La mise à pied de Megh Pillay risque d’impacter négativement sur le conseil d’administration d’Air Mauritius. Les directeurs se regardent désormais en chiens de faïence. Des changements ne sont pas à écarter.
Publicité
Situation malsaine. C’est le sentiment qui prévaut chez bon nombre de membres du conseil d’administration d’Air Mauritius. « La façon dont Megh Pillay a été éjecté aura des séquelles dans la plus haute instance de la compagnie, le conseil d’administration. La méfiance s’est installée. Le ver est dans le fruit », confie un directeur sous le couvert de l’anonymat. Ce sentiment s’est renforcé par la déclaration du ministre de la Bonne gouvernance Roshi Bhadain. « Si les fondamentaux de la bonne gouvernance avaient été respectés, nous n’en serions pas là aujourd’hui », a-t-il dit. Un point de vue partagé par le Mauritius Institute of Directors : « C’est un écart sérieux aux meilleures pratiques. »
Le limogeage de Megh Pillay n’a été approuvé que par cinq membres : Arjoon Suddhoo, le président du conseil d’administration, Prakash Maunthrooa, Senior Advisor de sir Anerood Jugnauth, Sateeaved Seebaluck, également Senior Advisor au Prime Minister’s Office, Rita Veerasamy, directrice par intérim de la State Investment Corporation, et Dev Manraj, secrétaire financier. Bissoon Mungroo et Kan Oye Fong-Weng, Senior Chief Executive du ministère du Tourisme, seraient arrivés après le vote. Les sept absents sont Megh Pillay, Me Marc Hein, Lohani Ashwani, Patrick Roux, Yousuf Salehmohamed, Louis Rivalland et Philippe Espitalier-Noël.
Un nouveau CEO pas pour bientôt
En cette période de turbulences, il est peu probable que le gouvernement opte pour le remplacement immédiat de Megh Pillay. La suppléance est assurée par Raja Button, qui a une riche expérience au sein d’Air Mauritius. Dans certains milieux, on souhaite qu’il soit titularisé à ce poste. Cependant, dans les milieux du pouvoir, il se chuchote qu’un ancien CEO d’Air Mauritius pourrait être appelé à la rescousse. Il est peu probable que ce poste soit accordé à un néophyte, car il prendrait au moins six mois à comprendre les rouages de la compagnie avant de se mettre au travail.
Après cette réunion, Bissoon Mungroo n’a pas caché ses états d’âme. « Ce qu’on a vu vendredi est grave. Pour éviter qu’un Executive vice-President ne passe devant un comité disciplinaire, on fait partir un Chief Executive Officer. J’ai une haute opinion du travail de Megh Pillay. Son départ est une grande perte. C’est dommage qu’il ait fallu en arriver là. Nous aurions pu éviter cela dans la conjoncture d’une concurrence grandissante pour la compagnie », dit-il.
Me Marc Hein abonde dans le même sens : « Je pense que Megh Pillay a fait un très bon travail pour la compagnie. J’ai beaucoup de respect pour lui. Les circonstances de son limogeage sont très malheureuses. On est étonné du pouvoir que certaines personnes peuvent avoir. Il ne faut pas qu’une ou deux personnes décident de tout. »
À la lumière de ces prises de position, il est clair que les directeurs ne regardent plus dans la même direction. Pour assainir la situation, au gouvernement, certains pensent qu’il est préférable de renouveler le Board.
Les points de discorde
Megh Pillay n’était pas sur la même longueur d’onde que le Chairman Arjoon Suddhoo et d’autres membres du conseil d’administration sur quelques points.
Comité disciplinaire
Megh Pillay a maintenu un comité disciplinaire contre Mike Seetaramadoo, l’ex-Executive Human Resource & Organisational Development, « promu » en janvier par Arjoon Suddhoo au poste d’Executive vice-President Commercial & Cargo. Cela malgré l’objection du Chairman, qui insiste que c’est au Staff Committee du conseil d’administration de se pencher sur ce cas et non à la direction.
L’accès aérien
Megh Pillay ne partage pas l’avis d’Arjoon Suddhoo que l’Air Corridor avec Changi, à Singapour, boostera le trafic entre Maurice et l’Asie du sud-est. Il préfère que Kuala Lumpur, en Malaisie, soit le point stratégique, car un nombre plus important de Mauriciens s’y rendent, en comparaison à Singapour. En ce faisant, Air Asia X n’aurait pas atterri à Plaisance.
Recrutement
Aucun membre du conseil d’administration n’a eu son mot à dire sur le recrutement des membres du personnel navigant. Aucun protégé politique n’a été privilégié. Cela dit, Megh Pillay s’est fait des ennemis en haut lieu.
Verbatim
Sir Anerood Jugnauth
« Je n’ai aucun commentaire à faire. Le Board d’Air Mauritius est investi de pouvoirs pour prendre certaines décisions. Zot finn pran zot desizion. Se zot responsabilite. Je n’ai aucun commentaire à faire. »
Xavier-Luc Duval
« Ceux qui ont pris la décision de renvoyer le CEO d’Air Mauritius dans les circonstances que l’on sait doivent s’expliquer. Je veux dire ceux qui ont donné des instructions aux membres du conseil d’administration pour adopter cette décision. »
Showkutally Soodhun
« Personne n’est indispensable. Je ne peux faire de commentaire. C’est le Board d’Air Mauritius qui est responsable et la compagnie est sous la tutelle du Premier ministre ».
Pravind Jugnauth
« Je ne compte pas commenter une décision prise par le Board d’Air Mauritius, ni réagir aux commentaires de Megh Pillay. »
Paul Bérenger
« Le MMM condamne le plus sévèrement possible le limogeage brutal et injuste de Megh Pillay. C’est un très mauvais signal pour le pays et les jeunes. C’est une honte pour ceux siégeant au sein du Board d’Air Mauritius, y compris ceux du secteur privé ».
Jack Bizlall
« Megh Pillay doit être réintégré à Air Mauritius. À sa place, je ne serais pas retourné à Air Mauritius, avec les mêmes Chairman et Board, dont l’agenda primaire est le pouvoir et l’argent. Je lui demande d’initier des poursuites contre Air Mauritius. »
Alan Ganoo
« La compétence et la crédibilité de Pillay ne pouvaient être mises en doute. A-t-il été victime d’un quelconque lobby ? Pourtant, Air Mauritius remontait la pente, avec un bilan réconfortant… »
Rama Sithanen
« Je suis triste pour Megh Pillay. C’est une personne compétente. Il a toujours abattu un excellent travail partout où il a été en poste ».
Bashir Jahangeer
« J’attends avec impatience les explications du leader du MSM, Pravind Jugnauth. C’est clair qu’il y a une confusion à ce sujet. »
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !