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Courses sauvages : les fous du guidon affolent la police

Un adolescent allongé sur une motocyclette lancée plein pot sur la voie publique. La photo a fait le buzz sur la Toile cette semaine. Les Casernes centrales ont ouvert une enquête.

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Si cette photo suscite son lot de commentaires aussi bien que des interrogations, elle met en lumière le phénomène de courses de motocyclettes de petites cylindrées sur routes ouvertes.

Courses Sauvages
Départ d’une course légale à Jin Fei.

Aux Casernes centrales, les plaintes pour pollution sonore provoquée par ces courses sauvages ne cessent d’augmenter. Même si la police monte des opérations en vue de traquer les adeptes de « runs », les courses se font de plus belle. Et ce n’est pas les techniques qui manquent. Lors des épreuves sur ligne droite entre deux motos, les pilotes se couchent, dans la plupart des cas, sur leur deux-roues une fois l’engin lancé à vive allure.

Didier Bot
Didier Bot

Didier Bot, qui a délaissé les routes ouvertes pour les circuits sécurisés, confie qu’il a été l’un des premiers à utiliser cette technique à Maurice lors de runs. « Les cyclomoteurs utilisés lors des runs ne sont pas conçus pour la course. Le pilote doit se coucher pour se protéger du vent de face. Cette position aérodynamique lui permet de gagner en vitesse », explique notre interlocuteur.

Cette technique n’est pas sans danger, ajoute Jean, un ancien pousseur. « La peur qu’un chien ne traverse la route ou que surgisse le moindre pépin au niveau du moteur est présente, mais l’adrénaline nous fait surmonter cette frayeur, surtout quand on est en tête de la course couché sur la moto, avec l’estomac collé contre le réservoir d’essence.»

Le danger est omniprésent quand le pilote est dans cette posture. « C’est encore plus dangereux, car la tête est plus exposée au danger. C’est une course entre la vie et la mort », concède Jean.

Les runs sauvages se déroulent habituellement en ligne droite dans des endroits isolés.  Si les pilotes portent un casque intégral, des genouillères et un blouson, il n’empêche que les risques d’accident sont grands. Les spectateurs se tiennent des deux côtés de la route et, en cas de dérapage, attention les dégats, car la moto est lancée à pleine vitesse.

L’un des endroits de prédilection pour les adeptes des runs est la Ring Road, à Pailles. Les férus de la vitesse se heurtent, cependant, à de fréquentes patrouilles policières, déplore un adepte de ces courses.

« Les amateurs de football ont commencé à jouer dans la rue. Dans notre cas, notre sport favori est la course de motos en ligne droite. Malheureusement, il n’existe pas ce type de courses dans un cadre légal et structuré à Maurice. Nous sommes contraints de nous rendre à des endroits  isolés, comme à la Ring Road. Le samedi, avec mes amis, nous nous y rendons pour faire la course et on ne dérange personne, car l’endroit est à peine fréquenté. Mais la police nous empêche de pratiquer notre sport à cet endroit. Si cela continue, nous n’aurons d’autre choix que de retourner sur d’autres sites traditionnels, notamment au circuit « Royal », à Camp-Chapelon, ou sur l’autoroute de Roche-Bois », confie un motocycliste propriétaire d’un deux-roues peint aux couleurs de Red Bull et préparé spécialement pour les runs.


Reshad Khoyratty : « Venez participer à des rallyes légaux »

Reshad Khoyratty

Face au phénomène de courses sauvages, le président du Moto Club de Port-Louis, Reshad Khoyratty, invite les amateurs à venir participer à des courses qui se déroulent en toute légalité « Je demande à ces jeunes d’adhérer à des clubs existants afin qu’ils puissent évoluer lors des compétitions organisées dans une cadre légal et sécurisé. De plus, la construction d’un circuit homologué visera à décourager les jeunes à participer à des courses sur routes ouvertes. » Le pilote Didier Bot abonde dans le même sens. « Un circuit sécurisé et l’organisation de courses en ligne droite de 400 mètres à intervalles réguliers peuvent encourager les adeptes à délaisser les routes ouvertes pour participer à des courses dans des endroits sécurisés.»

Shiva Coothen, inspecteur de police : « Nous faisons tout pour éliminer ce phénomène »

Shiva Coothen

La force policière a enregistré de nombreuses plaintes relatives aux rallyes clandestins. Aux Casernes centrales, on souligne que la police ne reste pas les bras croisés. « Nous menons des opérations surprises sur les routes prisées par les pousseurs. Mais nous avons constaté que ceux qui participent à ces folles épreuves placent des guetteurs non loin et ceux-ci donnent l’alerte dès que les policiers se pointent. Nous faisons de notre mieux pour venir à bout de ce problème », indique l’inspecteur Shiva Coothen, du service de presse de la police.


Les motos préférées

Moto
Une moto customisée aux couleurs d’une fameuse écurie de sports mécaniques.

La Honda 100 (H100), perçue comme l’une des plus vives, la Suzuki AX 100, la Honda Cg 125, la Lifan 125, la Keeway 150, la Delta AX 100, la DT 125, la TS 125, la Haojue et la Mondial, entre autres.

Modifications

Une moto d’origine n’est pas suffisamment puisante pour ce type de courses. Les pousseurs se voient, donc, contraints d’apporter d’importantes modifications à leur deux-roues afin de réaliser des performances époustouflantes. Celles-ci sont effectuées au niveau du guidon, puis sur la chaîne, les petits pions d’origine sont remplacés par des grands, de petits sporkets. Au niveau du moteur, le cylindre est « rebuild », on y place un plus gros piston et le pot d’échappement est modifié pour apporter plus de puissance. S’il n’y a pas de limite en ce qu’il s’agit du budget, en général, ces modifications peuvent coûter entre Rs 20 000 et Rs 25 000.

Les « circuits » prisés

  • Port-Louis : De l’usine Mauvilac au collègeRoyal de Port-Louis
  • Pailles: Ring Road
  • Goodlands
  • Triolet By-Pass
  • Balaclava
  • Cité Vallijee
  • La Tour-Koenig, à proximité de l’usine de la Compagnie mauricienne de textile

Un policier : « Des pousseurs se donnent en spectacle à la Ring Road »

Grande fut la surprise d’un policier de la capitale quand ses collègues et lui se sont rendus à la Ring Road, à Pailles, récemment. Ils intervenaient à la suite de doléances adressées par des riverains se plaignant de pollution sonore. Les policiers ont fait le déplacement à bord de deux fourgonnettes. « Quand nous sommes arrivés sur place, j’ai été choqué de voir autant de spectateurs, il y en avait environ 300. Ils étaient venus à moto, en voiture et à bord de fourgonnettes. Ils se donnaient en spectacle à vive allure », précise le policier. Les mordus de la vitesse ont été verbalisés et la police a dégagé la route.


Run fatal à Camp-Chapelon

La nouvelle avait fait l’effet d’une bombe en septembre 2006. Deux jeunes, Nasrudeen Peerally (20 ans) et Wasser Dobir (18 ans), ont quitté ce monde tragiquement. Officiellement, il s’agissait d’un banal accident de la route. Selon nos recoupements, cet accident a été maquillé en une sortie habituelle entre potes pour se rendre à l’hôtel Pakistan, Port-Louis. Mais il s’agissait, en fait, d’une course entre trois motos.

Les engins des deux victimes, des Honda 100cc, sont entrés en collision en pleine course. Le choc a été si violent que Nasrudeen a été tué sur le coup, alors que Wasser a souffert pendant de longues minutes, avant de rendre l’âme à l’hôpital. « En réalité, ils faisaient la course. Trois motos s’étaient lancées et l’une d’elles avait déjà creusé une avance considérable et quelques minutes après, j’ai eu la nouvelle de l’accident. Nous ignorons toujours les circonstances de ce drame », raconte Shameem, le frère de Wasser.

Il souhaite qu’il y ait un circuit sécurisé afin de permettre aux passionnés de pratiquer leur sport. Nazimoodeen pleure, lui, la disparition de son fils Nasrudeen, parti à la fleur de l’âge. Cet homme de 52 ans se remémore comment son fils était un passionné de moto. « Durant son temps libre, il bricolait sa moto. Il était fasciné par les grosses cylindrées », confie le papa. Il souhaite, lui aussi, que les autorités construisent une piste sécurisée pour les courses de motos. « Tout comme les autorités ont aménagé des terrains de foot, il faut construire un circuit afin d’éviter d’autres drames », propose-t-il.

Adrien a les mains et un pied fracturés

Un drame a été évité de justesse en 2011. Alors qu’Adrien participait à une course, sa Honda 100, lancée à vive allure, a terminé sa course contre un véhicule de la police. « Je menais la course confortablement sur mes deux adversaires, quand ma motocyclette a percuté violemment un véhicule qui s’est présenté subitement devant moi », se souvient Adrien. Conséquence, il a eu la main droite fracturée, ainsi que le poignet et le pied gauches disloqués. Cela s’est passé dans l’ouest de l’île. « Depuis trois ou quatre ans, je participe à des runs illégaux, car les conditions pour participer aux rallyes légaux sont trop exigeantes, du fait qu’il faut être détenteur d’un permis », explique-t-il. Ses premières séances de roulage, le pousseur les a faites sur la selle d’une Honda 100. Le jeune homme a poussé sa moto à fond sur plusieurs routes à longues lignes droites du nord et de l’ouest de l’île.

 

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