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Concilier travail et vie de famille : Défi de femme, hélas !

La société attend de la femme qu’elle reste le principal pilier de la famille tout en menant une carrière professionnelle de plain-pied. Son rôle, dans le monde moderne, nécessite réflexion et redéfinition. « Ne dépouillez pas la femme de son mystère », disait Nietzsche. Pendant longtemps, la société n’a pas voulu lever le voile sur le mystère sur la façon dont la femme conciliait travail et vie de famille. Aujourd’hui, on se rend compte que ce n’était pas sans conséquence. Selon un rapport du FMI, sur dix femmes qui quittent leur boulot, six soutiennent que c’est pour s’occuper de leurs familles. Ont-elles le choix ? Peut-on leur reprocher de privilégier la famille au lieu de leur carrière ? Auraient-elles souhaité pouvoir continuer à travailler tout en ne négligeant pas leurs enfants ? Pour l’anthropologue Daniella Bastien, il importe de s’attarder « en premier lieu » aux raisons poussant la femme à quitter son job. « Certaines n’ont personne pour s’occuper des enfants. D’autres ont un époux qui n’est pas présent à la maison. Quelques-unes encore le font par choix », dit-elle, en ajoutant que ce n’est pour autant « qu’elles n’ont aucune activité professionnelle ». À un certain moment de sa vie, précise Daniella Bastien, la femme éprouve le besoin d’être auprès de sa famille. « Elle en a le droit. J’ai eu la chance d’avoir une maman qui était femme au foyer. C’était réconfortant de la savoir toujours à mes côtés », souligne-t-elle.

« Elle est jugée »

Aucune femme ne devrait se sentir coupable après avoir décidé, à un moment de leur vie, de se consacrer entièrement à leur famille. C’est ce que soutient Marie-Noëlle Elissac-Foy, femme entrepreneure et directrice de Talent Factory. « Aujourd’hui, la société pousse la femme à accorder priorité à sa carrière. Lorsqu’elle décide la mettre en veilleuse, elle est jugée. On estime qu’elle régresse. Ce n’est pas le cas », insiste-t-elle. Pour elle, il y actuellement « une prise de conscience » de la femme. « Elle s’interroge sur son épanouissement et cela ne passe pas forcément par une carrière comme employée. Je me réjouis de cela. Au sein de l’Association mauricienne des femmes-chefs d’entreprise, je connais trois femmes qui n’ont pas 35 ans qui ont tourné le dos à une belle carrière pour se mettre à leur propre compte. C’est formidable. Malgré leur jeune âge, elles ont réalisé que leur épanouissement passait par une indépendance en termes de finances, mais aussi en termes de temps. C’est lorsqu’on a une famille qu’on réalise que le temps passe à la vitesse de l’éclair. On veut voir nos enfants grandir », avance-t-elle.

Pilier de la famille

Daniella Bastien souligne que même si la femme est appelée à mener une carrière professionnelle, elle ne se départit pas de son rôle de pilier de la famille. « C’est elle qui soude la cellule familiale. Et quand  elle n’arrive pas à concilier carrière et famille, les conséquences sont lourdes… sur la famille en premier et ensuite la société », dit-elle. La plupart des femmes, dit-elle, ont des horaires de travail très difficile. « Elles quittent la maison assez tôt le matin pour rentrer après le coucher du soleil. Il faut alors préparer le dîner. Les enfants dînent et se mettent au lit. Idem le lendemain ! La femme est en train de perdre son rôle fédérateur au sein de la famille. C’est une tendance mondiale, touchant surtout les sociétés développées. Résultat : les enfants sont en manque de repères », constate l’anthropologue. Danielle Bastien ne pense pas que la femme doit quitter son job pour s’occuper de sa famille. Elle prône plutôt « un bon équilibre » entre le travail et la famille. Pour elle, la femme devrait avoir le droit de prendre une ou deux années sabbatiques ou encore de mettre sa carrière en suspens si elle peut se le permettre. « Elle doit aussi avoir le droit de faire une demande de travailler à temps partiel à un moment de sa carrière. Elle doit pouvoir bosser et ensuite prendre des vacances avec ses enfants pour rattraper le temps perdu », dit-elle. L’anthropologue insiste sur un point : les mentalités doivent changer. « Combien de femmes doivent tout faire à la maison : cuisine, ménage, travail, enfants ? Pourquoi la société met-elle autant de pression sur elle en lui faisant croire que c’est son rôle de préparer les repas ? La complémentarité au sein du couple devrait permettre à la femme de travailler tout n’étant pas surmenée », insiste-t-elle.

Monde du travail inadapté

Daniella Bastien et Marie-Noëlle Elissac-Foy sont unanimes à dire que le monde du travail « ne permet pas toujours à la femme » de concilier travail et famille. « Cela est dommage. C’est la femme qui donne la vie. Nous devons donc créer un mode de travail qui lui permettrait de mener en parallèle une carrière professionnelle. Les employeurs ne réalisent pas qu’une fois la journée de travail terminée, une deuxième débute pour la femme à la maison. Il faudrait une réflexion sur le Gender Sensitive Work Environment pour permettre à la femme d’être présente auprès de sa famille tout en travaillant », regrette Marie-Noëlle Elissac-Foy.

Pradeep Dursun - Business Mauritius : « Il y a beaucoup de demandes pour des horaires flexibles »

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/div> Toute entreprise devrait pouvoir concilier les obligations professionnelles et les obligations familiales ou parentales. C’est ce soutient Pradeep Dursun, directeur de Business Mauritius. « Cela dit, les horaires de travail sont propres à l’entreprise, dépendant des services qu’elle fournit. Tout cela est régi par les lois du travail. En cas de demande pour des horaires plus flexibles, c’est l’employeur qui, de concert avec d’autres personnes, est appelé à trancher. Néanmoins, nous constatons qu’il y a beaucoup de demandes pour des horaires flexibles au sein de plusieurs entreprises et elles sont très souvent agréées. D’un commun accord, l’employeur et l’employé arrivent à trouver une solution », dit-il. [row custom_class=""][/row]

Jane Ragoo – syndicaliste : « Il faut revoir les lois du travail »

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Pour la porte-parole de la Confédération des travailleurs du secteur privé, adapter le monde du travail aux exigences des mères de famille n’est pas l’affaire du patronat uniquement. « Toutes les femmes ne peuvent se permettre le luxe de quitter leur job pour s’occuper de leur famille. Le gouvernement devrait revoir les lois du travail afin de favoriser les horaires flexibles. C’est comme encourager les Mauriciennes à avoir plus d’enfants mais sans mettre de structure pour les soutenir », proteste Jane Ragoo. La syndicaliste rappelle que certaines ouvrières doivent travailler 55 heures par semaine et les vigiles encore plus. « Quand ces femmes quittent leur maison le matin, leurs enfants sont toujours couchés. À leur retour, les gosses dorment déjà. Il y a définitivement un problème », souligne Jane Ragoo.

L’exemple rodriguais

Marie-Noëlle Elissac-Foy et Daniella Bastien insistent que c’est à la femme de tenter la chance si elle veut concilier travail et famille. L’anthropologue cite le cas des rodriguaises. « La plupart font une activité à domicile, surtout dans le domaine de l’artisanat. La femme mauricienne devrait se pencher sur cette possibilité », dit-elle. Daniella Bastien évoque aussi le cas d’une amie qui a décidé de se mettre à son compte. « Elle n’en pouvait plus avec ses horaires de travail. Elle a créé la première agence de babysitting à Maurice. Depuis, elle travaille de chez elle. Son salon est devenu son bureau. Elle y accueille ses clients et ses employées », soutient-elle.

Shahana : « J’ai préféré être auprès de mon enfant »

Shahana, la vingtaine, rêvait de devenir enseignante. Mais malgré son degré en statistiques, elle a choisi l’entreprenariat. « J’ai préféré être auprès de mon bébé de 7 mois. Cela aurait été dur de le laisser le matin pour aller travailler. Certes, il y a les nounous et les crèches, mais je voulais m’occuper de lui, surtout le voir grandir », dit-elle. Celle qui voulait être prof donne des leçons particulières à domicile et, en même temps, vend des produits de beauté. « Cela marche très bien. C’est un gros défi pour une femme de s’occuper de son enfant et de travailler en même temps. Certes, toutes les femmes ne pourront se permettre le luxe de quitter leur job. Mais je ne regrette pas mon choix », dit-elle.

L’expérience canadienne

Dans l’émission « Scènes de vie », sur Radio Plus mardi, Marie-Noëlle Elissac-Foy a parlé de son constat lors d’un séjour professionnel à Montréal au Canada. « J’ai été surprise de constater à quel point le monde du travail est adapté aux diverses phases de la vie d’un homme ou d’une femme. Quand vous devenez parent, vous êtes en mesure de prendre une année sabbatique avant de reprendre votre poste. On propose des horaires de travail flexibles et encourage le travail à domicile. J’avais des collègues qui venaient au bureau trois jours par semaine et travaillaient de chez eux les deux autres. C’est normal là-bas de travailler à la maison, tout en s’occupant des enfants. J’ai hâte de voir  une telle évolution chez nous », dit-elle. Pour la chef d’entreprise, Maurice a connu un développement rapide. « C’est venu avec son lot de problèmes. Il est grand temps de réaliser que l’homme et la femme ne sont pas que des machines à travailler. Une personne doit être épanouie pour être plus performante au travail. Nous vivons dans une société stressée et stressante. Il faut y remédier au plus vite », insiste-t-elle.

Eurêka

Marie-Noëlle Elissac-Foy a émis l’idée de développer le concept d’assistance virtuelle pour embaucher les femmes qui veulent travailler de chez elles. « De nombreux entrepreneurs sont débordés et cherchent de l’assistance. C’était mon cas. J’ai eu l’idée de faire d’une dame, qui avait un emploi dans une usine, de devenir mon assistante virtuelle. Elle répond aux appels et aux mails de chez elle. Cela marche à merveille ! C’est quelque chose à creuser pour les femmes au foyer », suggère-t-elle.

Un certain mal-être

Selon Daniella Bastien, la place de la femme au sein de la société pose toujours problème. « Il y a eu le mouvement féministe, dont le message était que la femme peut se débrouiller toute seule et nourrir sa famille. Résultat : elle en fait trop, au point de ressentir un certain mal-être. Puis, il y a la pression que la société met sur elle. Elle doit réussir sur tous les fronts : être une mère parfaite et avoir une belle carrière », souligne l’anthropologue. Le paradoxe, souligne Marie-Noëlle Elissac-Foy, c’est que « maintenant qu’elle tente d’adapter son boulot à ses préoccupations familiales, cette même société la culpabilise ».
 

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