Légiste mauricien à Londres, Covi Narsinghen déplore le fait que l’ensemble de la profession légale à Maurice soit puni par le Judicial Committee du Privy Council pour la faute commise par seulement quelques hommes de loi. Il fait référence à la fuite de l’ébauche du jugement des Law Lords dans l’affaire MedPoint qui a exonéré Pravind Jugnauth de tout blâme. Le ‘draft’, pourtant sous embargo, avait été communiqué aux avocats engagés dans l’affaire. La semaine dernière, le Privy Council a décidé de mettre fin à ce privilège pour les Mauriciens.
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La semaine dernière, le Privy Council a sanctionné Maurice pour la fuite de l’ébauche du jugement acquittant le Premier ministre, Pravind Jugnauth, dans l’affaire MedPoint avant que le jugement ne soit rendu fin février. Les ébauches ne seront plus circulées par les Law Lords dans les appels portés devant cette instance par Maurice. Votre réaction ?
Je souhaite d’abord faire une petite parenthèse. Ce que vous appelez un acquittement était en fait techniquement parlant un « appeal on points of law », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Pour répondre à votre question directement, ce sont les règles attachées à un « embargoed judgment » qui n’ont pas été respectées. Je pense que c’est une entorse grave qui porte préjudice à la réputation de l’ensemble des hommes de loi qui exercent au barreau. C’est une honte pour notre pays ! Tout le monde prend un sale coup.
Vous, qui êtes juriste à Londres, aviez demandé officiellement au Privy Council de faire la lumière sur cette affaire. Vous attendiez-vous à ce dénouement ?
J’avais effectivement demandé cela au Privy Council, car je trouvais très indécent que l’embargo n’ait pas été respecté. J’étais d’autant plus indigné après avoir vu un ministre jubiler sur sa page Facebook, le jour même où l’« embargoed judgment » a été communiqué aux parties concernées. À ce moment-là, le jugement n’était pas encore officiel. En fait, je m’attendais à une sanction plus sévère contre les parties concernées, c’est-à-dire les personnes responsables de cette fuite. Mais là, le Privy Council a décidé de tout simplement sanctionner tous les hommes de loi mauriciens dans son ensemble. Je trouve que c’est décevant que les brebis galeuses s’en sortent indemnes et que l’ensemble de la profession soit puni. Mais j’ai réitéré ma demande de faire toute la lumière sur cette affaire au Privy Council et j’attends, car la réputation de mon pays me tient à cœur. Et après avoir communiqué avec le Privy Council, on m’a fait comprendre que « l’affaire n’est pas encore conclue ». C’est la réponse officielle que j’ai eue lundi matin. Donc, j’attends pour la suite.
Est-ce grave pour la réputation du judiciaire mauricien ?
Bien sûr que c’est grave, car c’est la réputation du judiciaire qui prend un sale coup. Beaucoup ont fait preuve d’un professionnalisme de très haut niveau pour bâtir et sauvegarder cette réputation établie du judiciaire mauricien ici et ailleurs et cela pendant des décennies. Et voilà que quelques personnes qui oublient l’éthique partent en vitesse annoncer un jugement qui ne devait pas être communiqué au public à ce moment-là. Les responsables de cette maladresse qui voulaient faire plaisir à Monsieur Jugnauth, ont porté atteinte à notre réputation et terni notre image. C’est l’indécence. D’ailleurs, il faut entendre ce qu’on dit dans les couloirs des cabinets légaux, ici, en Angleterre sur l’affaire MedPoint. Mais c’est une honte, surtout qu’on parle ici d’une affaire qui concernait un Premier ministre en poste. Au Comité judiciaire du Privy Council, je peux vous dire que cela laisse un goût amer. Cette maladresse confirme un peu le niveau de professionnalisme de ces brebis galeuses.
Me Yousuf Mohamed déplore que cette instance affecte l’ensemble des avocats mauriciens « alors que le péché a été commis par certains seulement ». Partagez-vous son opinion ?
Monsieur Mohamed a tout à fait raison de dire cela. C’était ‘very unethical to disclose this embargoed judgment with a confidential seal’. Ce sceau de confidentialité a été établi depuis 1998 par le Lord Chief Justice de la Cour suprême britannique. Et celui-ci avait pris cette décision à la lumière d’un raisonnement.
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