyen de ce pays, s’appuie sur quatre-cinq voyous en uniforme, n’ayons pas peur des mots, pour faire du mal arbitrairement. C’est le dossier le plus vide que j’ai vu de toute ma carrière. DISMOI demandera la suspension de l’ASP Rajaram. Et petite parenthèse : Rajaram, était perçu comme proche du régime Ramgoolam, d’où son sentiment d’impunité. »
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