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Corruption et pots-de-vin : comment dénoncer et combattre ces fléaux

Me Rubesh Doomun.

La corruption et les pots-de-vin sont des crimes en pleine expansion, dont les conséquences peuvent être catastrophiques pour une société. Ils sapent la confiance dans les institutions, affaiblissent l'État de droit et freinent le développement économique et social. Quelles sont les peines encourues pour ces délits ? Le pays dispose-t-il des moyens et lois pour lutter efficacement contre ce fléau ? 
Me Rubesh Doomun, associé chez Dentons Mauritius, nous livre son analyse.

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Qu'est-ce qu’un pot-de-vin ?

Selon Me Rubesh Doomun, le pot-de-vin est une pratique illégale qui consiste à offrir de l'argent ou d'autres avantages à une personne en position d'autorité ou de pouvoir dans le but d'obtenir un traitement préférentiel ou des avantages indus. Par exemple, cite l’avocat, on peut réclamer des pots-de-vin pour décrocher des contrats, des autorisations ou des faveurs politiques. Cette pratique, dit-il, est considérée comme un acte de corruption. Elle est illégale dans la plupart des pays. Les pots-de-vin sont également connus sous le nom de « sous la table », « bakchich » ou « enveloppe brune ».

Que se passe-t-il pour la personne qui fait la dénonciation ?

Maurice a ratifié deux conventions internationales, la Convention des Nations Unies contre la corruption et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles. Ces deux conventions stipulent que les États doivent offrir une protection efficace contre les représailles ou l'intimidation aux témoins. En outre, Transparency Mauritius a proposé une loi de protection pour les lanceurs d'alerte en 2022.

La Mauritius Revenue Authority (MRA) encourage son personnel et le public à signaler tout comportement malhonnête ou contraire à l'éthique qui affecterait les contribuables, les utilisateurs des services, les parties prenantes, le public et l'intégrité de l'autorité. Tous les rapports sont traités dans la plus stricte confidentialité. L'identité du dénonciateur qui apporte ces informations au directeur général de l’Internal Affairs Division est gardée confidentielle. La MRA veille à ce qu'il n'y ait pas de représailles contre la personne qui a fait la dénonciation de bonne foi.

Dispositions Légales ?

Me Rubesh Doomun remarque que le Code pénal mauricien comprend certaines dispositions relatives à la corruption. Néanmoins, au cours de la dernière décennie, Maurice a créé plusieurs nouvelles lois spécifiquement destinées à combattre la corruption. Il se réfère également au programme gouvernemental de 2012-2015 qui a mis en place la Convention des Nations Unies contre la corruption (UNCAC Coalition 2013). L'avocat mentionne la loi de 2002 sur la prévention de la corruption (PoCA) qui demeure l'instrument juridique principal dans la lutte contre la corruption à Maurice. Cette loi prévoit également des dispositions pour les lanceurs d'alerte et la protection des témoins.

Il existe la loi sur la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLIA) qui établit les critères du blanchiment d'argent et prévoit des sanctions pour ces actes illégaux. En outre, la Financial Intelligence Unit (FIU) énonce les procédures de déclaration et autres mesures pour lutter contre le blanchiment d'argent.

La Financial Services Act, quant à elle, confirme le statut de la Commission des services financiers en tant qu'organisme de réglementation indépendant des institutions financières non bancaires et des prestataires de services financiers.

À qui peut-on s'adresser pour signaler un cas de corruption ?

Me Rubesh Doomun indique qu’à Maurice, il existe plusieurs façons pour dénoncer un cas de corruption ou de pot-de-vin. Il énumère les différentes étapes :

  • Pour dénoncer l'incident de corruption, vous pouvez contacter la Commission anti-corruption (ICAC) à Maurice par téléphone, courrier électronique ou en personne. Les informations de contact de l'ICAC sont disponibles sur son site web.
  • Si vous souhaitez alerter un cas de corruption de manière anonyme, utilisez la plateforme en ligne de l'ICAC ou contactez une organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée dans la lutte contre la corruption, telle que Transparency Mauritius.
  • Contactez la police pour dénoncer tout acte de corruption ou de pot-de-vin.
  • Si vous êtes employé dans une entreprise ou une organisation et que vous soupçonnez des pratiques de corruption, il est recommandé d'informer l'incident aux Ressources Humaines ou à votre superviseur conformément aux politiques et procédures établies par l'entreprise ou l'organisation.
  • Il est important de noter que la dénonciation d'un cas de corruption ou de pot-de-vin peut être risquée et avoir des conséquences pour la personne. C'est pourquoi il est essentiel de prendre des précautions et de consulter un avocat si nécessaire.

Quid de la corruption ? 

La corruption, explique Me Rubesh Doomun, est un comportement immoral et illégal. Elle implique l'utilisation abusive d'une position de pouvoir. L’objectif est d’obtenir un avantage personnel ou dans le but de favoriser une autre personne ou une entité en échange d'une récompense financière, entre autres. Ce délit inclut des pots-de-vin, des détournements de fonds, des trafics d'influence et des conflits d'intérêts.

Les sanctions 

Me Rubesh Doomun affirme qu'il s'appuie sur la loi PoCA, qui prévoit clairement les sanctions contre la corruption à Maurice. « Toute personne qui offre ou reçoit une gratification risque de faire face à une réclusion pour une durée n'excédant pas dix ans. De plus, Maurice a introduit une limite de Rs 500 000 sur tous les mouvements transfrontaliers d'espèces en vertu de la section 131 A de la Customs Act. Ainsi, le non-respect de ces réglementations est une infraction pénale, passible d'une amende pouvant aller jusqu'à Rs 2 millions », indique-t-il.

Avons-nous réellement les moyens pour lutter contre ces fléaux ?

Me Rubesh Doomun est catégorique. Maurice dispose d'un cadre solide pour lutter contre la corruption. Toutefois, le problème, selon lui, est que ces lois ne sont pas appliquées de manière cohérente. 
Les législations en place pour sanctionner la corruption à Maurice sont notamment la PoCA, la Bank of Mauritius Act 2004, la Banking Act 2004, la Declaration of Assets Act 2018, la Companies Act 2001, la Criminal Code Act 1838 et la Financial Service Act 2007.

Cependant, Maurice a figure sur la liste noire de l'Union européenne pour la corruption pendant deux ans. Où se situent les lacunes dans notre système ?

« Actuellement, l'île Maurice occupe le 50e rang sur 180 pays évalués en termes de lutte contre la corruption. Bien que ce classement soit relativement bon et que nous ayons quitté la liste noire en 2022, il reste encore des lacunes dans la lutte contre la corruption qui doivent être adressées », soutient-il. En revanche, selon son observation, certaines entreprises peuvent avoir des pratiques de corruption et des conflits d'intérêts. Tout comme cela peut exister au sein de certains organismes gouvernementaux où des cas de corruption ne seraient pas signalés ou poursuivis de manière adéquate.

« Le gouvernement mauricien a pris des mesures pour combattre ce fléau en mettant en place l’ICAC et en adoptant des lois anti-corruption plus strictes », précise-t-il. Cependant, il estime qu’il reste encore du travail à faire pour renforcer la transparence et la responsabilité dans tous les secteurs de la société. 

pot de vin

N’est-il pas temps de revoir nos lois ?

Au cours des dix dernières années, Maurice a mis en place plusieurs lois pour renforcer son programme de lutte contre la corruption. Par exemple, l'Asset Recovery Act 2011 définit une procédure qui permet à l'État de récupérer les biens qui ont été acquis grâce à des activités criminelles lorsque la personne en question a été condamnée. La Good Governance and Integrity Reporting Act 2015 est une loi qui permet la saisie de biens et de richesses, tandis que la Declaration of Assets Act 2018 établit un nouveau cadre juridique pour la déclaration de patrimoine à Maurice.

Il n'existe pas de loi protégeant les dénonciateurs ou les lanceurs d'alerte. 

Ce qu’il propose : un système à la Singapourienne

Me Rubesh Doomun estime que la lutte contre la corruption nécessite trois éléments essentiels : une forte volonté politique, des sanctions rigoureuses pour les actes de corruption et une culture de tolérance zéro à l'égard de la corruption.

Il se réfère à Singapour comme exemple pour proposer un changement radical dans la lutte contre la corruption. « Singapour est un pays aujourd'hui reconnu pour son haut niveau d'incorruptibilité. Son succès dans la lutte contre la corruption est dû à un cadre efficace de contrôle de la corruption basé sur quatre piliers clés : les lois, l'arbitrage, l'application et l'administration publique, soutenus par la volonté politique et le leadership », indique-t-il.

 

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