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À Curepipe - Vishnu Deonanan : l’héritier d’une lignée de ferblantiers

Vishnu Deonanan L’artisan ferblantier travaillant sur une aiguille dans son atelier à la rue Cossigny.

Située à l’entrée de Curepipe, Empire Shop est spécialisée en travaux en tôle depuis trois générations.

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Ce commerce fait figure d’anachronisme avec ses objets en tôle galvanisée et exposés sous sa varangue.

Vishnu Deonanan, le maître des lieux, tient encore boutique contre vents et marées.

Dans son atelier à la rue Cossigny, Vishnu Deonanan, 55 ans, cisailles en mains, travaille à la découpe d’une aiguille. Cette décoration est taillée dans la tôle et orne la toiture des maisons créoles. La démarche semble relever d’un autre temps. Les murs du local, plutôt étroit et sentant la vieille ferraille, sont recouverts d’outils de précision, destinés à la découpe de la tôle. C’est ici, il y a une soixantaine d’années, que le grand-père de Vishnu, Modun, a commencé à exercer comme ferblantier.

« Il n’y avait que deux ferblantiers à Curepipe, me racontait mon père », explique Vishnu Deonanan. Son père Chand prendra la relève après la retraite du grand-père Modun. Chand Deonanan s’emploiera à son tour à impulser les activités du petit atelier, investissant petit à petit dans l’acquisition d’outils de précision. Vishnu mettra un terme à ses études au primaire, il le rejoindra pour s’initier à la ferblanterie.  

« À l’époque, il n’y avait que des maisons en bois, avec leurs dalots, auvents, gouttières dentelées. Les commandes tombaient tous les jours, de nombreux ouvriers ont appris le métier ici », raconte-t-il. Hélas, avec l’apparition des maisons en béton, remplaçant celles en bois et en tôle, les activités de l’atelier ont périclité. Face à la déferlante des cyclones, l’État commence à investir lourdement dans des logements sociaux d’une part, et d’autre part, beaucoup de propriétaires de maisons créoles, trop chères à entretenir, finissent par les remplacer par des maisons en dur.

Empire Shop

À une poignée de secondes de l’atelier de Deonanan, sur la route principale à Curepipe, se trouve Empire Shop où officient au comptoir son épouse Sonali et sa fille Rachna. Son fils Akshay, lui, se meut entre les vitrines bourrées d’objets hétéroclites, en cuivre, en argent et en fer-blanc.

Ici, le temps semble s’être arrêté : au plafond, des lampadaires tout droit sortis des contes des Mille et une Nuits voisinent avec d’autres luminaires tout aussi curieux. Les murs en pierre taillée accentuent l’impression de vivre à une autre époque. « Il y avait le cinéma Empire Picture House, qui appartenait à la famille Gujadhur. Nous avons emménagé ici en 2010, parce qu’il nous fallait plus de visibilité », explique Sonali.

Malgré la quasi-disparition des maisons créoles, le magasin a su profiter du regain d’intérêt pour les maisons à l’ancienne, et l’entretien de résidences dont l’architecture cherche à intégrer des éléments décoratifs de l’époque coloniale. « Nous sommes les rares ferblantiers à fabriquer ces accessoires à la main, à l’aide d’outils de précision », fait ressortir Vishnu.

Hélas, ces seules commandes ne suffisent pas. Il s’en sort grâce à d’autres commandes pour des objets d’usage commun : arrosoirs et autres moules à gâteaux en tôle galvanisée.

Et fort de son expérience, il prend commande d’objets à l’ancienne dont les clients lui montrent les photos.

« Dans ce métier, il s’agit de faire preuve de précision, afin de ne pas gaspiller la tôle. Il faut offrir au client un produit de qualité », insiste-t-il. Comme il passe plus de temps à l’atelier, c’est sa femme qui prend les commandes. « Depuis notre mariage, j’ai appris à connaître le métier de Vishnu notamment tous les détails techniques, les noms donnés à ces objets. Cela me permet de mieux communiquer avec les clients », confie Sonali.

Architecture

Vishnu Deonanan, son épouse Sonali et son fils Akshay, dans l’Empire Shop, à Curepipe.

Depuis de longues années, c’est la famille qui gère tous les aspects du business de Deonanan. « Certains ouvriers sont décédés, d’autres sont à la retraite. On a connu des périodes prospères, lorsque nous avons travaillé pour les hôtels Véranda, Shandrani et le Domaine Les Pailles. Il nous fallait recruter.

C’est vrai, le secteur hôtelier est un bon client, car les promoteurs savent que le cachet local doit faire partie de l’architecture. C’est alors qu’on fait appel à des artisans comme nous. En même temps, je me fais du souci pour la pérennité de notre métier. Les jeunes ne sont pas intéressés à apprendre ce dur métier. Il n’y a pas de relève. Mon fils est avec nous dans l’immédiat, mais j’ignore ce qu’il en sera demain », dit Vishnu.

Pourtant, les clients franchissent encore le seuil du magasin, à la recherche d’un objet rare qui viendra orner un meuble à l’ancienne. « On ne se plaint pas, il existe encore une clientèle qui recherche des objets artisanaux et cultuels rares. Puis, d’autres veulent réparer des objets précieux. Parfois on reçoit la visite impromptue d’étrangers qui ont connu mon père, alors ils achètent symboliquement un objet rare. Ça fait chaud au cœur », relate-t-il.

 

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