Actualités

Cybercriminalité : de la séduction à la sextorsion !

Cybercriminalité - sextorsion

La sextorsion est une escroquerie visant à obtenir des photos ou des vidéos à caractère sexuel par la ruse.

Publicité

Les auteurs menacent ensuite de publier ces images dans le but d’obtenir des faveurs ou de l’argent de leurs victimes. Cette forme de chantage sur Internet, principalement sur les réseaux sociaux, compte bon nombre de victimes.

Pravesh Behari.

« À aucun moment, je ne me suis rendu compte que j’étais filmé.» L’affirmation de ce jeune homme, qui s’est fait hameçonner sur Internet, pourrait être celle de la plupart des victimes de sextorsion. En effet, le mode opératoire est le même dans la majorité des plaintes déposées à la police. « Après avoir reçu une demande d’amitié ou une invitation à chatter par l’entremise de médias sociaux populaires ou de sites de rencontre, la conversation se transporte d’un commun accord sur webcam.

La séduction se poursuit alors par vidéo, menant éventuellement ces personnes à se montrer nues et à mimer des actes sexuels. Malheureusement, les gestes intimes sont enregistrés à l’insu de la victime et servent ensuite à exiger des sommes d’argent », explique Pravesh Behari, enquêteur de la Cybercrime Unit du CCID. Une  fois que les images sont dans la boîte, c’est le début du calvaire pour la victime.

Il y a deux sortes de victimes de sextorsion, avance la psychologue Véronique Wan Hok Chee. « Outre des fraudeurs dans des pays étrangers qui sévissent sur le Net, il y a ceux qui arnaquent dans le cadre d’une ancienne relation amoureuse. Ils ont déjà eu des photos ou des vidéos à caractère sexuel. La menace de publier ces images est utilisée comme moyen de pression pour tenter de retenir la personne souhaitant mettre un terme à la relation. L’autre abuse ainsi de son pouvoir du harcèlement émotionnel ou psychologique ou encore pour soutirer de l’argent à la victime. »

C’est le cas de Veena (nom fictif). Elle a dépensé plus d’un million de roupies pour essayer de dissuader un ex-petit ami de publier un clip pornographique amateur sur lequel on les voit en pleins ébats. « Linn servi sa kouma enn zarm kont mwa », confie-t-elle. « A plusieurs reprises, il m’a menacé de publier ce clip sur Facebook si je ne lui donnais pas de l’argent. Il m’a tellement harcelée que j’ai finalement décidé de le dénoncer à la police. Même s’il est aujourd’hui derrière les barreaux, il continue à me harceler moralement à travers des sms en me traitant de tous les noms. Je ne peux rien y faire, je dois me taire. »

Si les adeptes des sites de rencontres ou pornographiques sont des cibles plus faciles, les autres internautes ne sont pas pour autant à l’abri. « Ce n’est pas obligatoirement en acceptant une requête ou en s’engageant dans une relation virtuelle avec un malfaiteur qu’on se fait piéger », prévient Pravesh Behari. Devika (nom fictif) en a fait les frais. Il y a quelques mois, elle reçoit un message d’un inconnu menaçant de publier des photos compromettantes d’elle sur la toile.

« Tout a commencé avec le piratage de mon compte Facebook l’année dernière. J’ai tout simplement créé un nouveau compte et continué normalement mes activités quotidiennes sur le réseau. Un jour, quelqu’un se faisant passer pour moi, via mon ancien compte, m’a envoyé un message. Utilisant tous mes messages et images envoyés en privé de mon ancien compte, la personne a commencé à me harceler », raconte la jeune femme. Elle assure cependant ne pas connaître les réelles intentions de son persécuteur.

Elle ne connaît pas non plus son identité, mais par peur, elle ne s’est jamais rendue à la police. « Certains amis m’ont conseillé d’y aller et d’autres m’ont découragée. Ils pensent que les policiers n’en feront pas grand cas et se moqueront de moi. Prise de honte et de peur, je n’y suis pas allée. Aujourd’hui, je vis dans une crainte constante parce que la personne m’a menacée d’envoyer mes messages privés et mes photos intimes aux membres de ma famille… Je tremble à chaque fois qu’il y a du courrier à la maison », confie Devika.

Comme ces victimes qui ont bien voulu témoigner, des centaines de Mauriciens – hommes, femmes, ados, adultes – se retrouvent chaque année, pris dans le cercle infernal de la sextorsion. Contraction de sexe et d’extorsion, l’arnaque n’est pas nouvelle mais le phénomène est plus organisé et prend de l’ampleur. D’ailleurs, même si selon  Interpol, il est difficile de mesurer l’étendue du fléau, il s’avère que les victimes de ce type de délit se comptent par centaines de milliers à travers le monde.

Véronique Wan Hok Chee : « Cela peut entraîner des dommages irréparables »

Véronique Wan Hok Chee

C’est un fait : les victimes d’extorsion obéissent – la plupart du temps – à leur bourreau. La psychologue Véronique Wan Hok Chee attribue cette soumission à la honte et la peur du jugement des autres. « Demander de l’aide implique de révéler des secrets compromettants mais en se taisant, les victimes se retrouvent dans un désarroi total.

Toute leur vie est anéantie : plus de repères, plus d’estime de soi, la gêne, la honte, la confusion, le dégoût… La sextorsion peut les conduire à de sérieux traumatismes psychologiques voire des tentatives de suicide. Il y en même qui sont passés à l’acte. »

Il est donc impératif que toute victime de telles actes « destructrices de la personne» bénéficient d’un suivi psychologique. La psychologue souligne aussi l’importance de former les policiers et autres enquêteurs appelés à accueillir et écouter ces personnes. « La démarche d’aller demander de l’aide est déjà embarrassante sans qu’on doive en rajouter.

Les policiers devraient être formés à l’écoute de l’autre sans porter de jugement. Très souvent, mes patients me confient que la police les culpabilise davantage avec des phrases telles que « ou enn adilt, ou pa kone ki bon ki pa bon, ou pa kone pa gagn drwa fer sa ? » Ou encore « ou mem oun al rod la gratel». Ce sont des choses à ne pas dire aux victimes», insiste Véronique Wan Hok Chee.

Les conseils de la police

Ne surtout pas céder au chantage. Pravesh Behari, enquêteur de la Cybercrime Unit du CCID, est catégorique. « Toute personne confrontée à ce genre de chantage doit comprendre que peu importe, qu’elle paye ou pas, l’escroc peut à n’importe quel moment publier les images compromettantes en sa possession. La personne doit donc se dire que le pire qui puisse arriver, c’est de voir des images intimes d’elle sur le Net. » En d’autres mots, si quelqu’un a permis à une tierce personne d’avoir accès à ses informations confidentielles et intimes, elle doit s’attendre, à l’ère du numérique, à ce qu’elles risquent d’être publiées un jour quelque part.

D’où cette mise en garde de Pravesh Behari : «  L’escroc du Net est un être sans le moindre scrupule. Il est extrêmement bien organisé et possède toutes les connaissances nécessaires pour évoluer avec aisance sur la Toile. Il sait y détecter les proies potentielles, reconstituer son parcours, ses besoins et ses souffrances avec une habileté hors pair.

Riche de toutes les informations recueillies, l’escroc va pouvoir s’approcher de sa proie tout en se couvrant de l’apparence de l’idéal tant attendu. Il arrive même que des victimes soient repérées sur des sites pornographiques auxquels elles avaient fourni des informations relatives à leur carte bancaire. Il n’existe pas une méthode unique ou un réseau social particulièrement utilisé. En revanche, on retrouve le même critère dans tous les cas : l’organisation criminelle cherche à réaliser des profits. »

Voilà de quoi faire réfléchir à deux fois avant de poster quoi que ce soit sur internet ou encore d’entamer une conversation. Que ce soit avec l’être aimé ou un parfait inconnu !

Ceci dit, la Cybercrime Unit conseille également aux victimes de ne pas se montrer vulnérables et influençables face à l’adversaire. La police recommande donc à la personne venue demander de l’aide, de prétendre qu’elle n’en a rien à faire que des images intimes d’elle, soient publiées. Une stratégie qui marche selon l’enquêteur Behari qui explique que « dans tous les cas où la victime a suivi ce conseil, le cybercriminel s’est tout de suite déconnecté et n’a plus donner signe de vie ».

Le plus important, c’est d’avoir le courage d’en parler et de demander de l’aide. L’enquêteur précise d’ailleurs que « la plupart des victimes qui viennent vers nous ne souhaitent pas porter plainte et elles n’y sont pas contraintes. Nous intervenons alors auprès des autorités compétentes locales ou étrangères pour que les images – si elles ont été publiées – soient enlevées. »

Pour se protéger…

  • Bien comprendre que tout ce qui est posté en ligne est accessible au public.
  • Pratiquer une bonne cybersécurité : des mots de passe sécurisés et l’authentification à deux facteurs. 
  • Rester vigilant et se tenir au courant des dernières menaces.
  • Vérifier l’identité de tout interlocuteur.
  • Rapporter tout abus le plus tôt possible.
  • Eviter d’étaler sa vie privée sur le Net.
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !