Faits Divers

Crimes passionnels : les six raisons principales

Tuer la personne qu’on aime semble être invraisemblable, mais certaines personnes aveuglées par la colère commettent l’irréparable. La cruauté de certains crimes et le nombre de cas rapportés récemment sont alarmants. Peut-on parler de banalisation ? Dossier.

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Vijay Ramanjooloo.

Crimes passionnels : un phénomène qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Les histoires d’amour ne connaissent pas toujours des fins heureuses. Jimmy Neerputh avoue avoir tué sa petite amie Anaïs Marie Anna Lysa par jalousie. Reena Rungloll a été tuée par son amant, Jimmy Amlesh, pour la même raison.

Ôter la vie de son ou de sa conjointe pour une histoire de cœur est courant en ce moment. La sociologue Zuhaira Ameer explique qu’il existe deux types de crime passionnel. Et les deux sont commis par une personne animée par la colère et la peur. Ce qui explique que de nombreux crimes passionnels ne sont pas prémédités. Le meurtrier agit souvent pour se venger et tue, car il veut en finir. Quelles sont les causes de ces crimes ?

Refus

« Il y a le sentiment d’insécurité qui s’installe. Souvent blessé, l’agresseur a du mal à accepter que tout soit fini et que l’autre ne veut plus de lui. Les crimes passionnels sont dérivés d’une passion prolongée soit l’obsession. Ainsi, l’idée que l’autre ne sera plus présent dans sa vie semble être inconcevable et l’irréparable est commis », indique la sociologue.

Convoitise

« Nous évoluons dans une société où on veut tout avoir à tout prix. Le désir extrême de posséder quelque chose ou quelqu’un est présent. De ce fait, quand on réalise qu’on ne possède pas l’autre, on le tuer. Bien que la relation soit instable et qu’un avenir avec l’autre soit impossible, on ne l’accepte pas », ajoute-t-elle.

Jalousie

« La jalousie peut être un signe de l’amour, mais elle empoisonne le couple, quand elle devient maladive. Cela est souvent la cause de manque de confiance en soi. Tout se passe dans la tête de l’agresseur. Il est convaincu que l’autre est infidèle et ne l’aime plus. C’est ce sentiment de peur et de colère qui engendre l’insécurité », poursuit-elle.
Technologie

« Disconnect to reconnect », la communication se fait de plus en plus rare dans le couple. Les gens sont plus connectés sur les réseaux sociaux que dans le monde réel. Au lieu de consacrer du temps à son couple et à sa famille, on se lie d’amitié avec d’autres personnes et cela occasionne parfois des relations extraconjugales. Quand l’infidélité est mise à jour, la violence s’installe », dit-elle.

Valeurs

« L’érosion de la culture est une réalité. Une vie moderne est recherchée, et les valeurs et croyances sont mises au placard. On ne différencie pas entre le bien et le mal et on ne réalise pas qu’on n’a pas le droit de prendre la vie d’autrui. La dégradation des valeurs morales nuit à la stabilité du couple », fait-elle observer.

Pour la sociologue, il est temps que les autorités fassent le point sur le dysfonctionnement de la cellule familiale et apportent des solutions. « Il devrait y avoir plus d’organisations non gouvernementales pour contrer les problèmes liés à la violence et cela dans différentes régions de l’île. Des campagnes de sensibilisation sur les peines prévues doivent être organisées. Plus de causeries sur les relations interpersonnelles et les relations de couples aussi. »

Violence

Selon le constat du psychologue Vijay Ramanjooloo, au niveau des crimes passionnels, 99 % des auteurs sont des personnes qui ont un casier judiciaire vierge. Selon ce dernier, cela démontre que la violence est inhérente à l’homme et que souvent elle fait surface lorsqu’on entame une relation amoureuse.

« Dans la plupart des crimes, c’est une violence à l’état brut qui survient. Pour les autres, la violence fondamentale reste au niveau des pensées. Dans plusieurs relations de couple, la pulsion agressive monte quand on ne fait plus la différence entre “moi” et “toi”. L’autre devient sa propriété et l’idée de le partager est difficile à accepter et les choses dégénèrent. Le présumé agresseur ne comprend pas que l’autre a une vie sans lui et qu’on ne peut pas s’approprier l’autre. »

Par ailleurs, il souligne que ce combat de propriété est souvent aperçu chez les hommes qui dominent. Dans notre système, le mari est le juge de la femme et son pouvoir n’a pas de limites. Si elle a commis une erreur telle que l’infidélité, il la punit et la tue. Le psychologue explique que cela peut être à cause de la société patriarcale.

Pour lui, c’est difficile d’accepter que sa conjointe ne l’aime plus et sa virilité est blessée. Le psychologue précise que souvent la victime nourrit ce fonctionnement macho, car elle fait fi aux signes de violence. « Alors qu’elle doit se positionner et se dire que sa vie est en danger et chercher de l’aide. Dans de nombreux de cas, elle n’agit pas même si elle détecte les signes de violence du bourreau. »

Vijay Ramanjooloo affirme qu’un gros travail de socialisation, afin de donner une réponse à cette violence, doit être fait pour gérer cela chez la personne. Il faut revoir son encadrement familial, religieux et éducatif pour comprendre la source du problème.

Me Germain Wong Yuen Kook : «Durcir la loi n’est pas vraiment la solution»

Que dit la loi en ce qui concerne les crimes passionnels à Maurice ? Selon Me Germain Wong Yuen Kook, le Code criminel reconnaît indirectement le crime passionnel et c’est même excusable. Cependant, il y a des conditions à respecter pour que ce soit excusable. Comme stipulé dans la Section 242 du Code criminel, le meurtre commis par l’époux sur son épouse et son amant est excusable s’il les surprend en flagrant délit d’adultère.

« Ainsi, dans tous les autres cas de figure, ce sera considéré comme un crime. Ainsi, s’il n’y a pas eu de préméditation, ce sera alors appelé un homicide (manslaughter). S’il y a préméditation ou guet-apens, ce sera alors qualifié de meurtre (“murder”). Il est à noter que la sentence pour le meurtre est généralement plus lourde qu’un homicide. Cela s’explique par le fait que dans le meurtre est planifié. Dépendant de la gravité et de l’atrocité des actes, l’accusé trouvé coupable, risque une peine de servitude pénale ne dépassant pas 60 ans. »

N’est-il pas temps de durcir les lois en ce qui concerne les crimes passionnels ? L’avocat estime qu’un durcissement des lois va résoudre ou diminuer les crimes passionnels. « Le meurtrier est aveuglé complètement par la vengeance, la haine ou la colère. Le durcissement de la loi concernant la violence domestique agira comme un frein pour éviter que la violence domestique ne se transforme en un crime passionnel. »

Aurore Perraud : «Le ministère n’est pas insensible aux crimes passionnels»

Pour la ministre de l’Égalité des genres, il est essentiel d’encourager les gens à avoir les bonnes réactions face aux difficultés de la vie. Cela permettra, selon elle, de lutter contre la violence conjugale. Dans une déclaration faite à Le Dimanche l’Hebdo le samedi 12 novembre, Aurore Perraud souligne que le ministère ne reste pas insensible aux récents cas de crimes passionnels.

Pour elle, l’aspect le plus important sur lequel il faudrait travailler c’est la réaction des agresseurs. « Les crimes passionnels résultent souvent de la jalousie, d’un manque de communication et de l’inaptitude des gens à gérer leurs émotions. Nous devons travailler sur ses facteurs. »

D’ailleurs, a-t-elle ajouté, le ministère intensifie ses campagnes et adopte de nouvelles approches pour lutter contre ce fléau. Aurore Perraud a précisé que durant la semaine écoulée, une marche pacifique a été organisée pour sensibiliser la population à ce phénomène. Selon la ministre, le plus gros défi reste le changement de mentalité.

Mais elle affiche l’optimisme. « Nous remporterons la bataille contre la violence conjugale. C’est un travail qui demande la collaboration de tous, y compris celle des corps religieux et du secteur privé. »

Preetee Ramotar : «J’ai vu mon père tuer ma mère»

Gyaneeram Ramotar, âgé de 56 ans, a été condamné, le mercredi 9 novembre, à 28 ans de prison en Cour d’assises. L’accusé a été jugé coupable par le juge Benjamin Marie-Joseph du meurtre Sunita, le 1er avril 2013, après 28 ans de mariage.

Ce drame a fait quatre orphelines, âgées de 10 ans à 26 ans. Preetee, l’une d’elles, 24 ans, a vu son père tuer sa mère à coup de sabre dans la cuisine. La scène est gravée dans sa mémoire. « J’étais dans la chambre à coucher quand j’ai entendu ma mère crier : « Ayo Ayo ». Elle a accouru pour voir ce qui se passait et a voulu intervenir, mais son père l’a menacée. « Si to koste mo touy twa parey. »

Sa petite sœur, âgée de 7 ans à l’époque, a vu le corps de sa mère gisant dans une mare de sang sur le sol. Depuis elle fait des cauchemars et elle est suivie par un psychologue. Après le meurtre elle est allée vivre chez une tante. « La famille préparait le mariage d’une de mes sœurs qui a eu lieu en septembre 2013. Notre vie a basculé et la disparition de ma mère a laissé un grand vide. À chaque fête, elle nous manque », raconte-t-elle.

« Mon père est un monstre. Il a détruit toute une famille. Et jamais je ne lui pardonnerai ce qu’il a fait. Pour moi la sentence de 28 ans n’est pas suffisante. Il mérite une condamnation plus sévère », estime-t-elle.

Ranjeet Jokhoo : «J’ai eu à traiter une dizaine cas»

Ranjeet Jokhoo, ancien inspecteur de police affecté à la Major Crime Investigation Team, est d’avis que le crime passionnel résulte de la passion, de l’amour déçu, de la jalousie excessive, de la colère...

« Souvent la défunte est la concubine, la maîtresse ou l’épouse. Aussi longtemps qu’il y aura la passion et l’amour il y aura des crimes passionnels. Durant ma carrière, j’ai eu à traiter plus d’une dizaine cas », explique-t-il. « Ce sont toujours des personnes possessives et aveuglées par l’argent, la jalousie, le soupçon, la trahison ou l’infidélité. Aucun crime n’est justifié », selon lui.

« Le crime est commis de diverses façons : en utilisant un ‘grinder’, du kérosène pour brûler la victime, l’arme blanche, par étranglement, etc. Il n’y a pas d’âge, de race ou de couleur. Tout est possible dans un accès de colère », poursuit-il.

 

Quelques crimes... à Maurice

  • 17 juillet 2007. Mauhammad Shahedeen Baccarally, un laboureur de 32 ans tue sa petite amie Devika Damry, 18 ans, à Camp Lilas, Triolet. Il écope de 25 ans de prison.
  • 2 mars 2010. À chemin Balance, Bel-Air-Rivière-Sèche. Kevin Ubhee, qui se serait épris de la petite amie d’un autre, est mortellement agressé par quatre personnes.
  • 30 juin 2010. À Flacq, Satyadev Ramlall, tue sa maîtresse Divyana Padaruth, en lui faisant boire une boîte de jus empoisonnée.
  • 13 août 2010. À Bois-Marchand, Wilbert Julio Lacharmante, 24 ans, inflige des coups à Jean Jesson Beedasee, 18 ans, et le tue. Ce dernier aurait entretenu une relation avec sa petite amie.
  • 7 décembre 2008. Alexandre Zico Koomanikooa tue son épouse, Marie Christine Théodore, après avoir eu des doutes sur la fidélité de celle-ci.
  • 25 mars 2009. À Castel Navin Dhurry tue sa maîtresse, Asha Ramchurn, 26 ans, dans un champ de canne après une dispute.
  • 12 février 2012. Sanjeev Ramessur soupçonne que sa maitresse Veenoo Naiko le trompe il la tue par étranglement.


... sur le plan international

  • Oscar Pistorius : Le 14 février 2013, le sportif handicapé Oscar Pistorius est inculpé du meurtre de sa petite amie Reeva Steenkamp. L’athlète sud-africain a tiré sur elle, le soir de la Saint-Valentin. Il est condamné à cinq ans de prison, le 21 octobre 2014.
  • O.J. Simpson : Le procès d’O.J. Simpson divise les États-Unis en 1994, lorsqu’il est suspecté d’avoir tué son ex-épouse et le petit-ami de celle-ci. Après des années de procès très médiatisés, il est finalement reconnu non-coupable par la justice américaine.
 

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