Les crimes sont de plus en plus abominables de nos jours. Pensez-vous que nos lois sont-elles assez dissuasives ? Où se situent les manquements ? Comment peut-on résoudre ce fléau qui prend de l’ampleur ? Me Yuvir Sharma Bandhu nous apporte des éclairages à ce sujet.
Les crimes se sont intensifiés et ont évolué dans notre société contemporaine. Quelles sont les dispositions légales actuelles concernant les homicides ?
La législation principale sur le meurtre, l'homicide volontaire et l’homicide involontaire est établie dans le Code pénal de 1838, ainsi que dans la loi de procédure pénale de 1853. L'article 216 du Code pénal prévoit que « tout meurtre commis avec préméditation ou de guet-apens est qualifié d’assassinat ». Dans la loi mauricienne, l’article 217 définit « la préméditation » et l’article 218 celle du « guet-apens ».
Qu’est-ce que le « manslaughter » ?
Le « manslaughter » est défini en vertu de l'article 215 du Code pénal. Il s’agit d’un homicide qui est commis volontairement et qualifié de meurtre.
Que se passe-t-il en cas d'homicide involontaire ou de décès dû à la négligence ?
L'article 239 stipule que toute personne qui, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou non-respect des règlements, provoque involontairement un homicide, peut être condamnée à une peine de prison et à une amende ne dépassant pas Rs 150 000 en cas de verdict de culpabilité.
Parlez-nous des différences entre le meurtre, l’homicide volontaire et l’homicide involontaire ?
La différence se trouve dans les éléments constitutifs des infractions. Pour pouvoir établir l'infraction de meurtre, l'élément de préméditation ou de guet-apens doit être présent.
L'homicide volontaire est le fait de tuer avec intention, mais sans préméditation. Par exemple, lorsqu'un meurtre est commis à la suite d'une provocation ou lors d'une dispute spontanée.
Le terme homicide involontaire signifie qu'un meurtre n'est pas intentionnel et résulte d'une imprudence ou d'une négligence. Cela peut se produire, par exemple, dans le contexte d'un accident de la route ou lors d'un traitement médical.
La loi prévoit-elle d'autres catégories d'infractions similaires au meurtre, à l'homicide volontaire et à l'homicide involontaire ?
Oui, l'article 220 du Code pénal prévoit l'infraction de meurtre d'un enfant nouveau-né et d'infanticide. La peine pour ce délit est la même pour meurtre.
Il est aussi important de noter que la tentative de meurtre ou la tentative de meurtre d'un enfant nouveau-né est passible de la même peine que le meurtre. (Article 222(1)(b) du Code pénal).
Qu’est-ce qui peut conduire à un meurtre ?
Plusieurs éléments et motivations peuvent inciter une ou plusieurs personnes à perpétrer un meurtre. Ces facteurs incluent, entre autres, des vols qui ont mal tourné, la colère, des problèmes de santé mentale, la violence associée aux gangs, l'influence de la drogue, la quête de vengeance et d'autres éléments, tous susceptibles de conduire un individu à commettre cet acte répréhensible.
Que se passe-t-il lorsque le meurtrier est un membre de la famille ou un proche ?
En cas de circonstance aggravante présentée devant un tribunal, celle-ci sera prise en considération lors du prononcé du verdict.
Comment peut-on corriger les failles dans notre législation ?
La peine de mort a été abolie à Maurice en 1995 et la dernière exécution remonte à 1987. Le sujet reste sensible. À mon avis, le dilemme entourant la peine de mort se résume ainsi : que se passe-t-il en cas d'exécution d'une personne qui s'avère plus tard être innocente ? Il y a eu de nombreux cas d'erreurs judiciaires à travers le monde. De plus, il existe l'argument selon lequel la peine de mort est inhumaine.
Je pense qu'avec le cadre juridique adéquat, la peine de mort peut être à nouveau appliquée uniquement pour des cas où il y a des preuves accablantes et qui ne peuvent être fabriquées, par exemple, lorsqu'un meurtre a été filmé par une caméra et qu'il existe des preuves ADN, entre autres. Le critère juridique doit aussi être au-delà de tout doute raisonnable.
Quelles sont les sanctions prévues ?
- La peine maximale pour meurtre est la peine à vie, soit 60 ans de prison. (Article 222(1)(a) du Code pénal).
- Pour homicide volontaire, en cas d’un verdict de culpabilité, la personne est passible d'une peine maximale de 45 ans (Article 223(3) du Code pénal).
Nos lois sont-elles assez dissuasives ?
Dans un premier temps, il est important d'examiner cette question de manière objective, même si cela peut s'avérer difficile. Le but de condamner une personne est de lui donner la possibilité de se réformer et de se réhabiliter. Il est vrai que certains meurtres sont commis avec préméditation, mais il semblerait qu'à Maurice, la plupart d'entre eux soient commis spontanément. Actuellement, la peine maximale pour meurtre est la peine à vie. Le débat qui s'ensuit est donc, devrions-nous réintroduire la peine capitale ?
Quelques cas qui ont défrayé la chronique
2023
45 ans de prison à Kevin Guyome Lisette pour le meurtre de son père
Kevin Guyome Jean Pascal Lisette, âgé de 25 ans, a été condamné le 3 octobre 2023 à 45 ans de prison devant la Cour d’assises, après avoir été reconnu coupable à l’unanimité par les membres du jury du meurtre de son père, Christian Guy Daniel Lisette, âgé de 51 ans. Ce crime a été commis le 2 septembre 2019 à Rose-Belle.
Le jeune homme était accusé de meurtre et avait plaidé non coupable lors de son procès. Dans ses aveux, l'accusé avait déclaré avoir entendu « des voix dans sa tête » avant de commettre le crime. Il s’est donc rendu dans la cuisine pour récupérer un couteau, avant de retourner dans la chambre pour poignarder son père à quatre reprises. Par la suite, il s’est constitué prisonnier au poste de police de Rose-Belle.
Dans son arrêt, le juge Luchmyparsad Aujayeb avait qualifié ce crime d'atroce, notant que l'accusé avait pris la vie de son père de manière impitoyable.
2022
Meurtre du petit Ayaan (2 ans) en 2020 : 39 ans de prison au beau-père, Sheik Mohammed All Ashar Sobratee
Sheik Mohammed All Ashar Sobratee, 26 ans, a été condamné à 39 ans de prison le 17 juin 2022 en Cour d’assises. Il a été reconnu coupable à l'unanimité par les membres du jury pour le meurtre de son beau-fils, Muhammad Ayaan Moeen Ud Din G. Ramdoo, âgé de deux ans. Un crime commis le 12 novembre 2020 à Midlands.
Cet individu âgé de 26 ans faisait l'objet d'une accusation de « manslaughter » devant la Cour d'assises pour avoir battu à mort le jeune Ayaan. Il avait plaidé non coupable.
Le juge Luchmyparsad Aujayeb a souligné la gravité du délit commis par l'accusé, en particulier parce qu'il était le beau-père d'Ayaan. Il a mis en avant les circonstances aggravantes de l'affaire, notamment les blessures et le traumatisme infligés à l'enfant. Il a noté qu'Ayaan était innocent et vulnérable, et qu’il avait supplié l'accusé d'arrêter les coups en disant « papa boubou ». Cependant, le juge a également pris en considération le jeune âge de l'accusé et le fait qu'il avait conduit l'enfant à l'hôpital dans l'intention de le sauver.
2018
Meurtre de Stacey Henrisson en 2012 : Prison à vie maintenue pour Jayraj Sookur en appel
Le 16 novembre 2018, la Cour suprême a maintenu la peine à vie, soit 60 ans de prison, à Jayraj Sookur (57 ans) pour le meurtre de sa belle-fille, Stacey Henrisson, âgée de 17 ans. La Cour avait ainsi rejeté l’appel interjeté par le quinquagénaire qui contestait sa condamnation.
Jayraj Sookur était poursuivi en Cour d’assises pour le meurtre de Jessica Winny Stacey Henrisson survenu, le 5 mai 2012, à Bonne-Mère. Il avait plaidé non coupable. Le 5 février 2016, il avait été jugé coupable par les membres du jury à une majorité de sept contre deux. Il avait été condamné à la prison à vie en Cour d’assises.
Dans leur jugement, la Cour suprême a fait état que le verdict des jurés était raisonnable et que le juge avait bien dirigé les membres du jury dans son « summing-up », contrairement à ce qu’avait avancé Jayraj Sookur dans ses points d’appel. De plus, la Cour suprême avait évoqué qu’il méritait amplement la prison à vie pour le meurtre de sa belle-fille.
Dans ses dépositions à la police, Jayraj Sookur avait dit que la mort de l’adolescente de 17 ans était un accident. Il avait dit avoir été paniqué et avait enveloppé le corps de la victime dans un sac-poubelle et un tapis noir avant de se débarrasser du cadavre dans un ravin, à Plaine-Champagne, avec l’aide de son ami Ramdassen Tany. Ce dernier avait été, quant à lui, condamné à 12 mois de prison, le 16 décembre 2015 devant la cour intermédiaire.
2021
Meurtre de Marie Helena Edwards Gentil (11 ans) en 2015 : 55 ans de prison à James Jonathan Ramaswamy
James Jonathan Ramaswamy, 32 ans, a été condamné le 8 octobre 2021 à 50 ans de prison en Cour d’assises pour le meurtre de Marie Helena Edwards Gentil, 11 ans. Cette dernière était portée marquante depuis le 6 avril 2015. Ce n’est que cinq jours plus tard que son corps a été retrouvé à La Peyrehill à Nouvelle-France, à environ cinq mètres de la bordure de la route principale, à l'intérieur d'une réserve d’un chassé. Le trentenaire avait plaidé coupable lors de son procès.
Dans sa décision, le juge Luchmyparsad Aujayeb a exprimé de vives critiques. Il a souligné que les enfants sont des êtres innocents et vulnérables qui placent leur confiance dans les adultes, notamment au sein de leur cercle familial, pour les aimer, les protéger et les nourrir. Il a estimé que trahir cette confiance et ôter la vie à un jeune enfant innocent représente le crime le plus abominable qu'un individu puisse commettre.
Meurtre de la Sud-Africaine Lara Bianca Rijs en 2017 : Salib Meerhossen condamné à vie
Le 14 septembre 2021, Salib Meerhossen, âgé de 59 ans, a été condamné à une peine d'emprisonnement à vie (60 ans de prison) par la Cour d'assises pour le meurtre de Lara Bianca Rijs, une Sud-Africaine de 34 ans. Cette condamnation est intervenue après que les jurés l'ont unanimement reconnu coupable pour un crime qui s'est déroulé dans la soirée du 13 au 14 août 2017 à la Résidence A.O Deluxe, à Pereybère où le quinquagénaire travaillait comme vigile. Cet habitant de Plaine-des-Roches avait plaidé non coupable.
Dans son verdict, le juge Luchmyparsad Aujayeb a qualifié le crime de Salib Meerhossen, d’atroce et de barbare. Il était aussi revenu sur les blessures que portait la victime, soulignant que l’accusé avait fait usage de « force » pour l’égorger.
Une baisse dans les cas de condamnations de « manslaughter »
Le nombre de cas pour homicide involontaire devant la Cour d’assises a connu une baisse en 2022 avec 5 cas, en comparaison à 2021 avec 8 cas. Concernant les meurtres, on en compte 5 cas en 2022 contre 4 en 2021. Pour les condamnations, il y a eu également une baisse dans le nombre de « manslaughter » aux assises, soit de 5 en 2022 à 8 en 2021.
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