Si les grandes surfaces et les centres commerciaux ont connu un rebond de la consommation après la pandémie de Covid-19, les petits commerces, toutefois, sont toujours en difficulté. Quels sont les défis auxquels font face les opérateurs ? Tour d’horizon.
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Les seuls commerces qui n’ont pas connu de morosité malgré la pandémie de Covid-19 est le secteur de la grande consommation, notamment les supermarchés et les hypermarchés. Même pendant les confinements, les Mauriciens ont continué de consommer. Preuve de cette reprise : depuis l’année dernière, de nouveaux magasins ont ouvert leurs portes.
Le cinquième magasin de King Savers a vu le jour en mai dernier à Bonne Terre, Vacoas. « Suite à la forte demande des clients, nous sommes en pleine expansion. Nous continuons à adapter nos offres en fonction de la demande de la clientèle avec une grande variété de produits », affirme le directeur, Alain Saverettiar. D’autre part, de nouveaux magasins d’enseignes telles que Winner’s, DreamPrice ainsi qu’Intermart ont également vu le jour.
Nitish Ramsahye, Head of marketing & communication chez SaveMart, affirme que le secteur de la grande consommation n’a jamais connu d’arrêt. « Les Mauriciens vont continuer de consommer pour survivre. Certes, il y a eu des perturbations au niveau de l’approvisionnement, ce qui a créé des pénuries pendant un certain temps. Mais actuellement, la situation est revenue à la normale », dit-il. Par ailleurs, il fait savoir que pour mieux servir ses clients, l’enseigne entame un changement stratégique et un nouveau positionnement. « D’ici fin septembre, tous nos 28 supermarchés seront connus comme SaveMax », annonce-t-il.
Les centres commerciaux s’en sortent relativement bien. C’est le cas notamment du centre commercial Grand-Baie La Croisette qui compte actuellement un taux d’occupation de 100% de locataires. Suite à la forte demande auprès des opérateurs dans le commerce, la direction a décidé d’agrandir le centre. Ainsi, à partir de janvier 2024, un projet d’expansion débutera. « Nous allons étendre le centre avec une superficie additionnelle de 5 500 mètres carrés. Cette surface sera occupée par des magasins », fait part le Centre Manager, Saoud Deelawar.
Signe de la reprise : depuis l’année dernière, de nouveaux magasins ont ouvert leurs portes .
Ce dernier affirme qu’après la pandémie, le nombre de visiteurs est en constante progression. « En 2022, nous avons accueilli une moyenne de 550 000 visiteurs par mois. Cette année, on constate que le nombre est plus élevé », indique-t-il. Selon lui, la reprise est partie de plus belle. « Au niveau de la consommation, c’est-à-dire, Food & Beverages, la performance est au-delà de nos attentes. Les restaurants sont remplis tous les jours », se réjouit-il. Concernant le retail (magasins de vêtements, de chaussures etc.), il soutient que la vente est plus élevée par rapport à l’an dernier. « Mais je dirai que c’est moins en comparaison avec les restaurants », précise notre interlocuteur. Ce dernier soutient que l’expansion du centre démontre que le secteur du commerce affiche une santé de fer.
Les petits commerces toujours dans le rouge
Si les grandes surfaces et les centres commerciaux ont réussi à surmonter la pente, les petits commerces, toutefois, peinent toujours à sortir la tête de l’eau. Sutcheedanand Dussoye, Acting President de la Shop Owners Association, avance que ce sera difficile de faire face à la compétition avec les grands opérateurs dans le secteur. Il indique d’ailleurs que depuis la pandémie, la situation s’est améliorée par seulement 25%.
« Les petites boutiques agissent comme un ‘dépannage’ pour les consommateurs. Ces derniers font les gros achats du mois dans les grandes surfaces et vont acheter dans les boutiques uniquement lorsqu’ils manquent un item », explique-t-il. Cependant, il souligne qu’il y a aussi un certain nombre de consommateurs qui dépendent des petites boutiques pour leur survie. « Par exemple, les familles au bas de l’échelle achètent du riz ou encore de la farine en petit volume, soit un à deux kilos. Ce sont uniquement les petites boutiques qui peuvent subvenir à leurs besoins, car les grandes surfaces ne vendent pas en petit volume », fait ressortir notre interlocuteur.
Un autre problème auquel font face les boutiquiers actuellement est l’approvisionnement auprès des fournisseurs. « Ces derniers exigent qu’on achète des produits en grande quantité. Mais nous ne pouvons le faire car nous n’avons pas la clientèle requise pour absorber ce volume. Ainsi, on risque de se retrouver avec des articles expirés. C’est une grosse perte », déplore notre interlocuteur.
Questions à …Dominique Filleul, président de la General Retailers Association (GRA) : «Les allocations de l’État ont contribué à stimuler la consommation»
Comment se porte le commerce actuellement ? La situation s’est-elle améliorée depuis la pandémie ?
Je dirai que certains commerces s’en sortent bien, alors que d’autres se retrouvent toujours en difficulté. La tendance pour la consommation reste quasiment stable. Mais face à la hausse des coûts, les opérateurs sont appelés à faire des choix stratégiques. Les commerces doivent s’assurer de bien se positionner par rapport aux besoins et au pouvoir d’achat des Mauriciens. Dans cette démarche, certains ont réussi. Malheureusement, d’autres sont incapables de s’adapter. Mais en règle générale, je peux dire qu’il y a une augmentation sur les ventes depuis le début de l’année.
Les mesures annoncées dans le Budget 2023/2024, notamment les allocations, ont-elles une influence sur le pouvoir d’achat des Mauriciens ?
Oui, certainement. Une hausse additionnelle sur le revenu permet aux consommateurs de dépenser plus. Au niveau du commerce, nous avons constaté une progression suite à l’introduction des allocations du gouvernement. Cela concerne surtout les employés qui touchent un salaire minimum. Une augmentation de Rs 1 000 à Rs 2 000 stimule davantage la consommation.
Quel est le défi principal auquel font face les commerçants actuellement et comment y remédier ?
Comme toutes les entreprises, que ce soit dans le retail ou dans d’autres secteurs d’activité, la grosse problématique demeure la dévaluation de la roupie. L’importation des produits coûte de plus en plus cher. Ainsi, les prix augmentent et ce sont les consommateurs qui doivent payer plus cher pour les produits. Je sais que ce n’est pas facile à contrôler, mais les autorités doivent faire un effort pour stabiliser le taux de change. Si on arrive à descendre à moins de Rs 50 pour un euro, par exemple, soit à Rs 48, ce sera bénéfique non seulement pour les commerçants mais aussi pour les consommateurs.
Dannysen Coopoosamy, dirigeant du Front Commun des Commerçants de l’île Maurice : «La hausse du coût de la vie influe négativement sur les petits commerçants»
Le dirigeant du Front Commun des Commerçants de l’île Maurice, Dannysen Coopoosamy, parle d’une certaine reprise mais que, parallèlement, les petits commerçants font face à plusieurs contraintes.
Quelle est la situation dans le monde des petits commerçants ?
Près de trois ans après le confinement qui a presque paralysé le pays, je peux dire que la situation s’améliore graduellement pour les petits commerçants. Cela s’explique par le fait qu’une majorité de salariés qui faisaient du télétravail ont repris le chemin du bureau. Certes, les petits commerces n’ont pas repris à 100 % car ils sont confrontés à plusieurs contraintes, mais on ne peut nier que la reprise est là.
Quelles sont les contraintes auxquelles font face les petits commerçants ?
Ce sont surtout des problèmes d’ordre économique. D’abord, la hausse du coût de la vie influe négativement sur nos chiffres de vente. Aujourd’hui, les Mauriciens pensent à deux fois avant d’effectuer certains achats. Ce qui affecte nos chiffres d’affaires. Je peux aussi affirmer que le Victoria Urban Terminal a réduit considérablement la clientèle des maisons de commerce se trouvant dans le centre de la capitale et même les maraîchers du marché central sont affectés. Pour les employés de bureau, qui profitaient de la pause déjeuner pour faire leurs achats, il est maintenant plus pratique pour eux de se rendre au Victoria Urban Terminal en rentrant chez eux après les heures de bureau. Les centres commerciaux qui poussent comme des champignons à travers le pays mènent aussi la vie dure aux petits commerçants.
Une autre contrainte majeure pour les petits commerçants est la hausse du coût du loyer des emplacements commerciaux. En outre, ils ont aussi d’autres charges comme les salaires de leurs employés et les factures, entre autres. Il se trouve que plusieurs peinent à joindre les deux bouts et envisagent même de mettre la clé sous le paillasson. Inutile de dire que la hausse du Repo Rate a aggravé la situation des commerçants qui ont à rembourser leurs emprunts.
Comment le gouvernement peut-il vous venir en aide ?
On a vraiment l’impression que les autorités ont abandonné les petits commerçants à leur sort. Il ne faut pas oublier que les magasins, les boutiques du coin, les maraîchers et les restaurants, entre autres, ont énormément contribué au développement économique du pays. Qu’on le veuille ou non, ils ont toujours offert un service de proximité à leur clientèle. Je pense surtout à ces boutiquiers qui vendent toujours à crédit à des familles qui sont dans le besoin. Peut-on aujourd’hui oublier leur grande contribution dans le développement du pays ?
Pour leur venir en aide, je pense qu’il faut d’abord relancer les activités nocturnes dans les cinq villes du pays. C’est triste que Port-Louis, qui grouille de monde durant toute une journée, devient ville morte après les heures de bureau. Je suis aussi d’avis que les autorités auraient pu mettre à la disposition des petits commerçants des emplacements à des prix abordables dans les urban terminals qui seront construits prochainement comme elles l’ont fait pour des marchands ambulants au Victoria Urban Terminal.
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