Après près de sept mois de tergiversations, le ministère de l'Environnement a officiellement décidé de poursuivre le projet d’expansion verticale du centre d'enfouissement de déchets de Mare-Chicose. Un contrat colossal de Rs 3 634 999 964 a été attribué au consortium Sotravic Ltée/Strata.
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Cette initiative, largement contestée, soulève des préoccupations non seulement parmi les écologistes mauriciens, mais aussi au sein du gouvernement. L'ex vice-Premier ministre Ivan Collendavelloo, figure de proue du Muvman Liberater (ML), a exprimé publiquement ses réserves quant à ce projet. Le 18 avril 2023, il avait dénoncé l'expansion comme une manœuvre visant à ériger un "gratte-ciel de déchets", tout en soulignant que ces déchets pourraient être valorisés pour la production énergétique. L’octroi de ce contrat de plus de Rs 3 milliards montre clairement que les préoccupations environnementales d'Ivan Collendavelloo ont été écartées sans ménagement
L’expansion verticale des centres d’enfouissement de déchets a été adoptée par plusieurs pays à travers le monde. Des nations comme les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, et les Pays-Bas ont mis en œuvre cette pratique, qui comporte plusieurs implications. Cette méthode est souvent perçue comme la plus simple en matière de gestion des déchets, car elle permet de traiter de grandes quantités de déchets sans nécessiter de nouveaux terrains. Cela évite aux autorités le coût et les complications liées à l’acquisition de nouvelles terres, qui peut être à la fois coûteuse et longue, surtout lorsque ces acquisitions sont contestées légalement.
Cependant, selon plusieurs experts, la gestion verticale des déchets nécessite des mesures techniques spécifiques pour assurer la stabilité des couches successives de déchets et prévenir les glissements ou effondrements. Une mauvaise gestion peut entraîner la contamination des sols et des eaux souterraines. En outre, la décomposition des déchets génère des gaz à effet de serre, comme le méthane, et ces problèmes environnementaux s’aggravent avec l’augmentation de la hauteur des décharges. Au ministère de l’Environnement, on reconnaît la complexité autour du site d'enfouissement de Mare-Chicose, affirmant que ce dernier est actuellement saturé. « Des efforts sont en cours pour étendre le site sur sa superficie existante, avec le soutien prévu d'un mur périphérique de 15 mètres sur 1,3 km, prolongeant ainsi sa durée de vie de 15 ans. Cependant, cette solution pourrait s'avérer insuffisante à long terme si les pratiques d'élimination actuelles persistent. Ainsi, la priorité du gouvernement demeure la promotion de la récupération des ressources et la réduction du flux de déchets vers le site d'enfouissement », fait valoir une source. D'après les données environnementales, la quantité totale de déchets solides enfouis à Mare-Chicose est passée de 388 000 tonnes en 2012 à 501 000 tonnes en 2021, et devrait atteindre environ 650 000 tonnes d'ici 2030, soit une hausse de 30 %. Par ailleurs, il a été constaté que les dépenses totales liées à la gestion des déchets, de la collecte à l'élimination, ont atteint Rs 1,8 milliard en 2021, contre Rs 1 milliard en 2012. En 2021, la gestion des déchets solides était estimée à un coût moyen de Rs 3 500 la tonne. Le gouvernement mise actuellement sur l'introduction de l'économie circulaire. Cependant, adopter une telle pratique ne se fait pas du jour au lendemain et nécessite au moins dix ans de préparation avant d'être pleinement intégrée dans les pratiques environnementales d'un pays.
Joanna Bérenger, députée du Mouvement militant mauricien (MMM), qui a souvent soulevé la situation de Mare-Chicose au Parlement, est très préoccupée par cette décision de s'engager dans une expansion verticale qui n'est pas sans risque. “D'après les rapports géotechniques effectués par les consultants afin d'évaluer la faisabilité de cette extension, des recommandations ont été formulées pour renforcer la base du site en respectant des normes rigoureuses afin de résister à la pression supplémentaire que cette extension pourrait générer, afin d'éviter toute chute. Il leur incombe de nous informer que cela a été accompli avant de continuer le processus.
Cependant, une extension verticale est encore plus dangereuse car elle accroît les risques d'accumulation de liquides et de gaz, ce qui peut provoquer des explosions et des incendies”, prévient-elle. Elle exprime aussi des préoccupations sur une des compagnies qui gèrent Mare-Chicose. « Dans une réponse à une question parlementaire, nous avons appris que la compagnie qui gère Mare-Chicose n'avait pas l'équipement nécessaire pour compacter les déchets avant l'enfouissement. Nous attirons donc l'attention sur ces risques et demandons au gouvernement de ne pas essayer de sauter les mesures de sécurité et de mettre des entreprises compétentes pour surveiller ce site, car nous voyons des signes précurseurs ! Il doit nous dire dans quelles conditions ce contrat a été attribué et surtout rassurer la population sur les mesures de sécurité en cours. Et que va-t-il arriver à ce contrat qui vient d'être attribué pour créer des "vides" ?
Elle souligne aussi que la solution pour soulager Mare-Chicose se trouve principalement dans la ségrégation des déchets à la source, le compostage des déchets et bien sûr des mesures pour réduire le nombre de déchets que nous produisons. « Il y avait certaines de ces solutions dans le plan directeur de l'environnement, mais les a-t-il mises en œuvre ? Le processus d'agrandissement de Mare-Chicose date de 2017. Depuis 2019, un projet à court terme qu'il devait réaliser était l'extension verticale de Mare-Chicose. Nous en sommes à la fin de son mandat et le projet n'est pas encore terminé », constate-t-elle.
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