L’accès à Internet et aux réseaux sociaux n’est pas sans risque. En un clic, les enfants peuvent facilement tomber sur des sites pornographiques. Quel est l’impact de ces images sur eux ? Comment les en protéger ? Nous faisons le point avec des professionnels souvent confrontés à des situations particulières.
Les enseignants se retrouvent souvent confrontés à des cas difficiles à gérer. Maryline peut en témoigner. Cette institutrice d’une école de la capitale a maintes fois dû solliciter un psychologue pour un de ses élèves. « L’enfant, qui est en Grade 3, ne cessait de jouer avec ses parties intimes en classe. Quand je l’ai surpris la première fois, je lui ai demandé de cesser. Mais il a continué. Je lui ai de nouveau parlé. À ma grande surprise, il m’a lancé qu’il aimait cette sensation. Puis il a commencé à m’insulter. »
Face à l’étendue du problème, Maryline a appelé les parents de l’écolier. Après enquête, il s’est avéré que l’enfant avait facilement accès à des films pornographiques sur le téléphone portable de son père. Depuis, l’enfant est suivi par un psychologue.
Les collèges ne sont pas épargnés par ce phénomène. « En général, les ados affichent une grande discrétion sur le sujet, surtout vis à vis des enseignants. Même si entre camarades de classe, surtout chez les garçons, ils en parlent ouvertement et ils échangent des informations sur les sites Web à visiter », indique Brijanand Sumessur, président de l’Education Officers’ Union.
Cet enseignant du secondaire attribue cette situation à la facilité d’accéder à Internet, peu importe où on se trouve. « Grâce aux nombreux outils de communication dont disposent les adolescents, qui sont influencés par leurs pairs ou parfois indirectement par les adultes, ils sont nombreux à se rendre sur des sites Web pornographiques. Ils savent pertinemment comment contourner les garde-fous. »
Brijanand Sumessur estime qu’aussi longtemps que la sexualité demeurera un sujet tabou et que l’éducation sexuelle sera reléguée au second plan, le problème restera entier. « Si les parents, les décideurs, les responsables religieux et l’école n’assument pas leurs responsabilités face aux adolescents qui ont soif de connaissances sur le sujet, le problème empirera. Ces derniers se tourneront vers les sites Web inappropriés qui offrent malheureusement une image déformée et pervertie de la sexualité. »
«Perception erronée de l’acte sexuel»
Ce que confirme Preety Ramjuttun, présidente de la Government Secondary School Teachers Union. Elle est d’avis que le fait que des adolescents visionnent des images à caractère pornographique peut gangrener leur pensée. « Ils en sont encore au stade de développement. Les adolescents perçoivent ces images et vidéos à caractère obscène, considérées comme taboues, comme un plaisir interdit mais tellement attrayant. La dangerosité est plus prononcée parce que les adolescents peuvent développer une perception erronée de l’acte sexuel qui aura forcément des répercussions sur eux. »
Pour Preety Ramjuttun, il n’y aura pas de remède miracle tant que l’utilisation du téléphone portable n’est pas strictement contrôlée par les parents et les autorités. « Il faut introduire des logiciels qui agiraient comme garde-fous pour établir une surveillance soutenue mais pratique, sans oublier des campagnes de sensibilisation contre les méfaits d’Internet. »
Dean Rungen, qui est très engagé auprès des jeunes, insiste sur le fait qu’il faut parler de la sexualité aux enfants dès le primaire. « Il faut leur parler de ce sujet très tôt. Cela leur permettra de se respecter et de respecter les autres. Avec les mots justes, ils apprendront comment ils sont venus au monde. Cela leur permettra aussi d’apprendre la beauté de la sexualité. »
Questions à... Virginie Bissessur, psychologue clinicienne : «Ils ne comprennent pas que c’est un jeu d’acteurs»
Quel est l’impact de la pornographie sur un enfant ?
La pornographie est dangereuse pour les enfants car elle les expose brutalement à une sexualité alors qu’ils n’ont pas les moyens intellectuels et émotionnels de la comprendre. Cela peut affecter la façon dont ils aborderont leur propre sexualité plus tard De plus, la pornographie d’aujourd’hui, dans toute sa violence, ne reflète pas la sexualité normale des adultes. Les enfants ne comprennent pas que c’est de la fiction et un jeu d’acteurs. Avec ce genre d’exposition, ils ne comprennent pas que la sexualité doit se faire dans l’amour, dans la tendresse et avec le consentement mutuel.
Qui sont les enfants les plus vulnérables ?
Les plus vulnérables sont ceux qui sont laissés sans la surveillance de leurs parents quand ils surfent sur le Net. Ceux qui n’ont pas de dialogue avec leurs parents sur la sexualité le sont aussi, car à l’adolescence, ils se poseront inévitablement des questions. S’ils ne trouvent pas de réponses de leurs parents ou d’un adulte qui peut tenir un discours adapté sur la sexualité, ils iront chercher des explications sur la Toile.
Que peuvent faire les parents ?
C’est aux parents d’équiper les ordinateurs et téléphones portables d’un contrôle parental. Ils doivent prendre leur courage à deux mains et en parler avec leurs adolescents. Même si c’est une conversation difficile et gênante, il est de leur devoir d’informer leurs enfants et de les protéger des dangers de la pornographie sur Internet.
L’enfant est considéré comme tel jusqu’à quel âge ?
À Maurice, la majorité sexuelle est fixée à 16 ans. Cela ne signifie pas que des enfants n’ont pas d’activité sexuelle avant cet âge. Dès leur plus jeune âge, certains ont une activité masturbatoire tandis que d’autres jouent au docteur. C’est normal. Cela fait partie de la découverte sensorielle de son corps.
Une pléiade d’outils pour protéger les jeunes internautes
Sur Internet, les enfants peuvent facilement être exposés à des contenus indésirables, à des escroqueries et à de mauvaises rencontres. Pirabarlen Cheenaramen, Yasir Auleear et Yashvi Paupiah, informaticiens de Hacker.mu, nous parlent des outils permettant aux jeunes internautes de naviguer en toute sécurité.
Les enfants utilisent de plus en plus les ordinateurs et les smartphones de leurs parents, voire leurs propres appareils, pour naviguer seuls sur Internet. Or, la Toile regorge de pièges dont les jeunes ne connaissent pas toujours les risques. À titre d’exemple, ils peuvent facilement tomber sur des contenus pornographiques, être victimes d’escroquerie ou faire de mauvaises rencontres.
Safe Search, Ublock Origin, Blocksmart…
Plusieurs moyens existent pour que les parents puissent encadrer la navigation de leurs enfants sur Internet. Les informaticiens de Hackers.mu nous donnent ici quelques-uns de ces outils. Avant tout, voici une astuce simple : les enfants doivent rester sous la surveillance des parents lorsqu’ils sont sur un cellulaire ou un ordinateur. C’est la raison pour laquelle il est recommandé qu’ils utilisent ces appareils dans le salon, et non seuls dans leurs chambres.
La plupart des sites Internet utilisent des cookies pour qu’ensuite s’ouvrent des pop-ups (fenêtres contenant généralement des publicités ou des liens) et parfois d’autres qui sont inadaptés aux enfants. C’est pourquoi nos interlocuteurs recommandent l’utilisation d’un ad blocker comme Ublock Origin. On peut aussi configurer son moteur de recherche pour utiliser le Safe Search afin de tenir les enfants éloignés des contenus indésirables.
Il est tout à fait possible d’interdire l’accès aux sites de son choix et ceux considérés comme nocifs pour les enfants ou les adolescents en utilisant des logiciels de contrôle parental. Hackers.mu recommande les programmes comme PicBlock, BlockSmart, Blue Coat K9 Web Protection, Microsft Family Safety, Qustodio, Kurupira Web Filter, Web Patrol et Drainware Parental Control, entre autres.
Il est possible de donner aux enfants des comptes sans aucun privilège administratif sur l’ordinateur. Ainsi, ils ne pourront pas installer de logiciels sans le contrôle des parents. Les membres de Hackers.mu conseillent à ces derniers de toujours vérifier avant d’installer des logiciels et des applications qui ne contiennent pas de publicités inadaptées.
Des logiciels, comme Malwarebytes, détectent les sites suspects. Sur smartphone, des applications équivalentes existent, dont Spin Safe Browser, qui bloquent l’accès aux sites Web à risque. Ils peuvent être facilement téléchargés sur l’App Store ou Google Play Store.
Nos interlocuteurs ajoutent que les parents peuvent utiliser Adult Blocker ou Porn Block qui ont pour but de bloquer les contenus à caractère pornographique. Les informaticiens de Hackers.mu recommandent enfin quelques navigateurs sécurisés comme HTTPS Everywhere qui assurent que l’internaute est connecté à la bonne version de n’importe quel site.
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